Pierre Havaux
« BHV sans son B, pas sans soucis »
BHV n’est plus. N’est plus qu’une affaire communautaire classée. Exit l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde, rideau sur une interminable saga pour cause de scission en 2012.
» Halle-Vilvoorde, waar Vlamingen thuis zijn ? » C’est un peu plus compliqué que cela. Et cette fois, les fransquillons n’y sont pour rien. La tache d’huile francophone a cédé le pas à d’autres grandes marées qui submergent cette partie du Brabant flamand parsemée de 35 communes dont six à facilités linguistiques, et que l’on nomme » Rand » pour sa localisation en bordure de Bruxelles.
Voici peu, ce que le » Vlaamse Rand » compte comme gestionnaires ou mandataires d’importance s’est rendu au parlement flamand, de gros cahiers de doléances sous les bras et des tracas plein les têtes. Plus belle la vie en périphérie ? A d’autres. Le territoire croule sous les défis. Mobilité catastrophique. Urbanisation galopante. Immobilier en proie à une flambée des prix. Enseignement en butte à des classes toujours plus peuplées d’élèves allochtones. » Dénéerlandisation » accélérée avec le néerlandais déjà absent au sein d’un foyer sur trois. Insécurité nourrie par une criminalité typique des grandes villes. Pression démographique intense : » la population en périphérie (427 988 habitants recensés en 2015) augmentera de plus de 10 % d’ici à 2035 « , a prévenu Eddy Frans, directeur général de l’asbl De Rand, » et la part d’habitants d’origine étrangère dans la population (35,3 %) y est déjà le double de celle en Flandre « . Boum, la périphérie fait boum.
Les diagnostics allaient bon train : ce dont souffre le Rand, c’est d’une » forme de refoulement social « , s’inquiète le N-VA Willy Segers, député-bourgmestre de Dilbeek ; de » bruxellisation « , suggère Hans Bonte (SP.A), son homologue de Vilvorde.
Evidemment, le quotidien serait nettement moins pénible à vivre sans la présence du voisin de palier bruxellois. Avec ou sans scission, il n’a pas fait ses cartons ni daigné réduire ses nuisances en tous genres. » La périphérie flamande paie chaque jour un énorme tribut à l’incapacité de s’accorder avec ce que l’on appelle « l’éléphant blanc », Bruxelles » regrette amèrement Hans Bonte. Trente ans de cohabitation forcée et toujours autant de mal à s’entendre avec ce » witte olifant » qui désespère la Flandre par la propension qu’on lui prête à dépenser beaucoup et trop souvent inutilement. Ce tabou doit tomber, a martelé le mayeur de Vilvorde.
Mais comment s’y prendre sans perdre son âme et le caractère flamand déjà si fortement incommodé de la périphérie ? Le temps d’une journée de février au Vlaams Parlement, l’assistance s’est longuement penchée au-dessus du patient aux urgences, sans pouvoir chasser le pachyderme bruxellois de ses pensées. Soudain autour du billard, Peter Persyn, député N-VA originaire d’une autre périphérie, anversoise celle-là, a lancé à la cantonade : et si le début d’un sursaut venait du choix des mots ? » « Vlaamse Rand », c’est trop défensif. L’expression évoque une région marginale, périphérique. Pourquoi ne pas plutôt parler de « Groene Vlaamse Kroon » » ? Se revendiquer d’une » couronne verte flamande » pour vaincre la sinistrose ambiante et tenter d’apprivoiser l’ » éléphant blanc » qui n’en fait qu’à sa tête. HV n’est toujours pas quitte de son B.
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