Belgique et Royaume-Uni: une même lignée, mais deux monarchies bien distinctes
Les familles royales belge et britannique appartiennent toutes deux à la lignée des Saxe-Cobourg. A l’heure actuelle, cependant, affirmer que les deux monarchies sont proches serait quelque peu excessif.
Le décès d’Elizabeth II aura rappelé cette information au bon souvenir des Belges: les familles royales belge et britannique appartiennent à la même lignée. Une exploration de l’arbre généalogique de la maison de Saxe-Cobourg et Gotha permet de mesurer cette proximité familiale, du moins au XIXe siècle. Léopold Ier, premier roi des Belges, était l’oncle de la reine Victoria, qui a régné à partir de 1837 et durant plus de 63 ans, un record battu par Elizabeth II. Victoria était donc la fille de Victoire de Saxe-Cobourg-Saalfeld, la sœur de Léopold Ier, de quatre ans son aînée.
Ces liens du sang se sont encore renforcés lors du mariage de la reine Victoria avec son cousin germain, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, en 1840. Il était lui aussi le neveu de Léopold Ier, en tant que fils de son frère Ernest.
A propos du titre de la maison de Saxe-Cobourg et Gotha, la famille royale britannique opta en 1917 pour une appellation à la consonance moins germanique, dans le contexte de la Première Guerre mondiale. C’est à ce moment qu’est née la maison Windsor. Dans le même mouvement, en 1921, Albert Ier décida de privilégier l’usage du titre «de Belgique» dans notre pays.
Presque deux siècles après le début des règnes de Léopold Ier et la reine Victoria, une proximité existe-t-elle encore réellement entre les deux monarchies? «Sur le plan privé, au-delà des rencontres protocolaires, il n’y a pas vraiment de lien», explique le chroniqueur royal, journaliste et historien Patrick Weber. Affirmer que les membres des deux familles se connaissent bien, d’un point de vue personnel, serait franchement excessif. «Ils ne partent pas en vacances ensemble, si je puis me permettre. D’ailleurs, à ma connaissance, depuis que la princesse Elisabeth de Belgique a entamé ses études à Oxford, elle n’a pas été reçue à Buckingham ou à Kensington, par exemple.»
Au-delà des rencontres protocolaires, il n’y a pas vraiment de lien. Ils ne partent pas en vacances ensemble.
Les relations entre familles ne s’ entretiennent plus comme autrefois. «Mais à vrai dire, ça n’existe plus vraiment depuis la reine Victoria, qui organisait ses garden-parties. En ce qui concerne la génération actuelle, il n’y a plus cette proximité, hormis peut-être en Scandinavie, entre les princes et princesses de Suède, de Danemark et de Norvège. Là, on peut voir une certaine implication pour la cause de l’environnement, notamment», indique le spécialiste des têtes couronnées.
Deux périodes de tension
Entre les monarchies belge et britannique, l’histoire a même été faite de moments de tension. «On peut en identifier deux», explique Patrick Weber. Le premier est né des ambitions coloniales de Léopold II, qu’il a exposées à la conférence de Berlin de 1885. «Tout le monde rit sous cape en écoutant ses arguments discutables mais le dossier belge finit par l’emporter, au grand dam des Anglais qui sont en pleine composition de leur empire colonial à la taille de la planète. Sur ce dossier, deux Saxe-Cobourg – Victoria et Léopold – s’affrontent et, cette fois, ce n’est pas la plus puissante qui l’emportera», développe Patrick Weber dans son ouvrage La Saga des Saxe-Cobourg (éd. Perrin, 2016).
L’ autre épisode est plus récent. Les relations se sont refroidies aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Jeune roi, Baudouin refusa alors de se rendre aux funérailles du roi d’Angleterre Georges VI, le père d’Elizabeth II, décédé inopinément en 1952. Il fallait y voir une forme de rancœur après les critiques émises par Georges VI sur l’attitude de Léopold III durant le conflit. C’est le prince Albert qui se rendit aux funérailles.
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Cette période de tension s’est franchement apaisée à partir des années 1960, sous l’impulsion de Baudouin et Elizabeth II, deux jeunes souverains respectivement montés sur le trône en 1951 et 1952. Cette proximité s’est notamment manifestée à l’occasion des différentes visites officielles de la reine d’Angleterre au plat pays: en mai 1966 à l’occasion des commémorations de la Seconde Guerre mondiale, puis en 1980 à l’Otan et par deux fois en 1993. Elle s’est rendue en juin à Waterloo et, quelques semaines plus tard, le 7 août, aux funérailles de Baudouin. Cet hommage-là fut une exception, signe du lien entre les deux souverains, la reine d’Angleterre ne se déplaçant en principe pas à l’étranger pour de telles funérailles. Elle s’est rendue encore à deux reprises en Belgique: avec Albert II et Paola à Ypres en 1998, pour les commémorations de l’ Armistice, et avec Philippe et Mathilde à Wavre en 2007, pour une visite de l’entreprise pharmaceutique GlaxoSmithKline.
Hormis le fait de régner sur des monarchies constitutionnelles et parlementaires, en dépit de leur parenté, il faut constater qu’une certaine distance s’est installée entre les familles royales aujourd’hui, observe Patrick Weber. C’ est que la monarchie britannique conserve une dimension hors norme par rapport à la plupart des autres: plus de faste, de symboles, de célébrité. «A vrai dire, un certain faste demeure autour de la reine Margrethe II du Danemark. Aux Pays-Bas, Beatrix avait réintroduit un certain faste au début de son règne, ce qui lui avait valu des critiques. Chez nous, ce n’est plus possible, pas plus d’ailleurs que dans d’autres monarchies», assure-t-il.
L’influence de la famille royale britannique sur la nôtre se fait peut-être sentir ailleurs, dans une certaine mesure: la modernisation de l’image, la communication, l’utilisation des réseaux sociaux. «La monarchie anglaise est très dynamique de ce point de vue. Elle en a sans doute inspiré d’autres, qui ne disposent évidemment pas des mêmes moyens», observe encore le spécialiste des monarchies.
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