Le président de la N-VA, Bart De Wever. © Belga

Pourquoi Bart De Wever veut imposer l’autonomie de la Flandre

Le bourgmestre d’Anvers et président de la N-VA refait parler de lui depuis quelques semaines après plusieurs interventions dans les médias. La dernière en date concerne la volonté d’autonomiser la Flandre « de manière extralégale » . Que cherche à faire Bart De Wever avec cette déclaration ? Réponse avec Min Reuchamps, politologue et professeur de sciences politiques et sociales de l’UCLouvain.

Ce week-end, Bart de Wever a décidé de faire passer un message à la Belgique. Que ce soit le samedi dans les pages du journal flamand ‘De Tijd’ ou le lendemain sur le plateau de l’émission de la VRT De Zevende Dag, l’autonomie de la Flandre a été le nouveau gros dossier du président de la N-VA. Sa volonté ? Imposer l’autonomie de la Flandre « de manière extralégale ».

« Toutes les réformes majeures ont été introduites de manière extralégale puis légalisées », a-t-il d’ailleurs déclaré à la télévision flamande, avant d’ajouter: « Dans ce pays, vous pouvez avoir une certitude: une fois que vous avez (obtenu) l’autonomie en ce qui concerne la gouvernance, elle ne se reconstituera jamais, car pourquoi feriez-vous quelque chose avec une partie du pays qui pense fondamentalement différemment et vote fondamentalement différemment. »

Si le message est fort, faisant notamment référence à un possible coup d’État, la nuance reste malgré tout de mise. « Qu’est-ce qu’il se passe quand on veut faire bouger les choses ? On a un accord politique entre les présidents de partis et ensuite ça vient en texte de loi. Mais il y a donc techniquement d’abord un accord politique hors du cadre parlementaire. C’est probablement ça qu’il a à l’esprit », explique Min Reuchamps, politologue et professeur de sciences politiques et sociales de l’UCLouvain.

Le timing des dernières déclarations du leader nationaliste n’est pourtant pas anodin. « Ça peut être vu et présenté, c’est ce qu’il fait d’ailleurs, comme une solution aux problèmes socio-économiques mais aussi aux questions migratoires que peuvent connaitre les régions de la Belgique à un moment où, on le sait, les Belges vont bientôt retourner aux urnes. » Dans un an et demi, en 2024, les Belges seront invités à voter pour les élections fédérales, régionales et européennes. L’occasion donc pour Bart de Wever de sortir ses meilleurs dossiers. Encore faut-il qu’il soit suivi par ses électeurs…

« Tant le terreau de l’opinion publique et politique n’est pas en faveur d’aller vers plus d’autonomie d’une certaine façon. »

Un soutien pas si important

Déjà en 2011, le président de la NVA planchait, avec les libéraux notamment, sur le projet d’un État plus confédéral. Depuis, la tendance semble s’être inversée. Selon le politologue de l’UCLouvain, le soutien pour une Flandre autonome tournerait entre 5 et 15%, selon la manière dont la question est posée. « Au moment de discuter de la sixième réforme de l’Etat (2010-2011), il y avait quand même parmi les parlementaires francophones et néerlandophones une volonté d’aller plus vers une régionalisation. Depuis lors, il y a maintenant une majorité, des deux côtés de la frontière linguistique, souhaitant envisager une certaine refédéralisation de compétences. Tant le terreau de l’opinion publique et politique n’est pas en faveur d’aller vers plus d’autonomie d’une certaine façon. »

Les différentes crises traversées à l’échelle internationale mais aussi sur le plan national ont certainement influencé ce changement. « Les enjeux pour les électeurs sont surtout sur les questions socio-économiques. Donc ce thème tombe loin des préoccupations principales. Par contre, d’un point de vue plus stratégique, ramener ce sujet-là sur le tapis peut permettre de revendre un peu du rêve. C’est une manière d’être vu comme une solution aux problèmes de la Flandre et de la Belgique. » Bart De Wever, le grand sauveur ? Difficile de faire cavalier seul.

Sans le Vlaams Belang, mission impossible ?

Ce type de projet de grande ampleur est difficile à faire aboutir s’il n’a pas de soutien parmi les autres partis flamands. Dans l’autre cas, il s’agirait d’un passage en force ou d’un « coup d’État ». Le président de la N-VA n’a donc pas d’autre choix que de collaborer avec le Vlaams Belang. Ce dernier parti est d’ailleurs en tête dans les sondages, de quoi inquiéter Bart De Wever. « Je vais tout faire pour que nous restions le premier parti. Sinon, l’élan pour une Vivaldi II au fédéral sera impossible à arrêter. Et si le Vlaams Belang obtient un score monstrueux, je crains le pire. L’ingouvernabilité de la Belgique menacera d’être exportée au niveau flamand », a-t-il raconté au journal De Tijd.

La tendance ne semble donc pas être pour un rapprochement immédiat entre les deux partis. Cela s’explique, pour Min Reuchamps. « Il est face à un dilemme face au Vlaams Belang. A la fois, ils vont chercher dans le même bassin électoral mais au même moment, ils sont des alliés potentiels sur la question de réforme de l’État. C’est aussi l’occasion pour Bart De Wever de dire aux électeurs du VB qu’il est aussi un bon Flamand en défendant la question d’autonomie, et donc de ne pas laisser ce parti avancer sur ce sujet-là. »

Pour le politologue de l’UCLouvain, la sortie de Bart De Wever sert avant tout à sonder les avis à gauche à droite. « En politique, on sait qu’on envoie aussi une série de bouteilles à la mer et on voit ce qu’il se passe. Il y a des effets d’annonce qui doivent se faire et après on s’adapte pour voir si certains prennent ou pas d’une certaine façon. » A voir donc si un parti flamand se sent prêt, ou non, à récupérer la bouteille.

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