Bart De Wever suggère trois propositions pour la reconstruction de la Belgique
Pour Bart De Wever, président de la N-VA, « il y a un gouvernement de trop en Belgique et c’est le gouvernement fédéral. Nous voulons introduire un modèle confédéral, où les États fédérés obtiennent tous les pouvoirs ». Il suggère trois propositions pour la reconstruction de la Belgique.
Vous êtes pour une réforme en profondeur de la Belgique, une fois qu’on sera sorti de la crise du covid
« Tous ceux qui sont capables de réfléchir en toute sincérité admettront que la Belgique est finie. Je pense même que le consensus à ce sujet n’a jamais été aussi grand. Un gouvernement démocratique n’est plus possible dans ce pays. Des formations qui traînent pendant des années, des gouvernements sans majorité flamande : les choses ne peuvent pas continuer comme ça.
Que proposez-vous ?
» A mon humble avis, il y a un gouvernement de trop et c’est le gouvernement fédéral. Nous voulons introduire un modèle confédéral, où les États fédérés obtiennent tous les pouvoirs. Je suis pour un modèle 2+2. Cela signifie deux États fédéraux à part entière, la Flandre et la Wallonie, et deux États fédéraux dotés d’un statut spécial, Bruxelles et la région germanophone. Et on se met d’accord sur ce que nous voulons encore faire ensemble. »
Pourquoi cela serait-il mieux qu’une Flandre indépendante ?
« Chaque chose en son temps. Nous ne sommes pas un parti révolutionnaire. La division d’un pays suscite la peur et ce n’est pas quelque chose qui est souhaité par le peuple. Si nous pouvons résoudre les problèmes du pays avec un modèle confédéral, cela nous convient. Et je suis sincère en disant cela. Je veux donner au confédéralisme une véritable chance. »
Votre modèle semble compliqué. Pourquoi ne pas faire quatre États fédéraux à part entière ?
« N’importe quelle solution pour la Belgique sera une solution compliquée. C’est inévitable. Mais laisser tomber Bruxelles serait très stupide. J’ai eu des discussions approfondies avec le président du PS, Paul Magnette. Il a été très honnête. Il croit lui aussi que la Belgique est finie. Il pense même que n’est qu’une question de temps. Face à ce constat, Magnette souhaite sauver deux choses. Un : un bon règlement financier. Et deux : Bruxelles. Le PS veut que la Wallonie et Bruxelles restent sous le nom de Belgique. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire. D’une part, parce que nous devons défendre les intérêts des Flamands à Bruxelles et, d’autre part, parce que la Flandre doit également tirer profit de la fonction internationale de Bruxelles. N’oubliez pas que c’est le siège de l’Union européenne et de l’OTAN. De plus, la Flandre serait alors cantonnée dans le rôle du méchant et devrait mendier sa reconnaissance partout. »
Comment introduire votre confédéralisme ?
« C’est toute la question. Je ne crois plus guère que l’on puisse faire quoi que ce soit dans le cadre de la constitution. Le pays est complètement verrouillé. Il nous faut un nouveau coup, un nouveau moment Lophem (NDLR : qui a permis le suffrage universel masculin en Belgique). A l’époque, on a fait fi de la constitution pour lancer une réforme fondamentale. C’est une leçon pour aujourd’hui. La constitution ne doit pas faire obstacle aux changements nécessaires. J’espère qu’en 2024, les dirigeants du pays oseront un nouveau changement de paradigme. Ce pays a besoin de nouveaux horizons. Cela se produira aussi, à mon avis, parce que nous serons dos au mur. Il suffit de voir l’avancée de l’extrême gauche et de l’extrême droite. »
Et si cela ne se produit pas ?
(il réfléchit) « Si après 2024 nous avons un autre patchwork gouvernemental du style Vivaldi, je prédis une implosion du système. Les partis traditionnels peuvent s’effondrer complètement. Je n’exclus même pas la possibilité de troubles civils, de gens qui se battent dans les rues. Nous avons besoin d’un nouveau coup de Lophem pour éviter une implosion. J’espère que je vivrai assez longtemps pour le voir. Ce serait le couronnement de mon engagement envers la res publica. »
Ne voyez-vous pas d’autre solution légale ?
« Une réforme du système électoral est également une solution. Je suis en faveur d’un système majoritaire sur le modèle britannique. Cela a des inconvénients, mais cela a le grand avantage de conduire à un paysage politique avec, disons, trois grands blocs. Cela permettra aussi de se reconnaître dans le gouvernement. Car, soyons réalistes : aucun électeur ne peut s’identifier au gouvernement Vivaldi avec sept partis. Ce genre de chose est fatal pour une démocratie. Mais pour réformer le système électoral, il faut une majorité des deux tiers et c’est devenu presque impossible dans ce pays. Il ne nous reste plus donc qu’un coup du type Loppem. Et cela doit se produire en 2024, c’est une certitude.
Quelle est votre réforme économique ?
« C’est compliqué. Le réchauffement de la planète est probablement le défi du siècle. Je veux qu’on l’examine enfin d’une manière économiquement rationnelle. Aujourd’hui, sous l’influence des Verts, cette situation est présentée comme une histoire horrible où il faut consommer moins, voler moins, vivre moins. C’est l’histoire de gens riches et de leurs enfants gâtés qui descendent dans la rue. C’est d’ailleurs une gifle pour les personnes qui se battent pour arriver à la fin du mois. La transition climatique doit enfin être considérée comme une histoire positive qui apporte des bénéfices. »
Que feriez-vous ?
« L’énergie nucléaire est l’exemple emblématique de la façon dont le climat est devenu une histoire irrationnelle. Quelle est la finalité de la transition ? Remplacer entièrement les combustibles fossiles par des sources d’énergie qui ne détruisent pas notre planète. L’alternative la plus prometteuse est l’énergie nucléaire. Sans aucun doute. Je dis donc non à la sortie du nucléaire. Les deux dernières centrales dureront encore au moins vingt ans. En outre, nous devons investir dans des centrales électriques de nouvelle génération.
Quel est votre autre cheval de bataille ?
« La lutte contre la drogue. C’est devenu presque une obsession. Je suis comme le gars dans Matrix qui a pris la pilule rouge. Je vois ce qui se passe. Malheureusement, beaucoup de gens ont pris la pilule bleue, donc ils ne voient pas la réalité. L’économie européenne de la drogue représenterait 450 milliards d’euros. Il s’agit principalement de la coke, des drogues synthétiques et du cannabis. C’est dévastateur pour l’ensemble de la société. L’argent est utilisé pour le trafic d’armes, la traite des êtres humains, la corruption, l’immobilier et bien d’autres choses encore. Et puis il y a la misère de la dépendance : tant de gens qui sont détruits par elle. Je l’ai également constaté dans mon entourage. »
Que pouvez-vous faire ?
« Vous pouvez essentiellement faire deux choses. Soit légaliser complètement les drogues et les sortir de la sphère criminelle. Et autant le dire tout de suite : je n’y suis pas favorable. Ce serait un désastre, surtout pour les classes sociales inférieures qui en seraient les premières victimes. La deuxième option est d’intensifier la lutte. Et c’est ce que je veux faire, mais il faut aussi oser investir. Une agence européenne des drogues doit être créée sur le modèle de la DEA américaine. Ce qui existe aujourd’hui au sein d’Europol est tout à fait insuffisant en termes de ressources et de personnel. Aucun criminel n’a peur de la justice européenne ».
Avez-vous déjà consommé des drogues ?
« Non. Sauf l’alcool. Mais rien d’autre. Pas même une cigarette. Mon père est mort jeune d’un cancer du poumon. Ça calme.
Si vous êtes cohérent, vous devriez également bannir la nicotine et l’alcool.
« Quand on légalise quelque chose, c’est irréversible, je pense. De façon purement rationnelle, ce sont bien entendu des produits mauvais pour la santé. C’est aussi ce que dit le gouvernement, même s’il gagne des milliards grâce à eux. Ce qui est incroyablement hypocrite. De toute façon, il est impossible aujourd’hui d’interdire la nicotine et l’alcool. La prohibition américaine des années 1920 en est la meilleure preuve. Ce que je souhaite avant tout, c’est de ne pas légaliser de nouveaux produits.
Extraits de l’interview réalisée par Paul Cobbaert pour Krant van West Flanderen
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