Luc Delfosse
Bart (De Wever) Houdini et le coup de l’éléphant
La question me tarabustait depuis longtemps. Mais quel était donc le vrai héros de Bart De Wever ? Je ne parle ni de César, encore moins de Cicéron, que le Super Jules de la cause flamande exhibe, entre orgueil et humour démesurés. Non : quel était donc le Jiminy Cricket, l’enivrant mentor, la conscience « aux exigences extrêmes », comme dit plus noblement Cocteau, qui guidait aussi secrètement qu’impérativement les actes de ce sorcier de la politique ?
Mon ciel s’est soudain déchiré à l’occasion de la pitoyable affaire Bracke. Pardi ! Le démiurge du président à vie de la N-VA, l’homme qui embrase ses partisans et tétanise ses adversaires, n’était autre qu’Ehrich Weisz. Qui ? Vous connaissez mieux ce prince de l’illusion, ce génie du leurre, cette goule de la manipulation sous le nom de Harry Houdini. Fait troublant : avant de devenir l’immense Harry et de vamper les foules jusqu’à l’extase, le petit Ehrich, comme le jeune Bart, en avait bavé des clous en fusion et beaucoup, beaucoup travaillé. Mais foin de pathos, reprenons notre affaire.
Zuhal Demir a les dents longues, le parler cru et méprisant d’une Le Pen et affiche un national-populisme au cube
Sigfried Bracke, le grand inquisiteur de la N-VA après avoir été celui de la VRT, l’impitoyable pourfendeur de la gabegie wallonne, le commandeur du mirage orangiste (1) est surpris à se vautrer dans la confiture des mandats annexes. Notons au passage qu’il y barbotait déjà, comme certaines starlettes de la télé francophone d’ailleurs, lorsqu’il était journaliste… Quand le goulu menteur s’effondre, Bart Houdini entre en jeu. Abracadabra : Sigfried est escamoté de la tête de liste gantoise… mais réapparaît au perchoir de la Chambre. Du grand art ! Comme si le Parlement belge ne méritait qu’un » malandrin » à sa tête.
La suite du spectacle est digne du tour les plus bluffants du maître : la disparition de l’éléphant (2). Pour remplacer la secrétaire d’Etat Sleurs qu’il a téléporté à Gand, le psychopompe sort de son chapeau claque Zuhal Demir, une bombe qui s’était fait notamment remarquer en posant en liquette sur les banquettes… du Parlement honni. Cette avocate, fille d’immigrés, a les dents longues, le parler cru et méprisant d’une Le Pen et affiche un national-populisme au cube. Et hop ! Camouflées, les turpitudes du Sigfried : on ne voit plus que la belle en paillettes ! Hocus pocus : à peine a-t-elle prêté serment entre les mains d’un roi (qui a décidément beaucoup moins d’états d’âme que feu son oncle), Demir, évidemment briffée, flingue Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances. Ruse accomplie : l’émotion nous a détournés de cette réalité graveleuse : la N-VA est un parti comme les autres !
Une fois encore, De Wever a réussi à faire sien le précepte d’Houdini : » L’esprit croit à ce que les yeux voient et les oreilles entendent. » Il lui reste sans doute à accomplir un ultime tour de passe-passe : changer d’un coup de baguette le nom écorné du parti. Puis à attendre les élections, en multipliant sortilèges et incantations. Mais la nuit venue, il lui faudra sans doute compter le nombre de spectateurs qui ont exigé d’être remboursés. C’est que, avec l’accumulation des mensonges, des tricheries et l’amateurisme de ses assistants de scène, il n’est pas du tout sûr – sauf à faire jaillir des fontaines de fric – que la magie du seul Bart Houdini fasse encore salle comble.
(1) Les orangistes militent pour un rattachement » d’une certaine partie de la Belgique » aux Pays-Bas.
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