Gérald Papy

Barack Obama ravive le rêve américain

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Relance durable de l’économie et rassemblement d’Américains quelles que soient leur origine ou leur classe sociale, le président réélu pose les jalons de son second mandat. Les républicains, confortés dans leur majorité à la Chambre des représentants, accepteront-ils de composer avec lui ?

La réélection de Barack Obama sacre une victoire incontestable qui n’annonce cependant pas un second mandat plus apaisé. Ce paradoxe résulte de l’échec des républicains dans la course à la présidentielle et de leur confirmation dans l’élection à la Chambre des représentants.

Surprise, le succès du président sortant est plus large que les projections des sondages : 332 grands électeurs (si l’on additionne les résultats, non confirmés officiellement, de la Floride) pour le démocrate et 206 pour le républicain. Le vote populaire conforte cette tendance générale : 50,1 % pour Obama, 48,4 % pour Romney. Distancé dans les études d’opinion au début de la campagne, Mitt Romney n’a pas su capitaliser sur sa remontée consécutive à une prestation plus convaincante lors du premier débat télévisé pour reléguer durablement son adversaire au second rang. L’efficacité de la machine de guerre électorale du parti démocrate, par des voies classiques (le porte-à-porte, les relances téléphoniques…) comme plus novatrices (les réseaux sociaux) a joué à plein dans les dernières semaines de la bataille. Pour preuve, Barack Obama, rare dirigeant occidental réélu malgré la crise, l’a emporté dans 8 des 9 Etats en balance (Nevada, Colorado, Iowa, Wisconsin, Ohio, Virginie, Floride, New Hamsphire, seule la Caroline du Nord revenant à Mitt Romney). Ce mouvement a sans doute bénéficié aussi de la stature de « commandant en chef » d’une Amérique frappée par l’ouragan Sandy que le président sortant a pu développer quelques jours à peine avant le 6 novembre.

Dans son discours de victoire depuis Chicago, le président réélu a insisté sur sa volonté de rassembler les Américains et de les faire « travailler ensemble » pour poursuivre la relance de l’économie dont les prémices sont apparues à la fin de son premier mandat. Cette volonté de dialogue risque cependant de se heurter à l’intransigeance d’élus républicains qui, gardant le contrôle de la Chambre des représentants (alors que les démocrates ont renforcé leur majorité au Sénat), ont la capacité de bloquer des projets gouvernementaux. Or, c’est cette même aspiration au consensus qui a été perçue comme la principale faiblesse de Barack Obama entre 2008 et 2012. Une majorité de républicains saura-t-elle se libérer de l’influence de l’aile droite du parti pour répondre à l’appel de Barack Obama et contribuer au redressement des Etats-Unis ? De la réponse à cette question, dépendent beaucoup de chantiers cruciaux pour l’avenir immédiat de la première puissance mondiale, à commencer par le dossier du budget qui doit faire l’objet d’un consensus avant la fin de l’année. Barack Obama ambitionne de faire adopter un programme de réduction du déficit public de 4 000 milliards de dollars en dix ans sur un montant total actuel de 16 000 milliards de dollars.

Il est indéniable que Barack Obama a déçu beaucoup de ses supporters lors des quatre dernières années. La realpolitik à laquelle il a été confronté n’explique qu’en partie cette désillusion. L’élection de mardi – et le public qui l’a acclamé à Chicago en a fourni l’éclatante illustration – démontre cependant que lui et ses conseillers ont perçu l’évolution majeure que connaît aujourd’hui la société américaine avec la montée en puissance des communautés afro-américaine et hispanique. Sa volonté d’unir la population autour d’un objectif commun et de promouvoir un projet « post-racial », aux contours il est vrai encore mal définis, est d’autant plus crucial pour éviter les pièges du communautarisme et de l’éclatement de la société américaine. S’il parvenait à jeter les bases de cette ambition à la faveur de son second mandat, Barack Obama marquerait l’histoire des Etats-Unis autrement qu’en ayant été son premier président noir.

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