Bach investit la cathédrale
La pianiste Irina Lankova amène les incunables Variations Goldberg, de Jean-Sébastien Bach,au coeur de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule, à Bruxelles. En duo avec son orgue monumental.
« Tout le monde connaît le nom de cette oeuvre mais beaucoup de gens décrochent après la troisième Variation, reconnaît Irina Lankova, trentenaire russe de Bruxelles, exposant l’oeuvre de Bach datée de 1740, mondialisée par le Canadien Glenn Gould au mitan des années 1950. Le thème est magique, éternel et quand le piano dialogue avec l’orgue monumental de la cathédrale joué par Xavier Deprez, non seulement on diversifie le timbre de la musique mais on établit cette sorte de miroir entre l’homme-piano et l’humanité-divinité incarnée par cet extraordinaire instrument à quatre claviers, loin d’être simple à dominer. Pour moi, ce live d’octobre sera véritablement comme la renaissance de l’oeuvre de Bach. »
Pour cette configuration exceptionnelle, Irina Lankova adapte la partition originelle destinée au clavecin : « L’accord du piano et de l’orgue ne fonctionne pas automatiquement. On a également beaucoup réfléchi pour que l’acoustique très particulière du lieu nous aide, et non pas le contraire… » Autre temps, autres intentions : lorsqu’il compose cette pièce incandescente, Bach fait une faveur à Mr Goldberg, insomniaque notoire. Jean-Sébastien lui taille une berceuse de luxe, tout en y instillant la grâce divine inhérente à son travail.
Ville secrète
Un écran vidéo s’ajoutera pour l’occasion aux deux instrumentistes, relais chargé des gros plans et outil de modernisation. Irina Lankova, a d’autres cartes pour ouvrir le monde -volontiers étanche – du classico-classique, notamment des expérimentations multimédias « mais où rien ne puisse modifier la nature du son. Je ne suis pas partisane d’une image juste fabriquée pour vendre », dit-elle alors que Nigel Kennedy et Vanessa Mae passent dans la conversation, « quitte à ce que les tentatives plus commerciales soient le passage de séduction d’un public qui ira ensuite vers une musique véritablement « classique » ». Cette dernière est bien le groupe sanguin de Lankova, née en 1977 « dans une ville secrète pas très loin de Moscou ». Ses parents ingénieurs ne parlent que jeux d’échecs, sonates et symphonies.
Lorsqu’on détecte chez leur fille un talent pianistique à l’âge de 9 ans, la voie Irina est alors tracée. Collège Gnessine à Moscou – « une candidature acceptée sur 350… » – et puis, conservatoire de Bruxelles. « Même si j’étais persuadée que l’Ecole russe était la meilleure (sourire), ma formation m’octroyait un visa pour l’étranger que je ne pouvais refuser. J’ai choisi Bruxelles parce que ce n’était ni trop loin ni trop onéreux, et que le professeur était Evgeny Moguilevsky, Premier Prix de piano au Reine Elisabeth 1964. » Une compétition qu’Irina, « pas du tout bête à concours », n’a jamais présentée, elle qui rafle les distinctions au conservatoire. Londonienne pendant quelques années, jouant aux prestigieux Wigmore Hall et St Martin-in-the-Fields, mais aussi à Gaveau, Lankova est revenue vivre en Belgique en 2013. Plus précisément dans le Brabant wallon où, avec son compagnon, elle ouvrira bientôt Lime & Honey, lieu destiné à la performance et à l’exposition. Les Russes ont attaqué, même avant l’aube, semble-t-il…
Miroirs Goldberg, par Irina Lankova à la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule à Bruxelles, le 16 octobre à 20 h. Réservations : Tel: 02 507 82 00 Email : tickets@bozar.beWeb : http://bo.clic-com.be– www.irinalankova.com
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