Carte blanche
Avortement : l’illusion d’un droit acquis ?
Le récent décret signé par le nouveau Président des Etats-Unis Donald Trump, qui interdit le financement d’ONG internationales soutenant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), a remis en lumière les menaces qui pèsent toujours sur un droit qu’en tant que Belges, nous considérons pourtant comme acquis.
En la matière, les législations de certains pays de l’Union européenne n’ont pourtant rien à envier aux idées du nouveau locataire de la Maison Blanche. Alors qu’il y a quelques mois, la Pologne a tenté de supprimer purement et simplement toute possibilité d’avortement, la Hongrie a quant à elle modifié sa Constitution dans ce même sens, alors que l’Espagne a dû y renoncer après des manifestations historiques. Sans oublier Chypre, Malte et l’Irlande où, encore aujourd’hui, les conditions d’accès à l’IVG sont très restrictives.
Il faut l’avouer, la Belgique n’a pas été pionnière en Europe sur cette question. En effet, ce n’est qu’en 1990, après 30 années de combat, que la proposition de loi visant à dépénaliser l’IVG, rédigée par la Sénatrice libérale Lucienne Herman-Michielsens et son collègue socialiste Roger Lallemand, a été adoptée. A titre de comparaison, la loi Veil a été votée en 1975 en France.
Toutefois, depuis une vingtaine d’années, notre pays, sous l’impulsion initiale de la coalition arc-en-ciel, est devenu un précurseur dans le domaine éthique, avec notamment le droit de mourir dans la dignité, le don d’organes, la procréation médicalement assistée, ou encore le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels.
Plus particulièrement, le droit de disposer de son corps, d’agir librement en âme et conscience, sans barrière ni entrave infondée, est aujourd’hui au coeur de notre modèle sociétal. Nous sommes fiers de ces avancées pour la liberté et l’autodétermination de chacun, qui s’inscrivent dans la philosophie libérale et progressiste.
Toutefois, force est de constater que ces droits et libertés risquent, ici aussi, d’être remis en cause par des conservatismes qui n’ont jamais déposé les armes. Ainsi, l’IVG se voit aujourd’hui menacée dans notre pays. En effet, une proposition de loi déposée à la Chambre prévoit de délivrer automatiquement un acte de naissance pour un enfant mort-né à partir de 140 jours de grossesse, ainsi que la possibilité pour les parents de demander un tel certificat avant cette limite de 140 jours sans délai minimal. Actuellement, il faut savoir que la loi prévoit l’octroi d’une déclaration d’un « enfant né sans vie » avec mention facultative des noms et prénoms, à partir de 180 jours.
Si les intentions de cette proposition sont louables, celle-ci doit inciter à la plus grande vigilance. Il n’est pas question ici de remettre en cause la nécessité que peuvent ressentir certains parents de faire leurs deuils. L’enjeu se situe ailleurs, et précisément dans le terme d’ « acte de naissance » qui rendrait, à terme, possible l’obtention par le foetus d’une personnalité juridique. Si cela devait se concrétiser, le débat autour de l’IVG serait immédiatement relancé sous un tout autre angle.
Il s’agit donc de trouver un équilibre juste entre le droit à l’interruption volontaire de grossesse et le droit légitime au deuil. Nous militons farouchement pour la liberté de choix, sans incidence ni contrainte sur les choix d’autrui. À ce titre, la délivrance d’un acte sui generis, différent d’un acte de naissance, pourrait faire l’objet d’un débat constructif et, le cas échéant, recueillir un large consensus des partis politiques.
Au-delà de ce positionnement que nous défendons et que nous soutiendrons librement, nous voulons faire progresser les droits de toutes les femmes. Pour cela, il est nécessaire de remiser un triste héritage du passé, en supprimant toute référence à l’IVG au sein du Code pénal. Bien peu de citoyens le savent mais, à l’heure actuelle, cette pratique est reprise dans la catégorie « crime contre l’ordre des familles et la morale publique « . D’évidence, cette réalité juridique est totalement anachronique et dénuée de fondement, tant elle stigmatise de manière insidieuse toutes les femmes confrontées à cette situation difficile.
Aujourd’hui, au regard de la situation dans notre pays mais aussi des exemples européens et internationaux, il revient aux Libéraux d’être à la pointe du combat en faveur des choix individuels, d’y répondre avec la force de conviction et la maturité nécessaires aux questions sociétales. Nous serons résolument actifs et vigilants pour faire progresser le débat. Plus que jamais, les Libéraux resteront les garants de la liberté, de l’égalité, du progrès, de l’émancipation et de la solidarité dans notre société.
Gautier CALOMNE – Député fédéral MR
Kattrin JADIN – Députée fédérale MR
Mathieu BIHET – Président national des Jeunes MR
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