Carte blanche

Avis du Conseil d’Etat sur l’IVG : « clap » 3ème ! (et fin ?)

Ce 10 juillet 2020, la section législation du Conseil d’Etat (ci-après la « SLCE ») a remis son avis 67.732/AG à la suite des amendements 48 à 57 déposés par différentes formations politiques (CD&V, NVA et CDH) siégeant au sein de la Chambre des Représentants. Ces amendements et cet avis de la SLCE interviennent, rappelons-le, dans le cadre de processus législatif en cours visant à « (…) assouplir les conditions pour recourir à l’interruption volontaire de grossesse ».

Force est de constater que cet avis est d’une banalité cinglante mais ce n’est pas là lui faire insulte… Et pour cause puisqu’il s’agit -fait « remarquable »- du troisième avis du nom dans le cadre de cette proposition de loi! En effet, dans cette matière délicate puisque touchant à l’éthique, la SLCE a déjà eu l’occasion de se prononcer antérieurement à deux reprises (cf. les avis n°66.881/AG et 67.122/AG), ce qu’elle ne manque d’ailleurs pas de rappeler sur un ton certes contenu comme il est d’usage dans ce genre de cénacle, mais trahissant néanmoins ce qui peut être considéré comme une certaine forme d’agacement.

Morceaux choisis :

« (…) Dans son avis n° 67.122/AG, l’assemblée générale de la section de législation a encore clairement rappelé la portée de la saisine de la section de législation lorsque cette dernière est amenée à donner, une nouvelle fois, un avis au sujet de dispositions sur lesquelles elle a déjà donné un précédent avis (…) Sauf en cas de modification du contexte juridique, le Conseil d’Etat, section législation, ne donne en règle générale pas de nouvel avis sur des dispositions qui ont déjà été examinées précédemment ou qui ont été modifiées à la suite d’observations formulées dans des avis antérieurs (…) »

Et d’en tirer les conséquences logiques en « renvoyant à leurs études » les formations politiques qui ont déposé les amendements 48 à 51, 53, 54 et 56… Soit sept des neuf amendements dont la SLCE était saisie.

Lui restait alors l’examen de deux amendements, respectivement les amendements n°52 et 55. Une nouvelle fois, elle n’en fera pas grand cas puisque de manière implicite mais certaine, les questions abordées par ces amendements avaient déjà fait l’objet de l’avis 67/122/AG comme elle se plait une nouvelle fois à le rappeler :

(…) Dans l’avis n° 67.122/AG, la section de législation, appelée à se prononcer sur le maintien ou non de sanctions pénales spécifiques relatives à diverses modalités de recours à l’interruption volontaire de grossesse, a sur ce point observé ce qui suit (…) Au regard de ces considérations, il y a lieu de conclure, qu’eu égard à la large marge d’appréciation dont dispose le législateur en la matière, le dispositif envisagé par l’amendement n°52 respecte également le cadre juridique tracé au point C de l’avis n°66/881/AG »

Et de se borner dès lors à rappeler que (oserons-nous préciser « en quelques semaines écoulées ») le Législateur n’a pas perdu cette large marge d’appréciation dont il dispose et que de manière somme toute logique, la même conclusion trouve ici à s’appliquer.

La SLCE adoptera un raisonnement en tout point identique s’agissant de l’amendement n°55: « rien de nouveau sous le soleil ». En effet, il s’agit ici une nouvelle fois de la « large marge d’appréciation » dont dispose le Législateur, et dont Il a généralement pour habitude d’en faire une interprétation elle-même (très) extensive.

Bref, assez perdu de temps maintenant ! Gageons que le (L)égislateur déjà lourdement suspecté d’instrumentalisation à l’égard de l’une de nos trois hautes juridictions dans le cadre de cette question sensible n’osera pas demander un quatrième avis (qui portera peut-être sur la taille de la police utilisée par les services administratifs de la Chambre ?) et qu’une considération plus importante sera maintenant accordée au processus démocratique en cours. La flibuste parlementaire de cet acabit n’est pas digne d’un parlementaire sur pareille question éthique.

Que la question divise, c’est un fait.

Reste pour chacun à considérer s’il souhaite (ou non) mettre sur un même pied d’égalité le droit des femmes à disposer de leurs corps et, d’autre part, des petits jeux partisans quant à cette question éminemment éthique, soudainement devenue éminemment politique jusqu’à en conditionner l’avènement d’un « futur, peut-être, probable mais tout à la fois incertain » gouvernement fédéral belge.

Alors, amis parlementaires CD&V, NVA et CDH devenus (étonnamment pour certains au vu des votes intervenus cette nuit) fervents supporters du secteur culturel au point de se muer en piètres acteurs d’une piètre comédie… Clap de fin ?

Benoît Thomas – Avocat et assistant à l’Université Libre de Bruxelles

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