Caroline De Bock
Au moins trois choses que les jeunes devraient savoir sur la Loi Peeters
Le mouvement social contre la loi Peeters démarrait ce mardi 24 mai avec une première manifestation réussie, rassemblant près de 80.000 personnes dans les rues de Bruxelles. Vendredi dernier, une vingtaine d’organisations de jeunesses, dont Comac (mouvement étudiant du PTB), annonçaient également la création d’une Coalition des Organisations de Jeunesse pour le retrait la Loi Peeters. Pour Comac, il y a au moins 3 choses que chaque jeune devrait savoir sur la Loi Peeters.
Travailler jusqu’à 45 h par semaine sans sursalaire
La Loi Peeters propose une annualisation du temps de travail (calculée sur un an et non plus par semaine), avec le maintien d’une moyenne de 38h par semaine, permettant par exemple de travailler 45 h par semaine sans sursalaire pendant 6 mois, puis 31 h pendant les 6 mois suivants. Concrètement, des travailleurs ayant 1h de trajet domicile-travail devront partir à 8h du matin, pour commencer à travailler à 9 h jusque 19 h et arriveront chez eux à 20 h.
Le ministre affirme que cela permettra aux gens de choisir quand travailler plus et quand travailler moins, en fonction de nos envies et de notre vie privée. Prenons l’exemple de l’Horeca qui fonctionne déjà sur l’annualisation du temps de travail. Avec des enfants, il est beaucoup plus intéressant de travailler moins lors des grandes vacances scolaires, pour passer du temps en famille. Pourtant, c’est la période du soleil et des terrasses. Dans les faits, aucun patron de l’Horeca ne permet à ses employés de prendre du temps pour eux dans cette période-là, d’autant plus que de nombreux chercheurs d’emploi accepteraient de prendre cet emploi pour sortir de la précarité. Ce ne sont donc pas les besoins des employés qui définiront leur horaire de travail, mais plutôt ceux de l’employeur.
L’intérim à vie comme seul avenir pour une partie de la jeunesse
Une autre mesure proposée par Kris Peeters est d’avoir la possibilité de signer un contrat à vie avec une agence d’intérim, qui donnera des « missions » à ses employés. En cas de refus d’une de ces missions, l’employé rompra le contrat et perdra tout droit aux allocations de chômage.
En 2015, la Belgique comptait 100 000 travailleurs intérimaires à temps plein. En sortant des études, voire même pendant leurs études, de nombreux jeunes passent par la case « intérim » car le manque d’emploi sur le marché du travail augmente les critères nécessaires à l’obtention d’un emploi, notamment une expérience de travail, que les jeunes ne peuvent trouver que via ces jobs flexibles et instables.
Avec cette mesure, les jeunes seront obligés d’accepter n’importe quel job, même très éloigné de leurs compétences, loin de chez soi, ou encore avec des horaires pénibles. Ce contrat précaire-à-vie rendra presque impossible de développer une vie sociale riche, que ce soit en développant des relations sociales fortes avec ses collègues ou ayant la possibilité de prévoir d’aller à un concert ou à un repas de famille sans avoir peur de devoir l’annuler en dernière minute. Si cela peut être riche pour des jeunes travailleurs d’avoir la possibilité de changer d’emploi afin de découvrir différents secteurs et d’acquérir de l’expérience, avec la Loi Peeters, les travailleurs intérimaires ne pourront pas choisir leur emploi, ils seront ballottés d’un contrat à l’autre selon les besoins des employeurs.
Notre génération risque bien de devenir la génération burn-out
L’augmentation du temps de travail à 45 heures par semaine, l’intérim à vie, les changements d’horaires, les changements de lieux de travail et de collègues risquent de détériorer la qualité de notre bien-être au travail, mais également notre vie privée. Prévoir des activités culturelles, sportives ou citoyennes deviendra de plus en plus difficiles. Instaurer une soirée par semaine entre ami.e.s ou simplement pouvoir aller chercher soi-même ses enfants à l’école chaque jour deviendront de plus en plus difficile. Nous vivons de plus en plus pour travailler, au lieu de travailler pour vivre.
L’incertitude et la précarité permanentes peuvent être à l’origine de mal-être au travail, de stress, de fatigue voire de burn-out. Le burn-out, ou l’épuisement professionnel, c’est être victime d’une fatigue intense, ne pas se sentir capable et penser que l’on n’a aucune utilité. Et d’après les statistiques de l’INAMI, les cas de dépression et de burn-out ont déjà presque triplé entre 2007 et 2014.
La stabilité de l’emploi et de vie est un facteur primordial pour la santé des travailleurs. Mais notre gouvernement, avec cette loi comme point d’orgue, nous promet la précarité de l’emploi et l’incertitude du lendemain.
Nous serons la génération du changement
En tant que jeunes, notre avenir est en jeu, car nous sommes les travailleurs de demain. Combien d’entre nous feront du temps partiel ? Combien d’entre nous ne trouveront pas d’emploi ? Combien d’entre nous seront obligés de travailler 45 h ou 50 h par semaine de peur de perdre leur emploi, d’être au chômage et de ne pas pouvoir participer à la construction de notre société ?
Une alternative est possible. Nous pensons qu’il est temps d’oser penser en dehors du cadre et d’ouvrir le débat sur la réduction collective du temps de travail. Travailler 30h par semaine, pour que chacun puisse travailler et participer à la construction de notre société, tout en ayant la possibilité d’avoir une vie culturelle, sportive et citoyenne riche. Le 20e siècle a été celui de l’obtention des 38h/semaine, le 21e siècle sera celui des 30h. La Loi Peeters représente au contraire le retour vers le 19e.
C’est pour ces raisons que Comac participe à la Coalition des Organisations de jeunesse contre la Loi Peeters. Nous refusons d’être la génération burn-out, la génération sacrifiée qui vit moins bien que ses parents. Nous serons la génération du changement, qui lutte pour un avenir plus juste. Pour un avenir social.
Caroline De Bock et Seppe De Meulder
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