André Flahaut
Arrêtons de démanteler nos services publics !
Face à la volonté accrue de privatiser les services publics et de « soulager » l’État de ses fonctions régaliennes, notre vigilance s’impose plus que jamais.
Plusieurs médias se faisaient récemment l’écho d’une proposition issue des rangs MR: donner à des citoyens la possibilité de constater certaines infractions sur le territoire de leur commune[1]. Ce qui, en tout état de cause, reviendrait à créer, peu ou prou, des « shérifs de quartier ». Face à cette volonté accrue de privatiser les services publics et de « soulager » l’État de ses fonctions régaliennes, notre vigilance s’impose plus que jamais.
Se substituer à la police
Depuis plusieurs années, les Partenariats Locaux de Prévention (PLP) s’emploient à consolider les liens entre les services de police et les citoyens, en faisant jouer à ces derniers un rôle actif dans leur sécurité. Le but est d’améliorer les contacts, la communication et l’échange d’informations entre policiers et habitants. Ceci, dit-on, pour faciliter le travail des premiers et renforcer le sentiment de sécurité des seconds. Pourquoi pas ? Ces PLP rencontrent, d’ailleurs, un succès bien réel, notamment en Flandre et en Wallonie.
Il n’empêche, par rapport au dispositif initial, les députés MR à l’origine de la proposition entendent réaliser un pas de plus, qui constitue, à mon avis, un pas de trop. Très concrètement, leur intention est d’accroître les compétences des citoyens engagés dans des PLP afin qu’ils puissent se substituer à la police pour les infractions relevant des sanctions administratives communales (SAC). La nature du partenariat changerait, dès lors, radicalement.
Séduisante, mais dangereuse
À première vue, la proposition MR semble séduisante autant que rationnelle. Il s’agit, comprend-on, de lutter contre le sentiment d’impuissance, la frustration et la démobilisation exprimés, parfois, par ceux qui participent à de tels partenariats locaux. Le but est ici de rendre ces derniers plus efficaces et plus performants ! Les habitants concernés disposeraient d’une plus grande liberté d’action et déchargeraient ainsi la police de certaines tâches (secondaires ?). Laquelle, du même coup, pourrait se consacrer à des activités plus techniques et sophistiquées.
La logique paraît gagnant-gagnant… circulez y’a rien à voir. Or, c’est justement ici que le bât blesse, et gravement. Cette rationalisation cache une situation assez peu reluisante. En effet, tandis que les moyens et les effectifs de la police locale ne cessent de diminuer, les charges, elles, augmentent sans arrêt.
Partant, aux yeux de certains, il pourrait s’avérer rentable de sous-traiter certaines missions de police (certes basiques aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il demain et après ?) aux citoyens, plutôt que de réévaluer les budgets afin de répondre aux exigences du terrain. Il s’agit là d’une vision à court terme qu’on ne peut nullement cautionner.
On continue la casse, on méprise l’État
Comprenons mon inquiétude : les missions de la police, ou encore celles de l’armée, relèvent du service public et participent des fonctions régaliennes de l’État. Donnera-t-on, un jour, une arme aux citoyens pour qu’ils puissent assurer eux-mêmes leur sécurité – avec les risques évidents que cela comporte, spécialement en termes d’éthique ? Laissera-t-on à des particuliers le loisir de faire régner leur loi, plutôt que LA loi ?
Aspire-t-on à créer des milices de quartier, comme cela se pratique déjà dans certains pays ? Veut-on continuer de confier les activités de la Défense à des entreprises privées[2], en dépit des conséquences funestes que l’on connaît ?
Certains veulent toujours moins d’État. Ils s’empressent d’en raboter les budgets et d’externaliser à tout prix. Ils plébiscitent une vision étroite et individualiste de la société. L’avenir qu’ils préparent est bien sombre : moins de sécurité, plus de partialité, et une augmentation des clivages sociaux. Très peu pour moi !
[1] Voir notamment : Christian Carpentier, « Le MR veut des shérifs de quartier », Sud Presse, 2 janvier 2018.
[2] Voir, à ce sujet, ma tribune parue ce 11 janvier.
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