Laurence Van Ruymbeke

Arcelor Mittal n’est pas une dentellière

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Coup de bluff ? Concrétisation d’un programme arrêté depuis des mois et cyniquement révélé par petites touches ? Remise à leur place d’organisations syndicales dont les combats à court termes finissent par lasser ? C’est un peu tôt pour le dire. Mais en annonçant qu’il renonçait à investir 138 millions d’euros dans les outils du froid, à Liège, le groupe Arcelor Mittal n’a en tous cas pas fait dans la dentelle.

On ne devrait plus s’en étonner : chacun sait depuis belle lurette que la dentelle ne constitue pas le fonds de commerce de cette multinationale de la sidérurgie. On s’étonne pourtant de la violence de ce crochet du droit que nul n’avait vu venir.

Certes, les négociations avec les syndicats concernant le plan social lié à la fermeture définitive de la phase à chaud et son impact sur 795 travailleurs prennent du temps. Et cette multinationale est pressée. Mais on ne peut s’empêcher de penser qu’autre chose se joue derrière cette menace qui tombe sur un couperet, non seulement sur Liège et ses travailleurs, mais sur toute la Wallonie. Comme si la sidérurgie liégeoise n’était qu’une variable d’ajustement dont Arcelor Mittal joue en fonction du marché, de la crise, des performances de ses autres outils de production. Et d’un agenda stratégique mondial que les patrons du groupe sont seuls à connaître. Les multinationales n’ont pas d’état d’âme. Et moins encore pour une ville ou une région qui ne représentent guère plus qu’un petit pois dans la grande soupe sidérurgique.

Pendant ce temps, en Belgique, l’emploi industriel recule inexorablement. Rien ne pourra s’opposer à cette lame de fond. Si la négociation entre la direction liégeoise d’Arcelor Mittal et les syndicats ne reprend pas, ce sont 2000 emplois supplémentaires qui seront biffés d’un coup, dans le froid cette fois. En Belgique, la sidérurgie occupe 14 000 personnes, dont environ 10 000 chez Arcelor.

Et puis quoi ? A chaque annonce brutale, qu’elle vienne d’Arcelor Mittal, de GM quand il décide de fermer Opel Anvers, ou de Ford qui pourrait signer l’arrêt de mort de Ford Genk, on dit la même chose : que sans politique industrielle forte, décidée au niveau européen, les Etats, et moins encore les régions, ne peuvent faire le poids face à des multinationales ; qu’il faut récupérer les aides publiques dont ces mêmes groupes ont souvent bénéficié ; et que la concertation sociale à la belge est trop complexe et trop exigeante pour les sociétés transfrontalières qui finissent par se braquer et par claquer la porte. Cela étant dit, que se passe-t-il ensuite ? Rien. Et c’est bien là qu’est le problème. Ce qui indigne, plus encore que ces annonces assassines qui plombent le moral et l’économie de toute une région, c’est cette incroyable absence de réaction politique, au niveau national et au niveau européen. Comme un fatalisme. Une impuissance. Le temps des multinationales n’est certes pas le temps des responsables politiques. Mais la notion d’urgence, elle, devrait être la même.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire