Nicolas Baygert
Après le 25 mai, quel remède à l’apathiecratie ?
L’heure est au Di Rupisme en mode TINA (« There Is No Alternative »), à l’image d’une quadripartite francophone inféodée au Montois providentiel : saint Georges au papillon rouge, seul rempart contre le dragon jaune et noir terrorisant nos contrées.
Cette clé de lecture fallacieuse neutralise tout débat de fond et valide, au passage, la théorie des « deux démocraties » si chère à Bart De Wever. L’apathie des « partenaires de gouvernement » se lit encore dans les slogans : une kyrielle de poncifs consensuels réchauffés.
A l’horizon pointent les signes d’une abstention grandissante – en dépit du vote obligatoire – et le succès de petites formations monothématiques. Dès lors, nous nous adonnerons ici à un exercice de prospective politique, post-25 mai.
Au CDH, les électeurs nostalgiques de l’ex-PSC écoeurés par la satellisation de leur formation lors des années Milquet, ou ceux, restés circonspects face aux projets mégalo-urbanistiques de leur président (la fondation d’un Lutgentville en campagne louviéroise), se sont tus. De même, après les années Reynders, les fuites autour d’un accord PS-MR dès l’entame de la campagne, auront définitivement frustré l’électorat libéral, rêvant en vain, depuis vingt-cinq ans, d’un PS dans l’opposition.
Alors qu’à gauche, les adhérents des petits partis renforceront in fine les rangs socialistes (avec un PTB-go ! peu enclin à entrer dans une majorité), rendant à nouveau le PS incontournable, une reconfiguration partisane s’avère nécessaire. Aussi, l’idée d’une fusion serait dans l’air.
Une idée moins saugrenue qu’il n’y paraît : il y a quatre ans, Melchior Wathelet (CDH), Jean-Michel Javaux (Ecolo) et Charles Michel (MR) évoquèrent déjà un attelage baptisé RHD, pour Renaissance humaniste durable. « Agacés, lassés par les atermoiements, les reculades et par l’immobilisme de la vie politique francophone, une série de responsables politiques songent sérieusement à créer une nouvelle force politique arc-boutée autour du centre droit », analysait alors La Libre Belgique. Un pôle solide qui pourrait à terme être rejoint par d’ex-FDF, sur la base d’un « libéralisme social » partagé (ce concept « louismichelien » fut récemment repris par Olivier Maingain himself).
Fort d’un score inattendu, le PP renforcerait ses équipes avec l’arrivée de cadres « déçus du MR », contribuant à la professionnalisation du mouvement, muté en « droite forte », entre UMP copéiste, UDC suisse et PVV batave.
Autre alternative : Ecolo qui se déscotcherait enfin des Convergences des gauches. Libérés du carcan gauchiste, les Verts dépasseraient ainsi leur rôle d’écolabel cosmétique : « point vert » pour majorité OGM, en devenant l’aiguillon décisif de futures majorités, à l’instar du rôle joué par les Verts allemands à l’échelon fédéré (les Länder) et qui fin 2013, comme potentiels partenaires de coalition, firent longtemps hésiter la chancelière Merkel. Le philosophe Peter Sloterdijk estime sur ce point qu’une alliance noire-verte (le noir étant la couleur historique des chrétiens-démocrates de la CDU), comme « synthèse hybride d’avant-gardisme technique et de modération éco-conservatrice » (1), conviendrait tout à fait à la nécessaire transition écologique vers une économie post-fossile.
A moins d’assister à l’éclosion d’individualités enthousiasmantes, de type managérial ou systémiquement subversives, tout rééquilibrage passe par la fusion ou l’émancipation des partis. Ou, pour feindre une offre politique plurielle, voire la possibilité réelle d’une alternance – base de toute démocratie – la particratie francophone devra, quoi qu’il advienne, se réinventer.
(1) Le Palais de cristal, A l’intérieur du capitalisme planétaire, par Peter Sloterdijk Hachette, 2006, p. 331.
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