Barbara Trachte
« Apprendre en jouant, jouer en apprenant »
J’ai un rêve. Celui d’une école qui enthousiasme, émerveille et donne l’envie d’apprendre à nos enfants. La base non ? Et pourtant…
Le constat est clair depuis de trop nombreuses années : les études internationales se succèdent et remettent en cause la qualité globale de notre enseignement. En parallèle, depuis 2010, nos enfants sont ceux parmi les pays de l’OCDE qui aiment le moins aller à l’école.
A qui la faute ? On entend souvent dire que les enfants d’aujourd’hui sont plus paresseux, qu’ils manquent de concentration, qu’ils sont hyperactifs et trop occupés sur leur smartphones. Bref, que « c’était mieux avant ».
Pourtant, Nicolas, 8 ans, est en 2eme primaire et il a soif de tout connaître. Il croque le monde avec ses yeux grands ouverts, pour lui tout est apprentissage. Ses jambes le démangent, ses sens sont en éveil permanent… et on lui demande de rester assis sur une chaise et derrière sa table près de 6h par jours. Dans un système scolaire vertical, trop souvent dominé par les logiques de compétition, de résultats, de points, d’évaluations, par des exigences aveugles d’excellence, de pression… Comment ne pas comprendre que l’enthousiasme de Nicolas, et de ses camarades s’étiole ? Où est le plaisir d’apprendre ? Alors qu’apprendre par le jeu et ce qui a de plus naturel et efficace. Les parents de jeunes enfants l’observent tous les jours. Et la science le confirme.
Depuis les premières études de neuroéthologie des années 1970, il est en effet scientifiquement prouvé que jouer est la manière la plus naturelle et la plus efficace d’apprendre. Par exemple, le jeu vidéo Starcraft qui connaît un succès phénoménal développe les capacités de concentration et les compétences stratégiques extrêmement intenses : les meilleurs joueurs du monde, vont jusqu’à exécuter quelques 400 actions par minute !
De son côté, l’école d’aujourd’hui reste un héritage du 19ème siècle et de sa logique industrielle. A l’époque, l’objectif principal était de préparer les enfants à un monde du travail vertical et statique. Depuis, le monde a évolué. On ne peut plus considérer les enfants comme de futurs travailleurs dociles. Alors que nos sociétés interconnectées sont plus horizontales et en constante évolution, notre éducation continue d’être globalement verticale et tout en hiérarchie. Pourquoi forcer nos enfants à s’adapter à un système vieux de deux siècles ?
On ne peut plus aujourd’hui envisager le jeu et le travail scolaire comme deux catégories distinctes. Pour un enfant, l’apprentissage et l’action sont inextricablement liés. Cette dernière crée un ancrage émotionnel qui favorise la mémoire. On a donc tout intérêt à associer en classe la pratique du jeu à l’enseignement traditionnel. Certains pays ont déjà bien compris cet enjeu est l’ont inscrit dans leur loi, comme au Danemark.
Les atouts du jeu sont nombreux, pour les enfants mais aussi pour les enseignants, puisqu’ils entrent ensemble dans une dynamique de co-construction d’une activité. L’enfant apprend de façon plus active et durable, et notamment grâce aux jeux coopératifs, il développe l’esprit d’équipe, l’empathie, l’entraide. Pour l’enseignant, l’apprentissage par le jeu permet de différencier sa pédagogie, soit d’adapter aux besoins diversifiés des élèves un même jeu en faisant varier règles et exigences. L’enseignant est celui qui, tour à tour, fournit des connaissances, écoute, observe, met en débat…
Le jeu constitue enfin un outil incontournable pour donner le goût d’apprendre aux enfants les plus précarisés, ce qui constitue le défi majeur de notre enseignement francophone, qui reproduit les inégalités sociales. L’intégration de jeux coopératifs qui favorisent l’empathie, l’entraide et l’esprit d’équipe, à l’instar de « L’Île Interdite » par exemple, est une formidable opportunité pour donner confiance, estime de soi et envie d’apprendre à des enfants dont le contexte social est tel qu’ils sont souvent à mille lieues de penser à l’école en se levant le matin.
Par tous ces aspects, les jeux permettent de transformer l’apprentissage en une expérience plaisante qui donne aux enfants le goût et l’envie d’en savoir plus. Ce qui est l’objectif premier de l’école me semble-t-il. Comme l’a écrit Montaigne dans Les Essais « l’enfant n’est pas un vase que l’on remplit mais un feu qu’on allume ». Osons craquer l’allumette.
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