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Ancrer le droit à l’IVG dans la Constitution belge? « Il y a urgence, nous ne sommes pas à l’abri »

Julie Nicosia
Julie Nicosia Journaliste

Aux Etats-Unis, la Cour suprême a révoqué le droit à l’avortement. En Belgique, les personnalités politiques dénoncent. L’ancrage du droit à l’avortement dans la constitution lui permettra-t-il d’être protégé ?

Il s’agit d’une décision historique. La Cour suprême des Etats-Unis a enterré l’arrêt emblématique « Roe v. Wade » de 1973 qui garantissait le droit d’avorter aux Américaines. Les Etats sont désormais libres d’autoriser ou non l’IVG.

Si cette décision inquiète les Etats-Unis et le monde, elle n’est pas sans conséquence en Belgique. En effet, la question de la mise à l’agenda du droit à l’IVG dans la Constitution fait surface.

L’ancrage constitutionnel pour quoi faire ?

Pour le PS, Ecolo et DéFi – cet ancrage permettrait de sécuriser le droit à l’avortement. Pour Patrick Prévot (PS), le « cataclysme » aux Etats-Unis montre que « rien n’est jamais acquis » : « Les Etats-Unis ont montré que l’impossible peut arriver ». Le député socialiste dont le parti est enclin à l’introduction d’une garantie pour le droit à l’IVG dans la constitution belge affirme qu’un travail est en cours : « Un courrier a été envoyé à la présidente de la commission de la révision de la Constitution notamment pour savoir quel article mobiliser : celui dédié à la vie privée, celui relatif à l’égalité ou encore celui lié au principe de non-discrimination ».

Sous cette législature, le seul levier des articles portés à révision serait l’article 22 relatif au respect de la vie privée et familiale. Pour la députée Séverine de Laveleye (Ecolo), favorable à l’introduction du droit à l’avortement dans la Constitution, cela ferait échos au droit fondamental sur lequel s’était appuyé l’arrêt Roe v. Wade aux Etats-Unis.

Pour Sophie Rohonyi (DéFI), qui ne se dit pas « contre un ancrage dans la Constitution qui permettrait de garantir l’exercice de ce droit fondamental », la démarche semble périlleuse. L’article 22 n’a pas été ouvert à révision pour cette question. L’urgence est, selon la députée DéFI, ailleurs : « L’urgence est d’élargir la loi car nous ne sommes pas à l’abri » en dénonçant l’attitude du PS « qui a toutes les cartes en main » pour mettre le point à l’agenda parlementaire. 

Interrogé par nos confrères de La Libre, George-Louis Bouchez, le président du MR, souhaite, quant à lui, inscrire le droit à disposer de son corps et la neutralité de l’Etat dans la Constitution. Selon le libéral, il est plus pertinent de sécuriser la question de l’IVG par cette formule plus générale qui permet d’englober d’autres combats éthiques. Cette question ne fait pas l’unanimité puisque Marie-Christine Marghem, du même parti, ne juge pas utile que le droit à l’avortement soit bétonné dans la Consitution puisque le texte « promeut et défend la liberté des personnes ». Pour Sophie Rohonyi, « ne pas nommer l’avortement reviendrait à faire un tabou de la question. »

Elargir la loi

La proposition de loi pour un élargissement du délai jusqu’à 18 semaines après la conception, une diminution du délai de réflexion à 48 heures et la fin des sanctions pénales est en stand by au parlement. Et pour cause : « Quatre renvois au Conseil d’Etat du Belang, de la N-VA et du CD&V. Ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire parlementaire. », dénonce Sophie Rohonyi qui se demande s’il y en aura un cinquième.

Du côté du PS et d’Ecolo, on dit suivre l’accord du gouvernement où il est demandé une étude afin d’objectiver la loi sur l’IVG (ndlr : cette demande a été inscrite par le CD&V). Un groupe d’experts indépendants – qui travaillent « dans l’ombre et sans idéologie » confie une source parlementaire – doit rendre ses premiers résultats, fin de l’année civile. Est-ce que cela aura pour impact une modernisation de la loi et des pratiques qui l’entourent ? Séverine de Laveleye se montre optimiste :  « L’étude et le contexte international (ndlr : la situation aux Etats-Unis et en Pologne) devraient donner matière à avancer dans le bon sens ». Pour Sophie Rohonyi, « ce groupe de travail n’a pas de plus-value. La loi est déjà évaluée par la commission d’évaluation dont les parlementaires ont accès aux comptes-rendus ».

La mise à l’agenda parlementaire devra-t-elle attendre alors les résultats du groupe d’experts ? C’est la suite du processus si on en croit les sources parlementaires. Pour la députée DéFI, il s’agit d’un leurre puisque « le deuxième volet de l’accord du gouvernement prévoit qu’un consensus se dégage au sein des partis de la Vivaldi pour allonger le délai de l’IVG ». Pour rappel, le CD&V qui a renvoyé plusieurs fois la proposition devant le Conseil d’Etat, est aussi un partenaire au sein la Vivaldi. Tout repose-t-il sur le CD&V ? Séverine de Laveleye, qui ne souhaite pas accabler son partenaire de la majorité, affirme avoir « confiance en eux pour avancer dans le sens de l’histoire ».

Cette question mènera-t-elle à une crise au sein de la Vivaldi ? A suivre…

IVG : un compris politique très belge

En Belgique, l’adoption du Code Pénal en 1867 interdit l’avortement.

Il faudra attendre 1990 afin qu’une dépénalisation partielle de l’avortement voie le jour avec la loi Lallemand-Michielsen (ndlr : du nom des députés Roger Lallemand (PS) et de Lucienne Michielsen (PVV, qui deviendra VLD et puis Open VLD) qui ont déposé la loi au parlement). Le vote de cette loi contraint le Roi Baudouin à l’impossibilité de régner car il refusait de sanctionner la loi. La loi n’autorise pas l’avortement mais suspend les poursuites judiciaires et autorise le personnel médical à refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse.

C’est la loi de 15 octobre 2018 qui encadre actuellement la question de l’avortement en Belgique. L’IVG est autorisée si elle est pratiquée :

– Avant la fin de la douzième semaine de conception, quatorzième semaines L’aménorrhée (absence de règles)

– Délai de six jours de réflexion entre la première consultation et le jour de l’IVG (sauf si raison médical urgente)

Il s’agit de conditions cumulatives. Si ces étapes ne sont pas respectées, le ou la médecin ainsi que la femme ayant eu recours à l’interruption volontaire de grossesse peut encourir une amende ou une peine de prison.

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