Thierry Fiorilli
Alost, le laboratoire à ciel ouvert de la N-VA
Le laboratoire de la N-VA ne se situe pas forcément à Anvers. Pas uniquement, en tout cas. La Métropole, dirigée par Bart De Wever, devrait davantage être considérée comme la vitrine du parti nationaliste flamand, appelé pour la première fois de son existence à gérer la deuxième ville du pays, dirigée depuis plus de 80 ans par les socialistes.
Non, le vrai laboratoire de la N-VA, c’est Alost. Depuis sa victoire aux communales d’octobre dernier, le parti de De Wever y a introduit un échevin des Affaires flamandes (une première historique), y a plaqué des lions flamands sur les plaques de ses rues et vient de susciter l’émoi, jusque dans certains médias néerlandophones, après la décision prise par son bourgmestre, Christophe D’Haese, « en accord avec le CD&V et le SP.A », ses partenaires de majorité, de retirer de la salle où se tient le conseil communal les portraits du couple royal.
Une nouvelle fois, comme lorsque le bourgmestre de Brasschaat (Jan Jambon, N-VA lui aussi) a décidé d’inverser l’ordre des drapeaux hissés sur l’hôtel de ville (le flamand venant au centre, entre ceux de la Belgique et de l’Europe), le parti nationaliste n’est pas dans l’illégalité : les villes et les communes ne sont pas du tout obligées d’afficher le portrait officiel des souverains. C’est l’accumulation des décisions prises dans les communes où la N-VA a pris le pouvoir qui doit mener à une vigilance constante : subsides réduits aux artistes (par essence peu portés sur le nationalisme, le rejet de l’autre, la fermeture de ses propres horizons), nomination d’échevins des Affaires flamandes dans plusieurs autres communes, interdiction de slogans en anglais…
Partant d’Alost, c’est à un authentique combat culturel que se livrent les troupes de De Wever, au moins à titre expérimental. C’est d’abord dans la ville de Christophe D’Haese que les nationalistes flamands testeraient leur(s) politique(s) avant de tenter l’un ou l’autre coup ici et là (et singulièrement dans le région de la Dendre, apparaît-il). Avec, chaque fois, et sans surprise, pour unique objectif, la flamandisation totale : de la culture, de l’environnement, des symboles, des esprits. Au détriment, évidemment, de ce qui incarne encore « la Belgique ». Et, jusqu’ici plutôt piégés et dépassés par la N-VA (premier parti de Flandre), les partis traditionnels flamands, alliés aux nationalistes à l’échelon communal, suivent d’un même pas, dans l’écrasante majorité des cas.
Comme le dit l’un de nos internautes, sur le forum du vif.be, « Il faut être aveugle pour ne pas voir où veut aller la nation flamande ! Cette ville [Alost] ne fait qu’anticiper ce que d’autres villes flamandes feront demain. » Comme le disait fin d’année dernière, dans Le Vif/L’Express, Eric Van Rompuy (CD&V et pas le moins acharné en termes de défense de l’identité flamande), « si De Wever poursuit sur sa lancée, en 2014 [année des élections fédérales, régionales et européennes] il sera en mesure de former un gouvernement flamand et de bloquer le niveau fédéral. Il mettra alors le confédéralisme sur la table. Ce qui veut dire pour lui : scission de la sécurité sociale, de la dette, des impôts. »
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Ni à Alost, ni dans le reste de la Flandre, ni à Bruxelles, ni en Wallonie. Une grosse année pour se préparer à affronter un ennemi déclaré de la Belgique, un adversaire des francophones qui avance sans masque, un parti qui jouit d’un immense soutien populaire et qui a les moyens, aujourd’hui, de tester, en live, les moyens qu’il entend mettre en oeuvre pour parvenir à son but ultime.
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