Nicolas Baygert
« Alors, ira ou ira pas avec la N-VA ? »
Mai 2014 au plus fort de cette « sale guerre » des tranchées particratique, deux modèles de société s’affrontent – d’un côté le camp du bien, défenseur de la veuve, de l’index et de l’orphelin, conscient d’avoir le « progrès » pour soi, de l’autre, les hordes nationales-libérales du nord, luttant contre le « danger communiste ».
Hormis la bonhomie du ministre bruxellois Guy Vanhengel, qui bien qu’Open VLD semble faire l’unanimité côté francophone, les libéraux demeurent les mal-aimés de ces élections. Les soupçons de félonie portant sur un éventuel axe MR-N-VA, allégués par une convergence des gauches requinquée, menacent d’expulser le MR du clan des justes. « Alors, ira ou ira pas avec la N-VA ? » – un tropisme coupable comme principal moteur de cette campagne. Ce terme, passé dans l’usage littéraire sous la plume d’André Gide (en 1914), désigne une force obscure, inconsciente, poussant à agir d’une certaine façon (il traduit avant tout le mouvement de certaines plantes qui se tournent et se détournent de la lumière) (1).
Les libéraux sont donc dépeints tels des loups dans la bergerie, menaçant des ovins déjà distraits par les petites formations et récemment solennellement rappelés à l’ordre : le berger faisant fonction au PS indiquant dans L’Avenir « pourquoi ne pas voter pour les autres ». De même, les éléments de langage sous vide mijotés par la cuisine du boulevard de l’Empereur et répétés en boucle par un Premier (inter pares) insistent sur le traumatisme des années Martens-Gol. Les jeunes électeurs comprendront.
Didier Reynders, naguère résolu à faire basculer le pays vers un ancrage socio-économique de centre-droit, s’est lui vu terrassé par sa propre pique radiophonique. Submergé par une vague d’indignation bien exploitée par l’association des surfeurs professionnels de l’olivier, le vice-Premier se confondit en excuses et effectua un bottom turn (virage en bas de la vague) refusant désormais toute alliance avec les nationalistes. D’une ronde dominicale à l’autre, les caciques francophones aux torses bombés martèlent leurs exclusives, s’apprêtant, selon toute vraisemblance, à bloquer le pays, peu importent les résultats en Flandre.
Ainsi, malgré la myriade de débats cathodiques, de « votomatons », de « crash tests » et autres micros-trottoirs améliorés, malgré la valse des tests électoraux en ligne – béquilles introspectives équivoques censées dévoiler aux lecteurs leur « Moi » politique ou sondant « la Voix des Belges » -, malgré l’invitation prudente – au compte-gouttes – de représentants de « petits partis » sur les plateaux, malgré les campagnes facétieuses contre l’abstention, les enjeux « du haut de l’affiche » présentés à l’électeur s’annoncent plus que binaires.
Les discussions autour du survol de Bruxelles, ce néo-BHV in the making, ou la saga du collège Saint-Michel (bien qu’émoustillant quelque blogueur sous pseudonyme) qui, fort heureusement, ne s’est pas (encore) érigée en « tournante » de la campagne, ne purent réellement faire décoller cette séquence électorale, dont, au final, personne côté francophone ne voulait vraiment.
Restent les procès en hérésie (en « infréquentabilité » dira-t-on aujourd’hui), susceptibles d’infléchir la formation des majorités d’après-scrutins. Mais sur cette séquence, le citoyen ne se prononcera pas.
(1) Les Caves du Vatican, par André Gide, NRF.
par Nicolas Baygert, chercheur au Lasco (UCL), enseigne les sciences politiques et sociales à l’Ihecs.
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par Nicolas Baygert Chercheur au Lasco (UCL), enseigne les sciences politiques et sociales à l’Ihecs.
Retrouvez la chronique de Thierry Fiorilli le lundi à 7 h 20 sur Bel-RTL Matin.
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