Renaud Duquesne
Alain ne te voile pas la face
Alain Destexhe vient récemment de faire le buzz. Il s’est ému sur les réseaux sociaux de ce que la seule personne interrogée lors d’un reportage de la RTBF sur la fête du 21 juillet était voilée.
Il en tire comme conclusion que ce serait comme si lors de la fête nationale congolaise on interrogeait un blanc et un seul blanc. Pour lui tout cela n’est pas politiquement correct.
Le propos est-il inconvenant, blessant, voire stigmatisant ?
Il convient de rappeler que la liberté d’expression est bien sacrée dans notre pays et que tout un chacun est libre de sa pensée, qui plus est lorsqu’il est un élu du peuple comme l’est Alain Desthexe en ne perdant jamais de vue l’impact que le propos peut avoir sur les concitoyens.
Cette liberté trouve ses limites dans le respect de la Constitution, de la Loi et des Conventions Européennes. Je ne veux pas être juge du propos, chacun se fera son opinion et d’autres que moi, les autorités compétentes, veillent au respect des principes que je viens d’édicter.
Je me contenterai de soumettre à Alain Destexhe diverses considérations qui je l’espère pousseront à la réflexion
… et à l’entretien de l’esprit de contradiction.
Ce n’est pas une infraction que de porter le voile. Cela ressort de la conscience personnelle et d’une conviction que l’on espère libre et éclairée. La question s’est posée de savoir si le port dudit voile dans la sphère de l’exercice d’une fonction publique était acceptable. Le débat reste ouvert.
Ici tel n’est pas le cas, libre à tout un chacun d’exprimer sa conviction religieuse sur la voie publique dans le respect de l’autre et sans côté ostentatoire. Il n’est donc pas anormal, que du contraire, que cette personne, que je ne connais pas, ait pu s’exprimer librement.
N’est-il dès lors pas dangereux de s’inquiéter du port du voile lors de l’expression publique d’une personne ? Cela n’induirait-il pas une stigmatisation latente de la personne et de sa croyance ?
Personnellement je ne suis pas choqué lorsqu’un juif porte la Kippa, un chrétien la croix et la soutane, un bouddhiste sa robe, un athée sa conviction profonde. Et encore moins lorsqu’ils prennent la parole en public. La liberté de parole n’exige pas une mise à nu impudique. Au contraire elle peut rendre forte la parole ou le propos prononcé qui plus est si elle est empreinte de symbole.
Car cette jeune femme qu’elle soit belge ou pas – cela n’enlève rien à son propos que du contraire – est en droit de s’exprimer sur la fête nationale belge. N’est-ce pas là un signal fort donné par la diversité de son attachement à notre pays ? Ces gestes sont réclamés à corps et à cris par beaucoup de nos politiques. Ils devraient s’en réjouir. Un beau symbole.
Qu’aurait-il fallu pour que le reportage soit acceptable. Un bon blanc, un ancien combattant, un beau militaire en uniforme ou un citoyen drapé du drapeau belge…
Et ainsi de suite. On ne va quand même pas établir en fonction des événements des quotas de personnes à interroger sous peine de sanction.
Et que dire du respect de la liberté de la presse ? Elle est libre dans notre pays et nous devons nous en glorifier même si parfois elle agace certains et les remue dans leurs convictions profondes. Des gens se battent et meurent pour n’en avoir qu’une parcelle. Louons-la plutôt que de la blasphémer.
Et tout cela à propos de la fête du 21 juillet, le jour de l’indépendance de la Belgique. N’est-il pas drôle d’avoir ce débat le jour où l’on célèbre cette liberté conquise de haute lutte ?
Encore plus étonnant lorsqu’on relève que le TE DEUM – qui est une fête en l’honneur de l’indépendance – est chanté à l’occasion de services solennels d’Action de grâce (victoires, fêtes nationales …) et dans toutes autres circonstances où l’on veut remercier dieu de quelque chose.
Cet hymne est chanté dans plusieurs villes et communes alors que la famille royale assiste à la célébration à la cathédrale Saint-Michel-et-Gudule. On y prie pour le souverain et la cérémonie se termine par l’hymne national belge. Les autorités religieuses y sont présentes et plus les autorités civiles depuis 2000.
Se poserait-on la même question que pour cette jeune fille voilée quant à la légitimité du Te Deum et de ceux qui seraient accrédités pour en parler. S’étonnerait-on avec tant de vigueur si un prêtre devant des caméras s’exprimait armé de sa soutane et de sa religiosité.
La question n’est pas celle-là. On est libre de penser ce que l’on veut, d’être ce que l’on est, mais surtout cette liberté induit le respect de l’autre dans ces croyances et convictions. Qui plus est lorsqu’on partage un idéal commun qui est la célébration de notre indépendance.
Alain, on se connait. Je t’apprécie. Tu es un talent, mais ne te voile pas la face : l’humain est universel et il faut rassembler au lieu d’opposer. Mon intention n’est pas de te faire la leçon, mais bien au contraire de partager avec toi mes idéaux dont je pense qu’ils sont aussi les tiens, du moins je l’espère.
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