Claude Parmentier © Belga Image

Affaire Publifin : Le chef cab’ adjoint de Furlan est un pilier de l’intercommunale

David Leloup Journaliste

Depuis le 28 juin 2013, Claude Parmentier a touché plus de 153.000 euros brut en tant qu’administrateur de Nethys SA (Voo, BeTV, L’Avenir…), la société opérationnelle de l’intercommunale Publifin. C’est 25 fois plus que ses jetons de présence chez Publifin, où il est également administrateur.

La situation se complique pour Paul Furlan. Vendredi, dans les colonnes de L’Avenir, le ministre wallon des Pouvoirs locaux a affirmé ignorer que son propre chef de cabinet adjoint, Claude Parmentier, était administrateur de Publifin. C’est d’autant plus interpellant que ce dernier est un des… piliers de l’intercommunale. Ses déclarations de mandats, disponibles au Moniteur et sur le site Cumuleo.be, indiquent qu’en 2004 (première année où ces déclarations ont été mises en place) Claude Parmentier était déjà membre du bureau exécutif de l’Association liégeoise d’électricité (ALE, qui deviendra Tecteo en 2007). En fait, il occupait déjà ce poste dans les années 1990, nous explique-t-il sans se souvenir de la date de ses débuts. En septembre 2005, il fut par ailleurs nommé vice-président du conseil d’administration de l’ALE. Et en 2007, il a rejoint le comité de rémunération.

Le bureau exécutif est un petit groupe d’administrateurs auquel le conseil d’administration délègue la gestion journalière de l’intercommunale. Ce poste exécutif, rémunéré par des émoluments fixes mensuels, Claude Parmentier le conservera jusqu’au 21 juin 2013. Le groupe Tecteo est alors restructuré : l’intercommunale devient une société holding rebaptisée Publifin et toutes les activités opérationnelles (Voo, BeTV, distribution de gaz et d’électricité…) sont logées au sein d’une filiale privée, Nethys SA. Bref, le 21 juin 2013, Claude Parmentier redevient simple administrateur de Publifin, fonction qu’il occupe encore aujourd’hui. Comment Paul Furlan a-t-il pu ignorer un tel parcours professionnel, de plus d’une décennie, réalisé par l’un de ses plus proches collaborateurs ? Peut-il « ne pas savoir » que son chef de cabinet adjoint est un des hommes clés du système ALE-Tecteo-Publifin-Nethys (lire encadré ci-dessous) ?

Les rémunérations secrètes de Nethys

Là où les choses se compliquent encore un peu pour le ministre des Pouvoirs locaux, c’est que Le Vif est en mesure de lever, pour la première fois, un (petit) coin du voile qui couvre les rémunérations en vigueur chez Nethys. Or le chef de cabinet adjoint de Paul Furlan y a été « recasé » le 28 juin 2013, comme simple administrateur, un an avant de rejoindre le cabinet du ministre. Les rémunérations chez Nethys constituent un secret bien gardé. Le salaire de son administrateur-délégué, Stéphane Moreau, fait l’objet de spéculations depuis des années. Le Soir a avancé, en septembre 2013, le montant de 588.000 euros brut par an alors que d’autres sources évoquent 300.000 euros. Mais jamais le montant « officiel » n’est sorti.

Le Vif s’est procuré la fiche fiscale 281.20 reprenant les « rémunérations des dirigeants d’entreprise » d’un membre du conseil d’administration de Nethys en 2014. Le montant brut annuel est de 43.183 euros, soit 3.599 euros brut par mois. Des émoluments qui s’ajoutent notamment aux 58.970 euros brut annuels que Claude Parmentier perçoit par ailleurs comme bourgmestre PS de Wanze. Bref, chez Publifin, il n’y a pas que les comités de secteur consultatifs qui permettent à des mandataires de toucher des émoluments mensuels fixes plutôt que des jetons de présence. Il y a aussi le conseil d’administration de la filiale Nethys. Mais cette fois, comme c’est une société privée, elle n’est pas tenue de respecter des plafonds légaux de rémunération, alors que c’est le cas des intercommunales.

Le contraste est saisissant. Au conseil d’administration de Publifin, Claude Parmentier représente les communes actionnaires. Selon le tableau des émoluments que l’échevin des Finances d’Olne, Cédric Halin, s’est procuré chez Publifin et que Le Vif avait publié le 20 décembre dernier, le chef cab’ adjoint de Paul Furlan ne touche qu’un jeton de présence de 194,70 euros brut. En 2015, le CA de Publifin s’est réuni à 9 reprises. S’il a participé à toutes les réunions, Claude Parmentier a donc perçu 1.752,30 euros brut. C’est 25 fois moins que ce qu’il a touché chez Nethys la même année (43.183 euros brut), et ce sans la moindre obligation légale d’assister aux réunions.

Un mandat « à titre privé »

Depuis le 28 juin 2013, date à laquelle il est devenu administrateur de la filiale opérationnelle, Claude Parmentier a ainsi perçu plus de 153.000 euros brut. Soit près de 70.000 euros après impôts. Le rapport annuel 2015 de Nethys ne précise pas le nombre de réunions du conseil d’administration. Un simple membre du CA de la filiale privée Nethys gagne en fait 87% de plus qu’un membre du bureau exécutif de l’intercommunale publique Publifin, 40% de plus qu’un vice-président et même 12% de plus que le président André Gilles himself, individu le mieux payé chez Publifin..

Selon une source bien informée, Claude Parmentier n’aurait pas été nommé chez Nethys par son parti mais bien par Publifin, l’actionnaire public de Nethys. La nuance est importante : cela signifierait qu’il exercerait ce mandat chez Nethys « à titre privé ». Joint par téléphone, Claude Parmentier ne souhaite faire aucun commentaire sur sa rémunération chez Nethys mais confirme le caractère « privé » de ce mandat, « presté au sein d’une société anonyme qui n’est pas une intercommunale ». Or à en croire les déclarations de Paul Furlan à nos confrères de L’Avenir, ce serait précisément ce que le ministre considère comme le « sommet de l’hypocrisie » : des mandataires « siégeant à titre privé dans des conseils d’administration d’organismes publics »

Contacté via son porte-parole, Paul Furlan ne souhaite pas s’exprimer sur le dossier Publifin avant le débat qui aura lieu mercredi après-midi au parlement wallon. Un débat qui risque d’être animé : samedi, le MR a réclamé sa tête, estimant hypocrites ses propos tenus dans les colonnes de L’Avenir sur le scandale des rémunérations des membres des comités de secteur de Publifin. Dimanche, sur le plateau de RTL, le président du Parti socialiste, Elio Di Rupo, a exclu une telle démission de son ministre.

Claude Parmentier démissionne

Selon un tweet de Paul Furlan publié lundi soir, Claude Parmentier a démissionné de son poste de chef de cabinet-adjoint du ministre wallon des Pouvoirs locaux. « Je viens d’accepter la démission de Claude Parmentier », a posté le ministre wallon du parti socialiste en réponse à différentes interpellations.

Un homme clé de la nébuleuse ALE-Tecteo-Publifin-Nethys

Bourgmestre PS de Wanze, Claude Parmentier est un des meilleurs spécialistes des finances locales de Wallonie. C’est aussi un peu pour ça qu’il est devenu un homme clé du système mis en place par André Gilles et Stéphane Moreau à partir de 2005. Il fait partie des happy few qui connaissent intimement les rouages et les petits secrets de « la plus grosse intercommunale du monde », comme l’appellent ses dirigeants.

Ce petit club très fermé de fidèles comprend également Dominique Drion (cdH) et Georges Pire (MR), tous deux vice-présidents de Nethys (et de Publifin jusqu’en juin 2015). Viennent ensuite les « simples » administrateurs de la société comme Claude Parmentier, qui sont rémunérés 43.183 euros brut par an : Pol Guillaume (bourgmestre MR de Braives), Josette Michaux (vice-présidente PS du conseil provincial), Pierre Stassart (échevin PS de l’instruction publique à Liège) et Denise Laurent (conseillère provinciale PS, en infraction pour n’avoir jamais déclaré son mandat chez Nethys à la Cour des comptes depuis 2013).

On retrouve également sans surprise Claude Parmentier, homme de confiance et d’expérience, au comité d’audit et de risques de Nethys. Mais aussi au conseil d’administration d’Ogeo Fund, le fonds de pension de la galaxie Publifin où il siège depuis 1997, indique la Banque-carrefour des entreprises. Un mandat qu’il exerce encore aujourd’hui mais ne déclare plus à la Cour des comptes depuis 2012…

À noter que Nethys n’est pas détenue directement par l’intercommunale Publifin : une société intermédiaire baptisée Finanpart s’intercale comme un écran entre elles. Publifin détient 100% de Finanpart, laquelle possédait 99,99% de Nethys au 31 décembre 2015. Ainsi s’explique notamment l’opacité de Nethys : la société ne rend directement aucun compte à Publifin mais bien à Finanpart. Celle-ci est pilotée par trois personnes de confiance très proches de Stéphane Moreau : Pol Heyse, Gil Simon et Bénédicte Bayer, trois membres du comité de direction de Nethys. D.Lp

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