Affaire Mawda: « Si j’avais su qu’il y avait un enfant, je n’aurais jamais brandi mon arme »
Le policier, auteur du tir qui a tué la petite Mawda lors de la course-poursuite qui s’est déroulée sur l’autoroute E42, la nuit du 16 au 17 mai 2018, a été interrogé par le tribunal correctionnel du Hainaut division de Mons, lundi après-midi.
« Avant d’être policier, je suis un être humain. La mort de cette petite fille m’a effondré. J’aurai toujours cette image », a-t-il déclaré. C’est la première fois que le policier s’exprime publiquement depuis le drame.
« Je n’ai pas reçu l’information qu’il y avait un enfant. Si je l’avais su, jamais je n’aurais sorti mon arme », a-t-il encore au cours de son interrogatoire qui se poursuit.
Un coup de feu « par crispation ou par réflexe »
Ce matin, après le médecin légiste, le tribunal correctionnel de Mons a auditionné l’expert en balistique désigné par le juge d’instruction dans le cadre de l’enquête sur la mort de la petite Mawda, tuée d’une balle lors de la course-poursuite qui s’est déroulée entre un véhicule de police et une camionnette transportant des migrants sur l’autoroute E42, la nuit du 16 au 17 mai 2018.
Selon l’expert, Mawda se trouvait bien à l’avant du véhicule comme l’a déclaré plus tôt le médecin légiste. Il a aussi déclaré que la thèse d’un coup de feu « par crispation ou par réflexe » était plausible. L’expert est incapable de dire si le tir est volontaire ou pas.
Plus tôt, lundi, le médecin légiste avait expliqué devant le tribunal que le coup de feu avait traversé la tête de la petite fille et qu’il avait détruit les deux vitres latérales de la camionnette.
Selon le médecin, la petite fille se trouvait à l’avant du véhicule et non à l’arrière, en raison des éléments organiques retrouvés sur le tableau de bord.
André Chabotier, expert en balistique au sein de l’école royale militaire, a aussi estimé que la présence la plus vraisemblable de Mawda dans la camionnette était à l’avant.
« Lors des constatations effectuées sur le véhicule, on n’a pas retrouvé d’impact balistique dans la partie avant, ni dans la partie arrière du véhicule. Les deux vitres latérales avant étaient brisées. Des projections de sang ont été retrouvées sur le tableau de bord, au centre de l’habitacle avant ainsi que des matières organiques sur la porte avant droite. Un second examen complet du véhicule a été fait pour retrouver un impact mais sans succès », a-t-il déclaré devant le tribunal, lundi midi.
Les véhicules de police qui suivaient la camionnette ont déclaré avoir vu une projection de vitre de la portière avant droite de la camionnette. L’autopsie révèle par ailleurs des blessures périphériques qui peuvent être causés par l’explosion de la vitre latérale avant gauche.
Plusieurs trajectoires possibles ont été définies lors de l’enquête, de la gauche vers la droite. Selon M. Chabotier, la trajectoire la plus probable est presque perpendiculaire par rapport à l’axe longitudinal de la camionnette.
Selon l’expert, si l’enfant se trouvait à l’arrière du véhicule, juste derrière le siège avant, la balle aurait dû se loger dans la carrosserie et aurait pu faire d’autres victimes. Or, ce n’est pas le cas.
Tir par crispation ou par réflexe
Le policier poursuivi pour l’homicide involontaire de la petite fille a déclaré que le coup était parti accidentellement quand la camionnette a heurté le véhicule de police, ce qui a provoqué un déport vers la gauche de ce véhicule de police. L’expert estime que le tir a pu être effectué par crispation ou par réflexe. « Je ne peux pas l’affirmer mais c’est plausible », a-t-il déclaré.
L’expert a examiné l’arme du policier poursuivi et il a constaté qu’aucun réglage particulier n’avait été effectué sur cette arme. « Un coup de feu accidentel parait difficile avec ce genre d’arme car il faut faire déplacer la détente sur une distance de 8,4 mm et une force de 28 Newtons ». Cependant, compte tenu de tous les éléments examinés dans son rapport, il estime que le tir a pu être effectué par crispation ou par réflexe car le policier avait le bras tendu hors du véhicule. Il a pu tenir son arme plus fermement que d’habitude.
Enfin, l’expert a expliqué que le type de balle utilisée par les forces de l’ordre est souvent un projectile à tête creuse qui ne se fragmente généralement pas mais qui « se champignonne » et freine dans la cible.
Les deux Irakiens affirment qu’ils se trouvaient à l’arrière de la camionnette
Après avoir entendu le médecin légiste et l’expert en balistique, la présidente de la sixième chambre correctionnelle du tribunal du Hainaut division de Mons a procédé à l’instruction d’audience. La présidente Marie Sheila Bastiaans a commencé par interroger le plus jeune des Irakiens considéré comme le chauffeur de la camionnette, lequel maintient ses déclarations faites durant l’enquête.
La présidente lui a signalé que son ADN avait été retrouvé sur des mégots de cigarette abandonnés sur le plancher de la camionnette. Ces mégots se trouvaient à l’avant alors qu’il a déclaré qu’il se trouvait à l’arrière du véhicule. « J’ai fumé ces cigarettes mais je ne sais pas s’elles ont été déplacés ou pas ».
Un foulard portant son empreinte génétique a également été retrouvé à l’avant de ce véhicule. « Je ne me souviens plus, il se peut que je portais un foulard. Je sais qu’il faisait chaud et j’ai enlevé mon pull. Cela remonte à deux ans. Je ne sais plus », a dit le prévenu.
Le 17 mai, de l’argent britannique et des cigarettes ont été retrouvés dans ses poches. Le prévenu ne se souvient pas d’avoir détenu des cigarettes sur lui.
Présent en Europe depuis 2015, il dit avoir fait l’objet de plusieurs contrôles en France au début de l’année 2016. Il a été incarcéré en France.
« Est-ce que le 23 avril 2016 vous dit quelque chose ? » lui a demandé le procureur du roi. Le prévenu a répondu que non.
« N’auriez pas reçu un ordre de quitter le territoire néerlandais avant d’être arrêté en Flandre orientale ? » Le prévenu a dit ne pas se souvenir non plus.
L’empreinte génétique de l’autre Irakien, âgé de 27 ans, a été retrouvé sur un téléphone portable qui se trouvait sur la petite Mawda. Le prévenu prétend qu’il ne s’agissait pas de son téléphone mais il avoue qu’il a peut-être utilisé cet appareil car il n’arrivait pas à se connecter avec le sien.
Sur son compte Facebook, il y avait une vidéo montrant le trajet de la camionnette quand elle a été achetée dans la région liégeoise. Il ne conteste pas les faits et il ajoute que les trafiquants lui ont demandé, depuis l’Allemagne, d’acheter une camionnette et de se rendre vers la jungle de Calais.
Il conteste avoir été le convoyeur de cette camionnette lors de la course-poursuite avec la police. Lui aussi déclare qu’il se trouvait à l’arrière de la camionnette. Il dit qu’il a demandé au chauffeur de s’arrêter mais ce dernier ne l’a pas écouté.
Dans une audition, il a déclaré qu’il portait Mawda dans ses bras au moment où elle a été touchée par la balle. « Tout le monde criait, il faisait sombre. Je ne sais plus », dit-il.
Le procureur lui a demandé s’il maintenait ce qu’il a déclaré, à savoir avoir entendu cinq à six coups de feu. Le prévenu a répondu par l’affirmative.