Accord sur la distribution de la presse: le gouvernement satisfait, bpost réagit
Le gouvernement a décidé de mettre fin à la concession de distribution de la presse. Jusqu’à présent, c’est Bpost qui s’en chargeait.
Le gouvernement fédéral a décidé de mettre un terme au mécanisme de concession pour assurer la distribution de la presse écrite, ont annoncé le Premier ministre, Alexander De Croo, et la secrétaire d’État au Budget, Alexia Bertrand, au cours d’une conférence de presse. Un système de soutien fiscal plus restreint, reposant sur un crédit d’impôts, sera mis en place, ciblé sur les zones peu peuplées et le secteur associatif jusqu’en 2026.
Jusqu’à présent, c’était Bpost qui assurait cette distribution pour un montant de 125 millions d’euros. La concession devait être renouvelée mais l’entreprise publique est arrivée dernière de l’appel d’offres lancé à cet effet, derrière ses concurrents Proximy et PPP. L’attribution du marché à cette dernière a suscité la controverse politique, certains redoutant une perte de la qualité du service et des conditions sociales dégradées.
Bpost encore 6 mois
Bpost conservera cette mission durant le premier semestre de 2024, pour un montant de 75 millions. Ensuite, c’est la concurrence qui jouera pour assurer ce service. Le soutien public concernera la distribution dans les communes de moins de 225 habitants par km2, soit environ 15% du territoire (dont les trois quarts en Wallonie), et le secteur associatif. L’opération représente une économie pour le budget de l’État: 35 millions l’an prochain et 80 millions en 2025 et 2026.
« C’est une bonne nouvelle pour le budget de l’État« , s’est réjouie Alexia Bertrand. L’opération représente une économie pour les finances publiques: 35 millions l’an prochain et 80 millions en 2025 et 2026. L’Open Vld, parti des deux ministres, réclamait depuis un certain temps la fin de ce mécanisme de concession. M. De Croo a évoqué un phénomène de « sursubsidiation ». Le Premier ministre ne pense pas que l’arrêt de la concession provoquera une hausse du prix de l’abonnement à la presse écrite. « Je ne vois pas bien pourquoi. Nous avons prévu de conserver une partie du soutien dans les régions plus compliquées d’un point de vue commercial », a-t-il expliqué. Pour ce qui est des conséquences pour bpost, le chef du gouvernement n’a pas voulu se prononcer.
« Notre objectif reste d’assurer l’avenir de l’entreprise ainsi que le bien-être de nos employés. À cette fin, nous engagerons des discussions avec toutes les parties prenantes internes et externes pour définir nos prochaines étapes et déterminer l’offre future de distribution de la presse. » C’est en ces termes que réagit le CEO de bpost Chris Peeters. « Pendant la période de prolongation, bpost continuera de fournir à l’échelle nationale les services de la concession actuelle », assure l’entreprise postale. Celle-ci rappelle qu’elle distribue actuellement des journaux et des périodiques pour un chiffre d’affaires total d’environ 265 millions d’euros en 2022, « y compris la rémunération du gouvernement et les revenus des éditeurs, avec une marge bénéficiaire nette inférieure au plafond de 7,5% imposé par la Commission européenne. » « Les impacts opérationnels et financiers, pour bpost, après la période de prolongation dépendront des offres commerciales qui seront mises en place et pour lesquelles bpost s’est mise en relation avec les éditeurs. L’entreprise travaille à limiter ces impacts », assure l’entreprise dans un communiqué.
Diversité de la presse
Les vice-Premiers ministres du gouvernement De Croo se sont réjouis de cet accord. La vice-Première Groen Petra De Sutter, qui dispose de la tutelle sur bpost, a indiqué que l’accord avait été conclu sur base de sa proposition. « Je voulais une règle destinée aux habitants des zones peu peuplées. Les abonnés qui y vivent continueront également à recevoir leurs magazines et journaux à un prix raisonnable », selon Petra De Sutter.
« Pour les écologistes, il était essentiel de protéger la diversité de la presse et son accessibilité à tous les citoyens », renchérit le vice-Premier ministre Ecolo Georges Gilkinet. « Grâce à un système de crédit d’impôt pour la distribution dans les zones moins peuplées, les éditeurs de presse pourront continuer à assurer la diffusion des quotidiens, en collaboration avec la Poste, contribuant à la préservation de ce service essentiel à la population. De même, nous voulions une solution pour continuer à soutenir la distribution de la presse associative et périodique, ce qui figure également dans l’accord conclu en kern. » Le vice-Premier PS Pierre-Yves Dermagne indique également avoir été « particulièrement attentif à la distribution en zone rurale avec une enveloppe de 30 millions d’euros prévue à cet effet. »
« Un accord qui prend notamment mieux en compte les habitants des zones blanches comme je le souhaitais », commente le vice-Premier MR David Clarinval. « Via cet accord, je voulais également mieux soutenir les éditeurs et les libraires. Ces derniers auront une déduction à 180% de leurs frais de livraison des journaux. La situation actuelle était une injustice et une concurrence déloyale, elle est corrigée. Grâce à la phase transitoire décidée par le gouvernement, nous permettons aussi à Bpost de s’adapter. Il n’y aura donc pas de bain de sang social dans l’entreprise« , assure M. Clarinval.
Les éditeurs francophones mécontents
Pour François le Hodey, administrateur-délégué d’IPM Group (L’Avenir, La Libre, la DH…) et président de lapresse.be, l’alliance des éditeurs de presse quotidienne francophone, la décision du gouvernement fédéral de mettre fin à la concession de distribution de la presse est « irresponsable » et « met en péril le futur des journaux ». Selon lui, le gouvernement ne « mesure pas les conséquences de cette décision sur la presse, le pluralisme ou encore la liberté d’expression », déclare-t-il dans les titres de son propre groupe de presse. « Sur les trente dernières années, jamais une décision aussi grave, aussi mal préparée et aussi mal pensée n’a été prise. »
Dans sa réaction, M. Le Hodey cible singulièrement le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS), même s’il s’agit « d’une décision dont la responsabilité est partagée par chacun des partis politiques de cette coalition ». « Nous rentrons donc en mode combat. La première chose, c’est que nous allons d’abord analyser exactement ce qu’ils ont décidé. Et nous allons demander pour qu’enfin le ministre Dermagne accepte de rencontrer les éditeurs et qu’il nous explique, les yeux dans les yeux, ce qu’il a proposé au gouvernement. Qu’il nous explique s’il a compris les conséquences en matière d’emploi d’une telle décision par rapport aux plus de 1.000 personnes qui travaillent dans le secteur de la presse quotidienne au sud du pays. »