Eva De Bleeker et Alexander De Croo
Eva De Bleeker et Alexander De Croo © Belga

Accord budgétaire fédéral: « Le gouvernement a rompu sa parole de façon éhontée »

Au lendemain du discours de politique générale prononcé par le Premier ministre Alexander De Croo, les réactions à l’accord budgétaire continuent à affluer. La Ligue des Familles s’inquiète ainsi de la limitation de la possibilité de prendre un crédit-temps à temps plein pour les enfants sera limitée.

Le syndicat flamand ACV Puls s’oppose aux flexi-jobs

Le syndicat chrétien flamand ACV Puls est farouchement opposé aux plans du gouvernement fédéral de rendre possible les flexi-jobs dans le secteur du bien-être et des soins. « Cela n’apporte aucune réponse structurelle au manque de personnel et cela va entraîner un recul des conditions salariales et de travail », estime ce syndicat. Il demande au gouvernement de revoir sa décision.

L’ACV Puls souligne que les salaires des personnes occupant des flexi-job sont inférieurs à ceux attribués à des contrats de travail classiques. Il donne des exemples de différences de salaires d’un tiers ou plus après 5 ans d’ancienneté, et « cette différence augmente au plus on a de l’expérience ». De plus, les personnes ayant un flexi-job ne reçoivent pas d’indemnités pour, par exemple, les heures supplémentaires et le travail de soirée, du week-end ou de nuit.

« Les employeurs accorderont dès lors leur préférence à un ‘flexi-jobber’ bon marché », assure le syndicat selon lequel, des milliers de travailleurs à temps partiel du secteur sont pourtant prêts à travailler plus d’heures et pourraient donc rapidement aider à pourvoir certains postes vacants. « L’introduction des flexi-jobs est une gifle pour ces milliers de collègues à temps partiel et les condamnera à des horaires réduits ou à accepter un statut défavorable pour travailler plus ».

La CSC dénonce une promesse non tenue pour les fonctionnaires fédéraux

La CSC Services publics redoute que certaines dispositions prises dans le budget 2023 ne remettent en cause l’accord destiné à améliorer la rémunération des 65.000 fonctionnaires fédéraux, conclu fin juin.

« Pour la première fois en 20 ans, nous pouvions envisager une augmentation salariale qui ne se limiterait pas à l’index. Après ces avancées encourageantes lors de la concertation sociale pour la fonction publique, le gouvernement a rompu sa parole de façon éhontée« , dénonce la CSC-SP dans un communiqué diffusé mercredi au lendemain de l’accord sur le budget bouclé par le gouvernement fédéral.

   « Les agents fédéraux peuvent oublier une augmentation de l’allocation de fin d’année, une augmentation salariale de 2% (à peine) et ils devront se contenter de l’illusion de chèques-repas, même si ceux-ci, promis dès novembre 2022, ne seront attribués aux agents fédéraux qu’à partir de 2024″, ajoute le syndicat chrétien.

   Au cabinet de la ministre de la Fonction publique Petra De Sutter, on reconnaît que le timing de l’octroi des chèques-repas a été revu, tout en soulignant la revalorisation qu’une telle mesure va apporter. « Cela représentera à terme un gain net de pouvoir d’achat de près de 1.000 euros par an pour les fonctionnaires qui travaillent à temps plein », explique-t-on.

   Le cabinet affirme par ailleurs que des moyens supplémentaires ont été libérés pour le bien-être mental, qui seront utilisés notamment pour la prévention du burn-out.

   « La ministre s’est battue pendant les négociations budgétaires pour trouver la meilleure solution possible afin d’augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires fédéraux. Elle s’est également battue pour maintenir la péréquation des pensions des fonctionnaires », conclut le cabinet.

   Ce dernier mécanisme permet aux fonctionnaires retraités de prétendre à un montant de pension qui suit l’évolution des rémunérations des fonctionnaires actifs.

Le rabotage du crédit-temps inquiète La Ligue des familles

Le gouvernement fédéral a également annoncé la limitation du crédit-temps. Cette mesure suscite une levée de boucliers de la part des familles qui y voient un « retour en arrière ».

Le crédit-temps permet de suspendre temporairement sa carrière pour s’occuper d’un enfant mais aussi d’un proche en soins palliatifs ou gravement malade.

   Désormais, selon les nouvelles directives, la possibilité de prendre un crédit-temps à temps plein pour les enfants sera limitée. Ce congé familial devra débuter avant les 5 ans de l’enfant (au lieu de 8 actuellement) et les 51 mois autrefois octroyés passeront à 48 mois. Le montant des rémunérations sera lui maintenu à 517 d’euros par mois.

   Dans le même ordre d’idée que la limitation du crédit-temps, l’interruption de carrière pour soins aux enfants sera rabotée de 60 à 48 mois (pour les fonctionnaires fédéraux).

   Pour la Ligue des Familles, c’est un terrible message envoyé aux familles et aux ménages. « Les parents attendaient un renforcement de ces congés qui sont très mal rémunérés or le gouvernement, au contraire, taille dans ces dispositifs de conciliation vie privée-vie professionnelle », souligne Lola Galer, chargée d’études à la Ligue des Familles. « C’est un recul des droits et on risque d’avoir, très vite, des parents à bout qui vont craquer ». Résultat? « Ces parents vont passer en incapacité de travail, se retirer du marché de l’emploi, prétendre au chômage… et donc les économies que l’on pensait faire aujourd’hui, il faudra sans doute les payer plus tard. »

   « Par ailleurs, dans sa démarche, le gouvernement va au-delà de la demande des employeurs puisque, lors d’une audition à la Chambre sur le même thème, la FEB défendait les congés moins longs mais mieux rémunérés. Ce qui n’est pas le cas ici », observe Lola Galer.

   Depuis l’annonce de cette mesure, La Ligue des familles croule sous une avalanche de réactions. « Nous avons reçu environ 200 témoignages de parents inquiets et notre visuel (pour s’opposer à cette mesure) a été partagé plus de 2.000 fois sur Facebook », illustre Lola Galer.

   Le secteur des aidants proches se dit également préoccupé: « Nous sommes étonnés de voir que ce genre de décisions passent au gouvernement … Financièrement, c’est peanuts, le gain est symbolique. Et d’un autre côté, cela représente un pas en arrière par rapport aux cookies que l’on a obtenus précédemment pour les familles, les enfants et les parents. Au final, tout cela va entrainer un coût supplémentaire à la société », abonde Maxime Delaite, directeur de l’ASBL Aidants Proches.

   En réalité, le congé thématique prévu pour les aidants proches (3 mois à temps plein ou 6 mois à temps partiel) n’est pas directement touché par les mesures gouvernementales. « Cependant tous ces congés thématiques, crédits-temps et interruption de carrière s’enchevêtrent et se cumulent, bien souvent, puisqu’un enfant handicapé par exemple nécessite un traitement à vie… Et donc, nous ne pouvons que nous opposer à ce choix politique qui met des bâtons dans les roues d’un public déjà fragilisé », ponctue M. Delaite.

   La Ligue des familles et l’ASBL Aidants Proches plaident pour « une relavorisation et une harmonisation à la hausse de ces congés qui ne sont pas des vacances, mais bien des dispositifs correspondant à des besoins fondamentaux ».

   L’objectif du gouvernement, via cette mesure, est d’économiser 32,6 millions d’euros.

Des « avancées sociales » mais aussi des « cadeaux ONSS » aux entreprises (FGTB)

L’accord sur le budget comprend certaines avancées sociales, reconnaît la FGTB mais aussi des « cadeaux ONSS » faits aux entreprises. L’ensemble est assez déséquilibré, conclut le syndicat socialiste.

Ce dernier a d’abord salué le prolongement des mesures de soutien destinées à alléger la facture d’énergie des ménages jusqu’au mois de mars. « Mille euros de moins à payer, reconnaissons que cela soulage. »

   La FGTB est également satisfaite du maintien de l’indexation automatique des salaires et constate que la mise à contribution des banques, des surprofits, du capital est enfin enclenchée. « Ce n’est pas rien! Mais c’est insuffisant », clame-t-elle.

   L’organisation de défense des travailleurs craint que les mesures accordées aux entreprises ne pèsent de trop sur la sécurité sociale. « Toutes les entreprises vont profiter, de manière linéaire, de 7% d’exonération de cotisations patronales pour le premier semestre 2023, à raison de 1 milliard d’euros. À cette mesure s’ajoute le report de cotisations sociales qui leur est déjà accordé pour la deuxième moitié de 2023. »

   Pour plusieurs matières, la FGTB, rejointe par le CGSLB, observe que le gouvernement marche quelque peu sur les platebandes des partenaires sociaux. « Les flexi-jobs étendus à plusieurs secteurs, l’élargissement du nombre d’heures de ‘travail étudiant’ et la réduction de l’accès à des crédits-temps sont des coups portés à la concertation sociale, en défaveur des travailleurs. »

   « Une fois de plus, ce gouvernement trahit ses promesses faites lors de son entrée en fonction, à savoir le respect de la concertation sociale », pointe de son côté le syndicat libéral.

   La réaction de la FGTB se termine sur un appel urgent à mettre en œuvre une réforme fiscale au service de la redistribution des richesses. Le syndicat socialiste affirme poursuivre la mobilisation qui se concrétisera la 9 novembre par une grève générale.

Contenu partenaire