Carte blanche
Abstention massive des étrangers aux élections communales : continuer l’omerta ou susciter un sursaut citoyen ?
Le 31 juillet 2018 est le dernier jour pour les résidents étrangers de demander leur inscription sur les listes électorales. A défaut, la Démocratie locale belge subira, probablement, une nouvelle défaite cuisante, qui la fragilisera davantage.
Les faits : environ 85 % des résidents étrangers bruxellois vivent tellement à l’écart de la vie locale de leur pays d’accueil, qu’ils ne demandent pas de s’inscrire sur les listes électorales du scrutin communal (1). Ainsi, au lieu d’exercer une fois tous les six ans l’acte citoyen élémentaire de voter, en faisant un court déplacement de leur domicile jusqu’au bureau de vote, ils préfèrent se reposer ou satisfaire d’autres besoins centrés sur leur personne. Comme si les services fournis par les communes ne contribuaient pas à la satisfaction de plusieurs besoins de notre bien-être au quotidien !
Les conséquences : l’impact de ce manque de civisme basique est particulièrement néfaste pour la légitimité démocratique des élus bruxellois. En effet, une participation électorale de seulement 63 % (2), fragilise le socle de la Démocratie locale belge. Cela ternit, en plus, l’image prestigieuse dont jouit la Belgique parmi les autres Etats démocratiques dans le monde, classés en fonction du critère de la participation électorale.
Les causes du phénomène : sixcauses principales semblent être à l’origine de ce manque de civisme basique (3).
- la crainte injustifiée que l’inscription sur les listes électorales impliquerait une transformation irrévocable du droit de vote en obligation de vote,
- la complexité du système politique belge (plusieurs niveaux de pouvoir et clivage linguistique),
- la nécessité, dans certaines communes, de se déplacer personnellement jusqu’au guichet communal pour faire enregistrer sa demande d’inscription sur les listes électorales,
- les difficultés linguistiques, qui empêchent la compréhension des programmes des partis politiques, ou des enjeux électoraux,
- l’anticipation de l’échéance d’inscription (31 juillet) sur les listes, est trop éloignée par rapport à la date du scrutin (15 octobre),
- la déclaration vexatoire, pour les originaires d’un pays hors Union Européenne, que le demandeur s’engage à respecter les lois belges.
Les outils pour inverser la courbe d’abstention : la Région bruxelloise, en coopération avec les 19 communes et 49 asbl spécialisées dans l’exercice des droits civiques, a investi des ressources financières importantes (environ 400 000 euros en 2012) dans la sensibilisation des électeurs étrangers potentiels (notamment, par l’envoi d’une lettre personnalisée à chaque électeur, par de séances publiques d’information et par la diffusion de brochures). A ces actions de caractère publique, s’ajoutent les démarches des partis et des candidats individuels à l’élection.
Or, puisque l’investissement de 400 000 euros d’actions en faveur de la sensibilisation des étrangers a apporté seulement 15 % de participation, comment faudrait-il réagir ?
En baissant les bras et en attendant qu’un sursaut citoyen surgisse par miracle ?
Ou en ajoutant aux actions de sensibilisation de 2012 des actions supplémentaires, en allant à la rencontre de ces habitants pour leur expliquer qu’ils sont autant concernés par la politique communale ?
La conclusion : faut-il continuer à subir une omerta ? La majorité des partis politiques belges, des candidats à l’élection et de la presse ont passé sous silence le manque de civisme basique des résidents bruxellois étrangers, voire un manque de respect par rapport aux traditions de leur pays d’accueil (4), ou un manque de reconnaissance à l’égard de nombreux services publics, dont ils sont bénéficiaires au niveau de leur Commune de résidence.
L’exemple le plus récent de l’omerta, pratiquée par les partis politiques et les médias, date du mois d’août 2017, lorsque le Parlement Bruxellois a débattu de l’octroi aux résidents étrangers du droit de vote aux élections régionales également. Aucun parti politique, élu ou journaliste n’a soulevé l’incohérence de l’octroi d’un nouveau droit à des électeurs potentiels, dont la grande majorité n’exerce même pas le droit de vote analogue, déjà octroyé, pour le niveau inférieur de pouvoir (i.e. communal) !
Par Dimitri Angelis, juriste, médiateur et ancien cadre de la Commission européenne
(1) Il s’agit de 244 511 électeurs potentiels sur un corps électoral total de 858 384 électeurs, en 2012, i.e.28,4 % du corps électoral ! Le taux de participation des étrangers, originaires UE ou hors UE, a varié, pour les 19 Communes bruxelloises, entre 10,27% (Evere) et 25,24 % (Watermael-Boitsfort). Le droit de vote a été accordé aux résidents étrangers ressortissants d’un Etat de l’UE pour la 1ière fois en 2000 et à ceux hors UE en 2004.
(2) Le taux d’abstention, endémique et non sanctionné (!) dans la pratique, de l’électeur belge bruxellois est de 17 % (105 193 électeurs en 2012). Si l’on y ajoute le non exercice du droit de vote des étrangers aux élections communales, le taux des votes non exprimés monte à 37 % !
(3) Suivant, notamment, une enquête menée par le « Bureau de Liaison Bruxelles-Europe ».
(4) La Belgique est un des premiers pays à avoir instauré le vote obligatoire en 1893. Seuls le Luxembourg et la Grèce l’ont suivi, parmi les Etats Membres de l’UE.
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