À quoi ressemblera Tournai en 2040 ?
Pendant près de dix ans, avec le Conseil développement de la Wallonie picarde, la cité patrimoniale s’est projetée à l’horizon 2025. A l’approche de l’échéance, se positionnant comme moteur de développement transfrontalier, Tournai porte déjà son regard vers 2040.
D’ici à 2035, Tournai devrait voir sa population grandir de 3 000 ménages. Comment, dès lors , résoudre l’équation : accueillir de nouveaux habitants, veiller à la qualité de l’habitat, améliorer la mobilité et préserver l’environnement ? C’est un des enjeux du » Schéma de structure communal » (SSC). Ce document d’orientation, de gestion et de programmation, pense le territoire communal pour les vingt prochaines années. Il traduit aussi une vision politique et optimiste du développement de Tournai, dans ses dimensions urbaines et rurales. Présenté à la population lors de rencontres citoyennes organisées fin 2016, soumis à l’enquête publique jusque fin mars, il devrait être définitivement adopté par le conseil communal en juin prochain avant d’être validé par Carlo Di Antonio, ministre wallon de l’Aménagement du territoire.
De nouveaux quartiers urbains
D’après le SSC, l’important potentiel foncier de Tournai permet d’absorber la demande des nouveaux ménages annoncés par les projections de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps). Plus de 3 150 logements pourraient être créés rien qu’en zone d’habitat. Pour éviter l’étalement urbain, les nouveaux projets sont conçus en fonction de leur proximité avec les équipements et les modes de transport collectifs. L’idée est de resserrer l’urbanisation autour du coeur historique de la ville.
Trois des 45 zones d’aménagement communal concerté (Zacc) inscrites au plan de secteur sont jugées prioritaires. Il s’agit de deux zones des anciens districts de Templeuve et Froidmont et de la Zacc Morel (80 ha). Cette dernière se situe à l’arrière de la gare et sera aménagée pour former une nouvelle petite ville avec 1 300 à 1 900 logements (16 à 25 logements/ha), mais aussi des écoles, des commerces et des services. L’ensemble devrait être totalement terminé vers 2040-2045.
Le projet d’aménagement de l’îlot Madame, soutenu par le Feder et par le plan Marshall 2.vert, vise, lui, à redynamiser le quartier Saint-Piat par une mixité de fonctions. L’intercommunale Ideta, qui porte le projet, y créera TechniCité « , une microzone d’activité économique avec cinq halls industriels, un centre d’entreprise et un hub créatif, tandis que la Ville y aménagera des bains-douches annexés à un espace de cohésion sociale. Un promoteur immobilier y produira 33 logements de une à trois chambres, des bureaux, des espaces de microéconomie et des commerces. L’Atelier de l’arbre d’or et l’Atelier 2F, concepteurs du projet, ont fait le choix de façades contemporaines qui s’intègrent néanmoins au bâti existant. Ils créent aussi une succession de jardins autour d’un espace vert central, convivial et fédérateur, élaboré en collaboration avec les habitants du quartier.
Il faut encore citer le quartier de l’ancien port fluvial, en aval du pont des Trous vers Froyennes, et le développement du quartier Parc périurbain, à proximité des carrières de l’Orient. Leur reconfiguration prendra des années mais enthousiasme les autorités communales. La vocation industrielle du premier est devenue obsolète et de nombreux propriétaires de terrains souhaitent qu’on y envisage d’autres affectations, comme du logement et des activités annexes, et que l’on puisse recoudre le tissu urbain tout en se réappropriant l’Escaut. Le second, en amont de l’entrée de la ville, suscite l’intérêt d’investisseurs qui envisagent d’y développer un projet mixte articulé autour des loisirs et du logement. Deux larges bandes végétalisées constitueront une coulée verte faisant le lien entre la ville et la périphérie. La Ville et Ideta élaborent un masterplan qui devrait être prochainement adopté pour pouvoir déclencher la révision du plan de secteur.
Les grands projets
Comme le projet TechniCité, la plateforme multimodale 2.0 est un des cinq équipements structurants et intégrés de la programmation Feder 2014-2020, d’un montant global d’environ 46 millions d’euros. Les travaux débuteront en 2019 et, en 2022, la rue Royale » connectée » formera un axe reliant le coeur historique classé au patrimoine mondial de l’Unesco au plateau de la gare. Celui-ci sera réaménagé pour offrir des équipements et services pour l’usage des modes doux et transports : atelier service vélo en gare, création de pistes cyclables, covoiturage, dépose-minute…
Reste l’élargissement de l’Escaut et l’alignement des quais, dans le cadre du projet européen de liaison avec la Seine via un canal de grand gabarit. Deux recours en annulation ont été introduits auprès du Conseil d’Etat par l’asbl Pasquier-Grenier et le collectif L’Escaut, c’est vous. D’autres pourraient encore suivre. La phase relative à la modification du pont des Trous, elle, n’est plus sujette à recours. C’est une première étape franchie dans ce projet spectaculaire dont les premiers coups de pelle sont attendus dans les prochaines semaines.
En 2016, le service urbanisme de la Ville a traité 534 demandes de permis. D’ici à cinq ans maximum, les permis octroyés devraient engendrer la création de 200 à 250 logements. Parmi les projets de logements collectifs présentés à la commission consultative en aménagement du territoire et mobilité, qu’elle préside, Catherine Guisset-Lemoine (conseillère communale MR) cite l’Atelier d’architecture Meunier-Westrade sur la place Reine Astrid. Huit appartements de très haut standing et très performants sur le plan énergétique se nicheront derrière une façade contemporaine néoclassique qui s’intégrera visuellement à la place qui jouxte le quartier de la cathédrale. Le même bureau d’architecture clôturera, en juin 2018, la troisième et dernière phase de la transformation de l’ancienne imprimerie Campin. L’îlot Desclée, se composera d’une centaine de lofts et appartements basse énergie de 40 m2 à 500 m2.
Ecolo se demande pourquoi créer du logement neuf alors qu’il y a tant de bâtiments vides. « Les rénover devrait être la priorité des autorités communales, note Coralie Ladavid, conseillère communale (Ecolo) et coordinatrice de l’asbl Droit au logement (DAL). Un autre défi est d’éviter la gentrification des quartiers et d’offrir des logements de qualité à des prix accessibles. »
Avec la fin des travaux de la cathédrale, Tournai a renforcé son statut de ville patrimoniale, tout en intégrant judicieusement une architecture contemporaine qui valorise son patrimoine. La nouvelle implantation de Loci Tournai, la faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme, dans une ancienne filature au coeur du quartier Saint-Jean, en est un bel exemple. « L’arrivée de Loci au centre-ville démystifie la ville figée dans son patrimoine, souligne Olivier Laloux, vice-doyen de la faculté. Quant à l’intervention architecturale contemporaine de l’agence portugaise Aires Mateus, elle crée un passage ouvert aux habitants du quartier. De plus, la présence de 500 étudiants a suscité la création de 50 à 100 kots dans des habitations qui étaient des chancres. Enfin, elle a aussi nécessité de développer une réflexion sur la mobilité avec la mise en place d’un système de location de vélos. »
Par ailleurs, dans sa déclaration de politique communale, Tournai annonçait sa volonté d’intégrer le parc naturel des plaines de l’Escaut (PNPE). En visant l’adhésion de ses 29 villages au PNPE, dont le centre-ville deviendrait un périmètre urbain associé, Tournai entend mieux valoriser sa ruralité dans toutes ses dimensions (paysagère, écologique, sociale, économique…). Elle veut aussi assurer le maillage territorial, favoriser les circuits courts et travailler sur la mobilité douce. Le gouvernement wallon se prononcera sur l’extension du PNPE en 2018. En attendant, la Ville organise des rencontres citoyennes pour permettre aux habitants de s’approprier le projet du PNPE et de s’impliquer dans ses actions.
Avec son associé Quentin Wilbaux, Eric Marchal a conçu l’écoquartier Pic au vent comptant 42 maisons mitoyennes passives ou à énergie positive (qui produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment). Convaincus que « les architectes doivent jouer un rôle moteur et innovateur dans la société, proposer des utopies et de nouveaux modèles », ils ont effectué des recherches qui ne correspondaient pas alors à une demande et entamé l’expérimentation d’un habitat groupé, écologique et économique, par l’achat d’un terrain à Tournai. C’était il y a vingt ans. « Ce qui était militant en 2008, quand les premières maisons ont été occupées, a depuis été édicté par l’Europe et transcrit dans le droit national. Nos critères étaient que ça ne devait pas être plus cher que du clé sur porte, que l’habitat devait répondre aux standards du passif et utiliser des matériaux à longue durée de vie et à faible impact environnemental. On ne devrait bâtir que des choses comme ça, avec une espérance de vie de 150 ans et modifiables pour les six ou sept générations qui suivront, sans nuire à l’enveloppe passive extérieure. »
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