À quoi ressemblera Namur en 2030 ?
Si la capitale wallonne a longtemps fait figure de belle endormie, la cité mosane veut être le visage d’une Région innovante, durable et fière de son patrimoine. Lifting en profondeur, nouveaux quartiers, révolution smart… Une ville modèle pour le futur de la Wallonie.
Enfin libre, avait-on l’impression de lire sur le visage de Maxime Prévot, l’ancien ministre wallon CDH quand il a annoncé en juin dernier qu’il redevenait bourgmestre de Namur à plein temps. Même s’il n’avait jamais vraiment quitté des yeux le devenir de sa ville, il retrouve les clés d’une capitale wallonne en pleine effervescence. Avec l’objectif de faire de Namur une ville modèle pour le futur de la Wallonie. Mieux qu’un autre, il sait que sa ville est scrutée. » L’image de la capitale wallonne est très loin de la caricature qu’on peut avoir du Sud du pays. C’est un créneau qu’on doit davantage exploiter « , assure-t-il. Avec ses partenaires de coalition, Ecolo et MR, Namur incarne l’autre Wallonie. Comprenez celle sans le PS. » Et le temps n’est pas encore venu d’en finir… »
Mais surtout, quitte à paraître parfois impétueux, l’homme veut démontrer que sa ville n’a plus rien d’une capitale pantouflarde, ayant peur de son ombre, par crainte de gêner Liège et Charleroi. Désormais, Namur a les moyens de son ambition. » Et il était temps ! Namur s’est suffisamment plainte d’être oubliée pour qu’elle soit fière maintenant d’avoir son juste dû. » C’est sous son mandat, fort de sa double casquette de ministre-bourgmestre, ce boulet si souvent reproché, que la ville obtint le premier financement européen de son histoire et que de nombreux projets purent se concrétiser à grands renforts de subsides régionaux. » Je suis fier d’être un moteur du redéploiement de la ville, malgré les critiques entendues quand j’étais ministre. Mais ne nous mettons pas la tête dans le sable : j’ai pu rêver le développement de ma ville comme bourgmestre, mais j’ai pu en obtenir les moyens comme ministre. »
La confluence, l’ambassade « smart » de la ville
Si cette renaissance namuroise s’affiche partout à travers les grues qui poussent dans le paysage, l’emblème de cette reconquête se trouve au Grognon, là où la ville puise ses origines, au confluent de la Sambre et de la Meuse. C’est sur ce site exceptionnel, et pourtant sans projet depuis cinquante ans, que l’avenir de la capitale wallonne se dessine. Avec l’espace Confluence, outre l’aménagement de l’esplanade du Grognon pour en faire un espace public piétonnier, ouvert vers les berges du fleuve et destiné à accueillir de grands événements publics, l’objectif principal est de le positionner comme vitrine de la ville intelligente avec la construction d’un port numérique.
Celui-ci se situera à la pointe du site comme lieu de convergence technologique, véritable ambassade de la capacité d’innovation de la ville dans un bâtiment entièrement vitré. Les travaux ne commenceront pas avant 2018. D’autres projets sont aussi développés sur le site comme la création d’une passerelle cyclo-piétonne entre les deux berges de la Meuse, reliant Namur à Jambes. Cette passerelle, longue de 100 mètres, se fondra dans le paysage mosan grâce à sa fine épaisseur, tout en offrant un point de vue exceptionnel. Si elle n’est pas encore construite, le nom de la future passerelle est déjà connu : ce sera L’Enjambée. En parallèle, la Province a entamé, à deux pas de là, la rénovation de la Maison de la culture.
Le retour du téléphérique
A côté du Grognon, l’autre symbole namurois par excellence qu’est la citadelle va elle aussi connaître quelques innovations. L’objectif est d’en faire une des locomotives du tourisme wallon. Ce site patrimonial exceptionnel sera, à l’avenir, mieux relié au centre-ville grâce à la construction d’un téléphérique qui, sur un tracé de 650 mètres, reliera la place Maurice Servais à l’esplanade de la citadelle. Le choix s’est porté sur un modèle de télécabine pouvant accueillir 6 à 8 passagers.
Tout l’enjeu est désormais financier : la Ville est prête à dépenser 600 000 euros par an pour faire fonctionner le téléphérique, mais pas un euro de plus. L’exploitant devra donc trouver un moyen de rendre son projet rentable. D’ici à 2018, l’esplanade de la citadelle accueillera également le pavillon belge de l’exposition universelle de Milan (2015). Ce pavillon deviendra une vitrine technologique du savoir-faire et des talents innovants wallons.
Ne pas perdre le nord
L’autre grand chantier de la capitale wallonne concerne le nord du centre-ville avec le quartier de la gare. L’opération de revitalisation urbaine devrait peser à hauteur de 75 millions d’euros. Si Namur peut être fière de sa gare – l’une des plus fréquentées de Wallonie, elle a en revanche de quoi rougir du quartier qui l’entoure. Les projets prévus pour cette réhabilitation sont multiples, mais l’aménagement de la gare des bus au-dessus de la dalle de la gare des trains est sans conteste l’emblème de ce renouveau. Un chantier colossal à plus de 50 millions d’euros qui va changer la vie des usagers. Cette nouvelle gare, finalisée en 2019 au plus tard, sera constituée d’un auvent intégrant des panneaux solaires.
A côté, sur le boulevard Mélot, la rénovation des anciens établissements de Vers L’Avenir permettra d’accueillir des bureaux, des commerces et une trentaine d’appartements. Côté chemin de fer, les immeubles de l’ancienne Poste adopteront une esthétique plus contemporaine dans ce quartier né au xixe siècle. Le projet comprend des bureaux, un hôtel, un centre de congrès et un parking souterrain. La place de la Station et l’avenue de la Gare seront également arborées et rendues plus conviviales grâce à un mobilier urbain et un éclairage renouvelés avec, en prolongement sur le square Léopold, la construction d’un centre commercial pour renforcer l’attractivité du centre-ville.
Redonner vie aux Casernes
Dans le prolongement de ce chantier gigantesque, à l’ouest de la ville, c’est un autre quartier qui va renaître de ses cendres, celui des Casernes. A côté du nouveau palais de justice, dont la construction commencera dans quelques mois, la Ville va développer un projet mixte, avec du logement, des bureaux, une bibliothèque communale, une brasserie, un commerce de produits locaux et un parc public. Le terrain visé est actuellement utilisé comme parking. C’est une zone à haut potentiel, selon la ville de Namur qui en est propriétaire depuis 2012.
L’îlot englobera le corps de garde de l’ancienne caserne, bâtiment emblématique du site depuis 1985, dans lequel se trouve le musée africain de Namur. Un parking d’au moins 215 emplacements sera aménagé sous les nouveaux bâtiments. Il servira aux habitants et à ceux qui viendront travailler ou flâner dans le quartier. Le coût du projet est estimé à 50 millions d’euros et l’ouverture du chantier est attendue pour 2019 au plus tard.
Namur espère aussi convaincre les investisseurs privés de participer à la revitalisation du quartier. Ainsi, des contacts ont été noués avec AG Real Estate, propriétaire des trois tours des finances avec l’espoir que d’ici quinze à vingt ans au maximum, celles-ci ne soient plus qu’un mauvais souvenir dans le paysage. A quelques pas de là, l’espace Rogier accueillera un nouveau projet d’envergure où se mêleront tous les aspects de la vie namuroise : outre des logements et des bureaux, le site sera dédié aux infrastructures culturelles grâce à l’implantation du conservatoire et à la rénovation du Grand Manège avec une salle de spectacle de 800 places
De nouveaux quartiers
Si le centre-ville est en pleine mutation, le reste du territoire namurois va lui aussi connaître pas mal de transformations pour accueillir une population toujours plus nombreuse. Depuis 2002, celle-ci est en constante augmentation avec 120 000 habitants prévus en 2030, contre 111 000 aujourd’hui. Mais l’objectif est d’attirer cette nouvelle population en ville ou dans les faubourgs.
» Trois nouveaux habitants sur quatre, arrivant d’ici à 2030, vivront dans le périmètre d’agglomération « , rappelle Arnaud Gavroy (Ecolo), l’échevin de l’aménagement du territoire. » Cela coûte moins cher parce qu’on évite l’étalement urbain et cela renforce l’intensité de la ville. De la sorte, on peut faire du logement accessible aux trentenaires, ce dont Namur manque le plus. Il faut récupérer cette source vive « , prévient-il.
Depuis une trentaine d’années, le territoire namurois s’est dualisé avec, pour les quartiers centraux, des logements anciens et énergivores, des espaces publics de piètre qualité, des friches industrielles à l’abandon, des services et équipements de proximité en déliquescence… » L’objectif est de redonner vie à ces quartiers et d’attirer à nouveau des familles, le point faible de la capitale wallonne qui voit cette population s’éloigner de son territoire. En tout, ce sont près d’un millier de logements qui vont apparaître, avec une priorité donnée à ce public « , souligne Stéphanie Scailquin (CDH), échevine de l’urbanisme.
Pas de gentrification
A Saint-Servais, ce sont 6 000 mètres carrés qui seront restructurés pour permettre la construction de logements familiaux dans un écoquartier. Le projet consiste en la démolition des constructions existantes (entrepôts, garage…) pour y construire 18 logements dont 16 disposant d’un jardin. Mais pas question de faire de la gentrification, en faisant fuir de ces quartiers les couches populaires déjà présentes. Les cités sociales avoisinantes seront elles aussi réhabilitées.
A Erpent, un autre écoquartier verra le jour sur le plateau de Bellevue, un terrain d’une dizaine d’hectares, devant accueillir entre 329 et 395 logements. Bouge verra,
pour sa part, 112 nouveaux logements. Ce quartier durable donnera surtout la priorité aux piétons et aux vélos. » Depuis dix ans, Namur a été un laboratoire, un pionnier wallon, en poussant les promoteurs à monter en puissance, à aller vers les écoquartiers ou à s’intéresser à la réhabilitation de quartiers en souffrance. D’ici à 2030, Namur aura avancé sur ce chemin : à savoir un projet de territoire cohérent qui permet de renforcer sa centralité et de ne plus gaspiller les moyens publics dans l’étalement urbain « , se félicite Arnaud Gavroy.
Namur a adhéré à la Convention des maires, en 2013, et s’est ainsi engagée à réduire ses émissions de CO2 de 20 % d’ici à 2020. Elle a mis en place un plan climat énergie, qui reprend notamment l’analyse des performances énergétiques des bâtiments communaux et leur rénovation. Des isolations de toitures, remplacements de chaudières et de châssis ou encore installations de panneaux photovoltaïques ont ainsi été réalisés. Ces efforts se poursuivront, avec, notamment, l’implantation de panneaux photovoltaïques sur la toiture de la caserne Terra Nova à la citadelle. L’énergie produite alimentera un nouveau système d’éclairage LED au sein du site historique. La majorité des points lumineux de la ville seront également remplacés à terme par des LED avec un système de dimming pour limiter la consommation électrique.
En ce qui concerne la production d’énergies renouvelables, Namur entend compenser le potentiel limité de son territoire en collaborant avec les communes voisines. Elle pourrait soutenir financièrement des projets comme le développement d’un réseau de chaleur biomasse à Malonne ou encore l’installation d’une éolienne citoyenne à Temploux.
M.-E. R.
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