© PHOTOMONTAGE : HATIM KAGHAT POUR LE VIF/L'EXPRESS

À quoi ressemblera Charleroi en 2030 ?

Philippe Berkenbaum Journaliste

Les Carolos attendent depuis longtemps que se concrétisent les promesses qui modifieront l’image de leur ville. 2017 leur a montré un aperçu de ce que sera Charleroi dans une quinzaine d’années : des centres urbains rénovés, des espaces publics conviviaux, des logements accessibles…

En 2030, lorsqu’on arrive à Charleroi par le ring, on découvre une skyline résolument métropolitaine dessinée par une série de nouveaux bâtiments : les six tours du Left Side Business Park, les deux River Towers d’un investisseur privé, les constructions du 5e élément de La Sambrienne à la porte d’entrée majeure de la ville, le nouveau siège d’Igretec… Des projets verticaux et multifonctionnels qui s’intègrent dans la trame urbaine existante.

Et qui, d’après Vincent Becue, doyen de la faculté d’architecture et d’urbanisme de l’UMons,  » permettent d’estomper un peu la violence de cette infrastructure très forte qu’est le ring, rendent le territoire entre l’intra et l’extraring plus poreux et créent une urbanité du xxie siècle « . Le ring qui, par ailleurs, a été entièrement relooké :  » Nouveau modèle de barrière, peintures et lumières en font une oeuvre d’art, s’enorgueillit Paul Magnette (PS), bourgmestre en titre de Charleroi. Les infrastructures se sont réconciliées avec la ville.  »

Le  » Projet de ville « , à découvrir dans le livre Charleroi métropole, schéma stratégique 2015-2025, articule les approches urbanistique, architecturale, paysagère et graphique dans une vision transdisciplinaire. Il vise à conserver et amplifier l’identité de capitale économique régionale. Il s’agit aussi de reconnecter le centre à la périphérie, les espaces verts aux espaces urbains… et les habitants à la ville.

Pour Georgios Maillis, bouwmeester de Charleroi,  » l’enjeu principal est de recréer du lien, de créer une ville où les bâtiments parlent entre eux, où le tissu urbain est intéressant et agréable pour le citoyen qui l’habite. Le contexte est optimiste. Le potentiel est énorme. Tout est à reconstruire. C’est une ville dans laquelle on peut vivre, travailler, s’épanouir, s’amuser.  » En travaillant sur un schéma métropolitain, Charleroi incite les gens à se reconnecter à la ville. Déjà des Carolos  » exilés  » reviennent aux sources, des investisseurs étrangers osent miser sur elle et des magazines internationaux diffusent son identité graphique. Bientôt, Georgios Maillis en est convaincu, Charleroi retrouvera son statut de  » ville-monde « .

Sur l'ancien site Apollo, le projet Aux parcs comptera 155 nouveaux logements privilégiant la mixité sociale et intergénérationnelle.
Sur l’ancien site Apollo, le projet Aux parcs comptera 155 nouveaux logements privilégiant la mixité sociale et intergénérationnelle. © SDP

Haut et bas de la ville, même défi

2017, année charnière, a fourni aux Carolos un aperçu de ce que sera la ville nouvelle. De gigantesques travaux ont complètement modifié l’aspect de la Ville-Basse : on se déplace désormais volontiers à pied depuis la gare du Sud, pour traverser la Sambre en empruntant la  » placerelle « , avant de longer sa rive gauche sur des quais presque entièrement rénovés, de passer sous le bâtiment de Quai 10, le Centre de l’image animée et interactive aménagé dans l’ancienne Banque nationale, pour rejoindre la place Verte entièrement piétonnisée et le tout nouveau centre commercial Rive gauche. L’aménagement de places publiques, comme celle de la Digue, a été le signal d’une rénovation urbaine sur laquelle des privés ont embrayé en rachetant et rénovant les bâtiments qui la jouxtent.

Bientôt, la Ville-Haute connaîtra le même processus de rénovation urbaine. Sur moins de 2 km2, l’intraring concentre les principales fonctions métropolitaines : administrations publiques, hôpitaux, enseignement, institutions culturelles, stade. Certains ne s’y sont pas trompés et ont choisi d’installer leur siège social au centre-ville. C’est le cas de l’intercommunale Igretec et de La Sambrienne, société de logements de service public (SLSP). Si la Ville-Basse accueille des fonctions commerciales et du logement, la Ville-Haute héberge les fonctions institutionnelles, avec l’hôtel de ville et la tour de police (oeuvre de Jean Nouvel), et les fonctions culturelles. Les idées inscrites dans le projet de ville visent à créer une cohérence entre ses différentes fonctions.

En 2030, l'entrée dans Charleroi dévoilera une skyline résolument métropolitaine.
En 2030, l’entrée dans Charleroi dévoilera une skyline résolument métropolitaine. © SDP

Trois palais pour un district créatif

Le projet urbain Charleroi district créatif,  » Charleroi DC « , est un portefeuille de 17 projets stratégiques présenté dans le cadre de la programmation 2017-2024 des fonds structurels européens. Il a obtenu une enveloppe budgétaire de 142 millions d’euros et propose une stratégie territoriale qui se concentre sur l’ouest du centre urbain, dans un espace de 40 ha, délimité à l’est par les boulevards Alfred de Fontaine et Joseph II, à l’ouest par les boulevards Bertrand, Solvay et Roullier.

On y trouvera un pôle des grandes conférences et de l’événementiel, avec un palais des expositions et un palais des beaux-arts rénovés (lire aussi page 96), ainsi qu’un palais des congrès à créer dans leur proximité immédiate, à l’emplacement de l’ancienne gare des bus. Dans Charleroi DC, la place du Manège et les rues avoisinantes seront requalifiées, débarrassées du stationnement anarchique et restituées aux citoyens sous forme d’un espace public propice au développement des activités du secteur Horeca.

Le portefeuille Feder comprend aussi la création, sur le campus sciences, arts et métiers, d’un centre universitaire dans le bâtiment Zénobe Gramme et la rénovation du BPS22, ainsi que l’aménagement des quais de la rive droite et la réalisation du plan lumière du centre-ville. Le maître-architecte de la Ville souligne que le réaménagement de la place Charles II, espace public central,  » changera l’image de Charleroi, même s’il ne s’agit pas d’un objet architectural en hauteur « .

Sur le site des anciens charbonnages des Viviers, le Grand Hôpital de Charleroi sera organisé autour de huit pôles de soin.
Sur le site des anciens charbonnages des Viviers, le Grand Hôpital de Charleroi sera organisé autour de huit pôles de soin. © VK Architects & Engineers- Réservoir A Architectes

15 nouveaux quartiers

En regard des prévisions démographiques (250 000 habitants en 2050 contre 205 000 aujourd’hui), 12 000 logements supplémentaires devraient être construits à l’horizon 2040. Cela porte la demande annuelle à 400 unités. Pour y répondre, le  » Schéma stratégique 2015-2025  » présente un plan d’intensification urbaine le long des principaux axes urbains. Au nord, l’axe vers Bruxelles relie le centre-ville à la dorsale wallonne et à l’aéroport. A l’est, l’axe vers Châtelet est celui qui affiche la plus grande densité urbaine. C’est là que se situera le nouveau Grand Hôpital de Charleroi. Au sud, la route de Philippeville conduit vers la périphérie verte. Enfin, l’axe ouest est celui qui connaîtra le plus grand changement. On y trouvera un masterplan avec une porte industrielle reliant le centre-ville de Marchienne-au-Pont à celui de Charleroi.

Georgios Maillis, bouwmeester de la Ville de Charleroi.
Georgios Maillis, bouwmeester de la Ville de Charleroi.© hatim kaghat pour le vif/l’express

Il faudra bien sûr attendre pour voir émerger de terre les 15 nouveaux quartiers que la Ville souhaite créer dans les ZACC (zones d’aménagement communal concerté) identifiées pour être urbanisées en priorité, soit 125 des 765 ha des réserves foncières publiques et privées. Citons, à Lodelinsart, le projet de créer 320 logements sur le site du Sacré Français, propriété de la société liégeoise Valimo, et à Marcinelle, dans la ZACC des Hiercheuses (20 ha) au pied du terril éponyme, propriété de l’entreprise Vandezande de Gilly, celui de construire 360 habitations, une maison de repos et de soins, une maison de quartier et une maison médicale, une crèche, des commerces et des bureaux.

Les deux projets étaient candidats à l’obtention du label officiel régional  » Quartier nouveau « , qui ouvre la voie à un accompagnement technique et une aide de l’administration wallonne. Seules Les Hiercheuses ont obtenu le précieux sésame en juin dernier, mais le permis d’urbanisme pour la création du quartier Sacré Français, comportant des logements collectifs, des maisons uni et bifamiliales, des microentreprises et une nouvelle place, pourrait être accordé à la fin de cette année.

Une étude est aussi en cours pour créer un nouveau quartier de la Gare, qui sera rendue plus accessible et affirmera son rôle de pôle central de la mobilité. De la Sambre à Marcinelle Villette, on trouvera logements, commerces de proximité, services, parc et salle de spectacle polyvalente.

Le futur palais des expositions a bénéficié d'une enveloppe budgétaire des fonds structurels européens.
Le futur palais des expositions a bénéficié d’une enveloppe budgétaire des fonds structurels européens. © Charleroi Dc AM De Vylder Vinck Taillieu – AgwA

Logements publics, des projets majeurs

De son côté, La Sambrienne, née en juin 2013 de la fusion de cinq SLSP de Charleroi et gestionnaire de près de 10 000 logements à Charleroi et Gerpinnes, développe cinq projets immobiliers majeurs qui créeront environ 680 nouveaux logements pour un investissement total de 102 millions. Dans le quartier Broucheterre, au nord-ouest du coeur historique de la ville, sur un site de 2,2 ha cédé par la Ville pour l’euro symbolique, 5e élément constituera, dès 2021, un ensemble de 80 appartements et de 3 000 m2 de bureaux destinés au siège social de La Sambrienne. Le concours d’architecture pour ce projet qui participera à la rénovation de la Ville-Haute est en cours.

Sur l’ancien site Apollo, rue Motte et rue Wauters, un nouveau quartier se dessine. A terme, le projet Aux parcs, qui vise la mixité sociale et intergénérationnelle, comptera 155 nouveaux logements, dont 60 appartements livrés pendant le deuxième semestre 2019. A Marcinelle, deux projets débuteront dans les prochains mois pour aboutir en 2019. EiXAMPLE XII comprendra 45 maisons destinées à l’acquisition sur la base du mécanisme du Community Land Trust, tandis que Solaire fournira 117 appartements à haute performance énergétique.  » L’idée est de faire appel aux nouvelles technologies de la construction – ossature bois, containers… – et de créer du logement expérimental « , précise Fabrice Jacqmin, directeur immobilier de la SLSP.

A Mont-sur-Marchienne, l’écoquartier Les Closières dispose d’un permis d’urbanisme pour 196 logements, mais le site a la capacité d’en accueillir 600. Trente-cinq maisons unifamiliales destinées à la vente et 16 appartements, des rez+4 en ossature bois, ont déjà été construits.  » Aujourd’hui, nos projets immobiliers sont en attente d’une grande réforme avec le futur Fonds d’investissement du logement public qui devrait aboutir bientôt, note Fabrice Jacqmin. Il y a un potentiel de 1 000 logements qui s’inscrit dans ce futur droit de tirage, pour un montant de 180 millions d’euros.  »

A Marcinelle, le projet Solaire accueillera 117 appartements à haute performance énergétique.
A Marcinelle, le projet Solaire accueillera 117 appartements à haute performance énergétique. © sdp

La Sambre, nouvel espace public

Avec le projet de ville, la Sambre a échangé son statut d’infrastructure contre celui d’espace public. Les projets de créer de nouveaux logements sur ses rives tablent sur le plaisir d’y flâner et ses quais seront dédiés aux loisirs et à la mobilité douce. Pour implanter les River Towers qu’il crée un peu partout dans le monde, l’investisseur privé Moty Lande choisit d’ailleurs exclusivement des villes traversées par une rivière. A Charleroi, sur une friche industrielle à l’entrée sud-est de la ville, à proximité immédiate de la tour Inter-Béton que le bouwmeester aimerait conserver, ses deux tours allieront logements de qualité à prix abordables et centre commercial de proximité au rez-de-chaussée. A la Ville-Basse, les bâtiments des TEC et des finances laisseront place au Left Side Business Park, six tours formant un pôle mixte de bureaux, logements et commerces. Sans oublier la création d’un relais nautique à destination du tourisme fluvial.

Enfin, pour éviter le morcellement du système paysager que peut engendrer l’urbanisation, Charleroi élabore aussi un  » plan d’intensification paysagère  » qui se compose de la Sambre, du Piéton et de leurs affluents, du réseau ferré industriel, des terrils et du Ravel. Il s’agit de reconnecter les bois et espaces verts pour créer des couloirs écologiques favorisant la biodiversité, la mobilité de la faune et, pour les humains, des modes de déplacements doux.

Un dossier d’Annabelle Duaut, Caroline Dunski et Marie-Eve Rebts – Coordonné par Philippe Berkenbaum – Caroline Dunski

Logement public; les chiffres

74 % du patrimoine de la SLSP sont des logements sociaux, 26 % du logement moyen. Leur moyenne d’âge est de 49 ans et le loyer moyen de 284 euros. D’ici à 2024, 126 millions devraient être consacrés à la rénovation de 7 500 logements. Il y a 5 000 demandes de logements sociaux en attente et le logement public représente 12 à 13 % de l’ensemble des logements carolos.

Le Grand Hôpital de Charleroi au campus santé de Viviers

En février dernier, le Grand Hôpital de Charleroi (GHdC), fruit de la fusion des hôpitaux Saint-Joseph, Sainte-Thérèse, IMTR, Notre-Dame et Reine Fabiola, entamait la première phase de la construction d’un tout nouveau bâtiment qui ouvrira en 2022 et représente un budget de 500 millions d’euros. Sur les 17 ha du site des anciens charbonnages des Viviers, au croisement du R3 et de la RN90, les travaux d’aménagements paysagers ont suivi la création d’une barrière à amphibiens et le déplacement des oeufs et têtards des crapauds vers une zone non affectée par les travaux. L’hôpital de nouvelle génération sera organisé autour de huit pôles de soins. La partie non construite sera aménagée en parc vert et boisé dont pourront profiter le personnel, les patients et les visiteurs.

Quant à l’avenir des sites actuels du GHdC, il est toujours en cours de réflexion. Notre-Dame pourrait accueillir un projet mixte de polyclinique et d’offre pour la personne âgée. Une activité d’enseignement est également envisagée. La Haute Ecole de Louvain en Hainaut pourrait poursuivre son développement sur le site de Sainte-Thérèse. Les sites Saint-Joseph et Reine Fabiola pourraient être proposés à la démolition afin de libérer de l’espace pour le redéploiement du quartier qui les héberge et l’avenir de l’IMTR dépend de l’issue du dossier de contournement de la N5.

Le campus des sciences, arts et métiers

Seuls 15,4 % de la population de la région de Charleroi et du Sud-Hainaut disposent d’un diplôme de l’enseignement supérieur, alors que 28 % des emplois le nécessitent. La création d’un campus des sciences, des arts et des métiers est destinée à répondre à cette problématique.

Ce pôle d’excellence en formation, enseignement et recherche permettra de réaliser une optimisation institutionnelle. L’offre universitaire carolo s’y déploiera, mais on y trouvera aussi l’Université ouverte, qui accompagne les opérateurs historiques de formation pour faire correspondre l’offre aux besoins socioéconomiques de la région, le Centre d’enseignement supérieur technologique, le Centre d’excellence en efficacité énergétique et développement durable, mis sur pied par un consortium de centres de recherche, d’universités et d’entreprises, le Centre de compétences design-innovation et, last but not least, la Cité des métiers, qui constitue un espace intermétiers et interréseaux d’enseignement, unique en Fédération Wallonie- Bruxelles. Tout au long de la vie, on pourra découvrir les formations et les métiers, s’informer, tester, se former…

Le plateau de l’Université du travail offre une surface utile de 180 000 m2. D’ici à quatre ans, 10 000 personnes occuperont le site. Les 18 000 m2 du bâtiment Zénobe Gramme formeront le centre universitaire, qui regroupera les enseignements de l’ULB, de l’Umons, de l’Université ouverte de la Fédération Wallonie-Bruxelles et des enseignements supérieurs de la province de Hainaut. La Cité des métiers, quant à elle, occupera les 45 000 m2 du bâtiment Roullier libéré par la Province de Hainaut et les 10 000 m2 du collège technique des Aumôniers du travail.

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