A quel point la campagne belge a-t-elle changé? Voyage en tracteur pour le découvrir (en images)
Le photographe Jelle Vermeersch a parcouru la campagne belge au volant de son Massey Fergusson pendant plusieurs mois. Objectif: se rendre compte à quel point elle a changé.
Jelle Vermeersch rêvait, une fois dans sa vie, de copier Alvin Straight. Cet Américain a sillonné 360 kilomètres sur sa tondeuse à gazon, et a inspiré le film Une histoire vraie (1999) à David Lynch. Jelle, lui, a préféré le tracteur et a roulé 2 500 kilomètres à travers toute la Belgique.
L’idée lui est venue lors de la première année de la pandémie de coronavirus. A Gand, où il réside depuis vingt ans, tout le monde se plaignait: «On a l’impression d’être en prison.» Ses parents et son frère, qui ont toujours vécu à la campagne, tenaient un tout autre discours. «Comme si la pandémie y était vécue différemment», raconte-t-il. Il a voulu en avoir le cœur net. Et vérifier si ce fameux fossé entre ville et campagne existe vraiment.
Le photographe est donc retourné dans sa commune natale: Keyem, dans l’entité de Dixmude, en Flandre-Occidentale. «Nos voisins étaient agriculteurs. A l’âge de 5 ans, je conduisais déjà un tracteur pour ramener du foin dans les étables.» Il en a même la preuve. Une photo le montre paradant fièrement sur un tracteur en plastique Massey Ferguson.
Cette image, il a souhaité la reproduire. Avec un vrai tracteur! Un vrai Massey Fergusson acheté sur secondemain.be. «Voyager en tracteur a un côté romantique, sourit-il. On avance lentement, on voit beaucoup de choses. Je l’ai aussi beaucoup maudit quand j’ai joué de malchance ou que la température affichait cinq degrés sous zéro. Et ce n’est pas facile de tourner avec ce genre d’engin.» Notamment dans les ruelles étroites du Borinage. «Ça m’a causé pas mal de stress. J’ai aussi provoqué de temps en temps un embouteillage.» Sans parler d’un rétroviseur cassé…
«Une histoire vraie» un peu tortueuse qui a duré pas moins de quatre-vingts jours: du Westhoek au Borinage, en passant par l’Ardenne, le Limbourg et jusqu’aux polders et la Flandre zélandaise. «La campagne ressemble de plus en plus à la ville, constate-t-il. Le Limbourg, par exemple, est une succession de chaussées. Il n’y a que dans le Westhoek et la Flandre zélandaise que l’on trouve encore quelques villages typiques, avec l’église au milieu.»
En chemin, il a dormi dans des Airbnb ou sous tente. Parfois dans des étables, au milieu des vaches. En échange, il a photographié les gens de la campagne. «La campagne a beaucoup changé ces dernières années, principalement à cause d’Internet: le monde s’est propagé jusque dans les plus petits villages. Les gens y sont aussi devenus plus aisés.»
Pourtant, Jelle Vermeersch en est convaincu: le fossé avec la ville est en train de se creuser. «Certains habitants sont fiers d’être des ruraux. Parmi eux, des chasseurs, qui regardent avec méfiance ces citadins venus les déranger dans leur hobby. Mais en fin de compte, chacun a sa raison de vivre là.» De retour à Gand, point final de son voyage, le photographe a garé son Massey Ferguson devant l’abbaye Saint-Pierre, où a lieu, jusqu’au 14 avril prochain, l’exposition témoin de ce voyage un peu fou.
Buiten Mensen, par Jelle Vermeersch, jusqu’au 14 avril 2024 à l’abbaye Saint-Pierre, place Saint-Pierre, à Gand.
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