Carte blanche
À quand un ramadan laïque ?
Cette semaine débute le mois de Ramadan. Si ce mois est assimilé au rituel du jeûne, il est important de souligner qu’un bon nombre de musulmans ne sont pas concernés par cette observation pour une raison ou une autre.
En effet, certains sont atteints de maladies et ne peuvent donc pas jeûner pour des raisons de santé. Sans oublier les personnes âgées, à l’état de voyageurs, etc. En plus de ces cas « dispensés », il y a aussi ceux – musulmans ou supposés tels – qui décident volontairement de ne pas jeûner, croyants ou pas, et qui décident d’assumer publiquement ce choix.
Malheureusement, force est de constater, et personne ne peut le nier, que chez « les musulmans » comme au sein d’autres groupes, certains font peser, souvent sur les plus vulnérables, une pression sociale, des contraintes culturelles, voire des violences, qui empoisonnent leur vie. Ces pratiques méritent aujourd’hui une mobilisation plus forte et des prises de position claires. Et cela, au nom de la défense des valeurs qui rendent possible une société en paix avec sa diversité culturelle : non-discrimination, acceptation de la différence culturelle comme enrichissement mutuel mais aussi liberté de choix pour les individus. Il s’agit d’une posture cohérente qu’il faut à présent engager pour démontrer qu’il est encore possible de vivre nos différences dans le respect, l’harmonie et la paix.
Ramadan : chez u0022les musulmansu0022, certains font peser une pression sociale, des contraintes culturelles, voire des violences, qui empoisonnent leur vie.
Promouvoir une société inclusive implique de maintenir sa défense par le haut mais également de mieux le protéger par le bas. Non seulement il faut maintenir un agenda centré sur l’égalité et la lutte contre les discriminations – la lutte contre l’islamophobie en est une – à travers des politiques publiques déterminées, mais il faudra aussi, dans la société civile, mieux défendre le principe de la liberté des choix de vie, du refus des contraintes culturelles non-désirées, etc. Car il devient plus que nécessaire d’être davantage et plus visiblement solidaire des victimes de ces conceptions dévoyées des cultures et religions minoritaires.
L’arrivée du mois de Ramadan devrait nous rappeler qu’une partie de la minorité musulmane s’est bel et bien sécularisée. Néanmoins, cette période est aussi celle d’une dévotion accrue d’une autre partie de cette minorité. Ces derniers, sont le plus souvent sous l’influence de prédicateurs ou d’instances religieuses qui n’hésitent pas à s’ériger en autorités morales. Ces derniers se donnent le droit d’émettre des avis religieux dictant aux individus ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire en période de Ramadan. Si les auteurs de ces injonctions religieuses étaient cantonnés aux lieux de cultes il y a encore quelques années, il est à constater aujourd’hui qu’ils débordent de ces lieux pour prêcher sur internet, les réseaux sociaux et jusque dans l’espace public à travers la fameuse « street da’wa ».
Il est nécessaire de tenir compte du danger que cela représente. Car si pour l’heure, ces prédicateurs et instances semblent anodins, il ne faut pas oublier que c’est aussi par l’outil utilisé, à savoir l’avis religieux ou « fatwa », que l’on peut sommer à une pratique ou aller jusqu’à l’interdiction voire même à l’excommunication d’individus, ainsi en est-il dans certains pays.
Néanmoins, si l’image de « la communauté musulmane » projetée par certains religieux est celle d’un groupe monolithique, assoiffé de religion, adhérant sans réserve aux préceptes qui lui sont imposés, il est nécessaire de rappeler que cette vision tronquée relève du fantasme. Si longtemps les religieux ont balisé la vie en société, il est judicieux de rappeler que cette période est belle est bien révolue. N’en déplaise à certains, il est temps de reconsidérer le libre examen de l’individu, en ce compris musulman, sans que son islamité ne soit remise en question, qui permet à celui-ci d’accéder à une autonomie réelle par rapport à un conformisme religieux qui a davantage vocation à ordonner plutôt qu’à inviter à la réflexion.
Comme si cela ne suffisait pas, il faut également déplorer les bataillons d’imams venus, en renfort, des pays d’origine pour officier et s’adonner à la prédication tout le mois de Ramadan durant. Ce matraquage religieux intense participe d’une société où la liberté de conscience est mise à mal par une sorte de conformisme liberticide auquel on ajoute un arrière-goût de ras-el-hanout. L’islam de Belgique ? Une blague bien belge qui, pour le coup, ne donne pas envie de rire.
Il devient plus qu’urgent de sortir de cette logique qui postule que « les musulmans » ont une sorte de besoin vital de religion. Plus encore, qu’ils ne peuvent s’en passer à tel point qu’il devient impératif de leur customiser une religion acceptable. Et ce, en mobilisant le concours de prédicateurs, d’instances religieuses, d’imams des pays d’origine ou encore à renfort des imams 2.0. Dans cet imbroglio, aucune place ne semble être accordée à une islamité qui envisage de se libérer de la volonté qu’ont certains religieux de maintenir un contrôle social sur les individus via un conformisme islamique. Il faut donc faire barrage à ces directives morales qui maintiennent les individus dans une prétendue conformité. Cela ne peut qu’engendrer des individus qui ont moins d’autonomie,une vision uniforme des choses et pouvant faire le lit du fanatisme qu’ils prétendent pourtant combattre.
Il est temps que chacun(e) vive son islamité, ou ce qu’il en reste, comme il (elle) le souhaite et pourquoi pas, se permettre un mois de Ramadan laïque. Une période de tradition avec ses moments de fêtes et de regroupement en famille. Célébrer un héritage et laisser chacun l’accomplir à sa manière, en faisant le choix de jeûner ou pas. N’oublions pas que c’est en luttant contre les tutelles – morale ou non – qu’un véritable changement est possible et que la modernité est un mouvement qui n’est jamais abouti, qu’elle se construit par la quête de liberté et la lutte contre l’aliénation dans des horizons humains qui se renouvellent constamment. Aujourd’hui, la sécularisation d’une partie significative des musulmans de Belgique est un fait. Alors, il est plus que temps de laisser les citoyens de culture musulmane vivre ces moments aussi d’une façon sécularisée et laïque.
Signataires :
ETTOUMLILTI Fadma (Les Laïques Musulmans), ETTALHAOUI Fikri (Les Laïques Musulmans), ACHAHBAR Mohamed (Les Laïques Musulmans), FAHMY Labib (Les Laïques Musulmans), AADEL Mohamed (Les Laïques Musulmans), BENYEKHLEF Fouad (Les Laïques Musulmans)
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