À Louvain-la-Neuve, le défi des nouveaux quartiers
Bien que marquée par son université (propriétaire d’une grande partie du territoire), Louvain-la-Neuve n’a jamais voulu se limiter à un campus. Si la diversification de ses activités est en bonne voie, la ville doit rester attentive au prix de ses logements pour préserver une certaine mixité de population. Principal défi : affirmer son rôle à l’échelle régionale.
Louvain-la-Neuve est une ville atypique à plusieurs égards. Construite sur une dalle de béton sous laquelle circulent les voitures, son centre est essentiellement piéton, ses services très concentrés et son bâti relativement jeune. Beaucoup de ces particularités sont liées à l’histoire de la ville, née dans les années 1970 après la scission linguistique de l’université catholique de Louvain (aujourd’hui KULeuven et UCLouvain). Ejectés de Flandre, les francophones ont acquis 1 000 hectares de terres agricoles à Ottignies et y ont construit une nouvelle cité universitaire : Louvain-la-Neuve.
Il existe aujourd’hui un certain équilibre entre étudiants et résidents permanents.
Aujourd’hui encore, l’UCLouvain reste propriétaire d’une grande partie des terrains, mais offre la possibilité à d’autres acteurs d’y développer des projets grâce à des baux emphytéotiques. L’université a par ailleurs toujours eu la volonté de ne pas limiter Louvain-la-Neuve à » un campus amélioré « . Le schéma directeur qui a servi de fil conducteur à la construction et au développement de la cité précise en effet que les activités de celles-ci ne doivent pas dépendre uniquement de l’université, mais aussi avoir une dimension régionale, voire nationale. » Des fonctions que remplissent notamment le centre commercial L’Esplanade, la piste d’athlétisme ou encore les lieux culturels comme l’atelier-théâtre Jean Vilar et le musée Hergé « , souligne Jean Remy, néolouvaniste, sociologue et coordinateur du plan urbain de l’UCL entre 1990 et 2004. On peut également ajouter à la liste le récent projet de l’Agora Resort qui complète la dalle du côté du lac et intègre notamment un complexe hôtelier avec des espaces événementiels.
L’arrivée des Chinois
Le parc scientifique contribue aussi à apporter une dimension et des fonctions plus larges à la ville, mais il s’est développé » en parallèle de la vie ordinaire du reste de Louvain-la-Neuve « , observe Jean Remy. » Peu de personnes qui y travaillent résident sur le site et ce n’est pas un élément dynamisant pour le centre. » Le sociologue pense toutefois que les relations entre le parc scientifique et le coeur de la cité pourraient s’intensifier à l’avenir grâce au China Belgium Technology Center, un incubateur chinois d’entreprises technologiques. Celui-ci est situé un peu à l’extérieur de Louvain-la-Neuve mais des logements pour les travailleurs chinois sont prévus près du centre et vont permettre de créer des liens avec celui-ci.
Le pari de la plurifonctionnalité est donc d’ores et déjà réussi pour la ville, ce qui n’empêche toutefois pas Jean Remy d’estimer qu’elle doit encore se renforcer à l’avenir – ce qui sera notamment le cas d’ici à deux ou trois ans avec la future piscine olympique. » Il faut être ouvert aux opportunités qui se présentent, tout en étant sélectif à leurs propos « , précise-t-il. Une vision que partage Cédric du Monceau, premier échevin de la commune en charge de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. » Louvain-la-Neuve est le résultat d’une vision à très long terme. C’est une ville dense mais à vision humaine, et le qualitatif a toujours été placé au centre. Comme la demande est forte de la part des promoteurs, il faut se montrer encore plus exigeant par rapport aux projets développés. »
Des logements plus accessibles
Outre la diversité des activités, le plan initial de Louvain-la-Neuve soulignait également l’importance d’une pluralité d’origines, d’âges, de niveau socio-professionnel, etc. au sein de la population. Il y existe aujourd’hui un certain équilibre entre étudiants et résidents permanents, mais les prix très élevés de l’immobilier limitent l’accessibilité de la ville à certains habitants. L’un des enjeux actuels de Louvain-la-Neuve est donc de garantir un meilleur accès au logement et à la propriété, notamment pour les jeunes ménages.
» Il nous a été difficile d’agir à ce niveau ces dernières années car la plupart des projets avaient lieu sur la dalle et c’est une composante qui fait grimper les prix de construction « , explique Cédric du Monceau. » L’accès au logement est toutefois une priorité de cette législature et des actions dans ce sens vont pouvoir être mises en place au sein du projet Athéna-Lauzelle, qui est implanté sur des terrains agricoles. » Ce nouveau quartier est développé par l’UCL, mais les autorités locales se sont mises d’accord avec celle-ci pour créer un Community Land Trust qui représentera environ 10 % des logements du projet.
» Le fait que l’université ait une emprise sur le développement de la ville crée parfois des tensions avec les autorités locales car nous n’avons pas les mêmes priorités, mais ces tensions s’avèrent souvent constructives et donnent des résultats positifs « , souligne Cédric du Monceau. » Le projet Athéna-Lauzelle en est un bon exemple ! »
Ce dernier comptera aussi 10 % de logements publics et l’UCLouvain prévoit de favoriser l’achat des logements par des ménages à revenus moyens en cédant ses terrains sous bail emphytéotique à un prix inférieur à ceux du marché. Situé sur un site de 30 hectares le long du boulevard de Lauzelle, le projet Athéna-Lauzelle rassemblera 1 400 logements (dont 50 % de maisons unifamiliales) ainsi que des services, et représente le dernier grand quartier résidentiel à urbaniser au sein de Louvain-la-Neuve. » Quand il sera terminé d’ici cinq à dix ans, la croissance du logement aura atteint une limite au sein de la ville « , relève Jean Remy. » Il faudra alors être encore plus attentifs à ce que les prix de l’immobilier n’explosent pas. »
Une gare multimodale
Autre défi pour Louvain-la-Neuve : continuer à renforcer son insertion dans la vie régionale. » Dès le départ, l’UCL souhaitait que LLN devienne l’inverse d’une ville tournée sur elle-même « , rappelle Jean Remy. Pour renforcer cet effet de polarisation, la diversification des activités ne suffit pas : il faut aussi agir sur la mobilité. A ce niveau, les enjeux se concentrent surtout sur la gare de Louvain-la-Neuve, qui est amenée à accueillir le RER et à devenir un véritable pôle multimodal. Le Park & Ride construit depuis 2017 pour les usagers est une étape du processus, puisqu’il sera bientôt directement relié à l’autoroute E411.
Pour remédier à la sous-occupation que connaît actuellement ce parking, il faudra aussi et surtout installer tout autour une offre et des infrastructures de transport suffisamment développées. En attendant le RER, il est question d’intensifier la circulation des trains ou encore d’allonger les quais de la gare pour rapprocher ceux-ci de l’accès au parking. L’objectif est que les automobilistes de la région prennent le pas de garer leur voiture à Louvain-la-Neuve pour ensuite emprunter les transports en commun. La Ville pourra tirer avantage de ce pole multimodal » en aménageant aux abords du RER des fonctions qui seraient valorisées par les facilités de contact avec l’extérieur « , estime Jean Remy. Pour l’instant, la construction d’un nouveau quartier, Esprit Courbevoie, est en tout cas prévue au-dessus du Park & Ride.
Par Marie-Eve Rebts.
Bien que Louvain-la-Neuve soit une ville jeune, elle subit déjà des rénovations. Pour Cédric du Monceau, il est en effet » nécessaire de rénover le bâti vieillissant, notamment pour le rendre plus efficace d’un point de vue énergétique. Ce n’était pas encore une donnée prise en compte lors des constructions à l’époque de la création de la ville. » Prochainement, les Halles universitaires vont ainsi être rénovées afin d’en améliorer considérablement les performances énergétiques. Il est aussi question d’intervenir sur d’autres bâtiments de l’UCL, ou encore d’équiper leurs toitures de panneaux photovoltaïques.
D’autres lieux emblématiques de Louvain-la-Neuve devraient également être modernisés. C’est le cas de l’Atelier-Théâtre Jean Vilar, ou encore de certains espaces publics. Alors que la place des Sciences a été rénovée il y a quelques années, c’est à présent au tour de celle des Wallons de subir un lifting. L’endroit sera agrémenté de verdure, d’une petite scène permanente et d’espaces pour s’asseoir.
L’extension du centre commercial l’Esplanade est un projet qui a fait du bruit dernièrement à Louvain-la-Neuve. Il a non seulement encaissé de nombreuses critiques, mais a aussi été rejeté massivement lors d’une consultation populaire réalisée en 2017. Il a donc été décidé de geler le projet pour trois ans et de repartir d’une page blanche. La Ville a pour cela eu recours à des ateliers citoyens, qui n’ont cependant pas débouché sur un consensus par rapport à l’affectation à donner à la zone concernée – qui couvre environ 13 hectares. Les consultations ont par contre permis de lister une série d’objectifs prioritaires comme garantir une mixité et un équilibre entre activités économiques et logements, assurer un développement cohérent avec l’identité de la ville, améliorer la mobilité douce, accorder une place importante à la végétation, etc. La Ville va pouvoir tenir compte de ces critères pour l’élaboration d’un Schéma d’orientation local (SOL). Cet outil urbanistique permettra d’orienter les décisions prises à propos de l’aménagement de la zone concernée.
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