A Charleroi, le rénovation urbaine du centre-ville attise enfin l’intérêt des investisseurs
Charleroi a longtemps été à la dérive. Son centre-ville a assisté, impuissant, au lent exode de la bourgeoisie vers les banlieues vertes, au déplacement de l’activité économique au nord et à l’évasion commerciale vers les centres périphériques.
Déserté, le centre-ville a subi la destruction des espaces urbains, sacrifiés à la voiture, et la déqualification de son patrimoine bâti, livré à la spéculation immobilière. Aujourd’hui, le centre névralgique du Pays noir semble se réveiller d’un long sommeil. Charleroi mise sur un retour à la ville et prend action en ce sens. Elle est en plein chantier, et ce depuis quelques années déjà. Sous l’impulsion des autorités publiques, une stratégie de rénovation urbaine et de redéploiement économique à long terme a été entreprise, déclinée en trois axes.
Le premier est le plus abouti jusqu’à présent, qui cible le centre-ville carolorégien. L’équivalent d’un quart de son territoire sera entièrement reconfiguré d’ici à 2020, fort d’investissements consentis à l’aide de fonds européens et régionaux. Mais aussi privés, et insufflés tant dans les secteurs commercial et résidentiel que des services.
Seconde priorité, le réaménagement complet des zones industrielles historiques. Et elles sont nombreuses, couvrant près de 300 hectares autour du centre-ville, en ce compris quelques dents creuses non négligeables en son sein.
Enfin, troisième et dernier axe, parachevant les deux premiers, le développement de nouveaux quartiers pour mieux anticiper la croissance démographique future de la ville. L’objectif est ambitieux : livrer environ 400 nouveaux logements par an, issus tant des secteurs public que privé. Du résidentiel d’autant plus nécessaire que la pénurie en la matière est historique. Charleroi s’est en effet imposée sur la carte wallonne comme une ville de services : palais de justice, palais des expos, quartiers militaires, hôpitaux, écoles, administration, etc. Le logement n’y a jamais vraiment été mis en avant. Résultat ? Son centre-ville ne compte qu’une dizaine de milliers d’habitants, tout recroquevillé qu’il est sur une minuscule surface de 2 kilomètres carrés. De quoi lui donner des airs de village, tandis que le reste de la commune s’étend sur quelque 200 kilomètres carrés à la ronde.
Au total, le masterplan carolorégien compte plus de 60 projets d’architecture ou d’infrastructure soit en cours de réalisation, soit programmés dans un avenir proche. Soit d’ores et déjà livrés, puisque la Ville-Basse (projet Phénix), premier bastion du renouveau de Charleroi, est en travaux depuis 2011.
A noter que, pour chapeauter ces opérations, les autorités communales carolorégiennes se sont adjointes les services d’un bouwmeester, un maître-architecte dont le rôle est de les épauler dans la définition d’une politique urbaine orientée sur la cohérence et l’articulation des projets qui ont une influence sur l’espace public. Autre innovation, l’organisation, depuis trois ans maintenant, d’un Forum immobilier courant sur deux jours et ayant pour objectif de mettre en avant les potentialités d’investissement en région de Charleroi et du Sud-Hainaut, notamment en encourageant la mise en place de partenariats public-privé.
Rive Gauche attise les investissements
Cette reprise en main de l’avenir de Charleroi imprègne doucement les esprits. » Les Carolos attendent impatiemment de retrouver la ville animée et agréable qui était la leur il y a quelques dizaines d’années, commente le notaire Vincent Michielsen, dont l’étude est située sur le boulevard Audent. Le sentiment d’optimisme qui accompagne ces grands travaux de revitalisation urbaine est palpable. »
Et communicatif. D’autres publics s’y intéressent de près, dont une frange importante d’investisseurs, qu’ils soient professionnels ou simples particuliers, issus de la région ou… de bien plus loin. » Cela fait un an, voire deux, que je reçois des marques d’intérêt de candidats à l’investissement originaires d’un peu partout en Wallonie, mais aussi de Bruxelles et même de Flandre « , assure Me Michielsen. C’est que, comme l’explique le notaire, si les Carolorégiens ne se précipitent pas encore en masse pour acquérir des briques en centre-ville, préférant attendre de juger du résultat, les investisseurs, eux, ont tout intérêt à les devancer tant que le marché leur est encore profitable. Car, en l’état actuel des choses, compte tenu des faibles prix d’acquisition des biens, le rendement locatif escompté est un des meilleurs du pays…
De là à ce que ce récent enthousiasme en vienne à faire flamber les prix des biens en centre-ville, il y a un pas que Vincent Michielsen ne franchit pas vraiment. » La stabilité prévaut, avec une légère tendance à la hausse et quelques pics qui se cristallisent surtout sur certains ensembles stratégiques. » Comme ceux qui entourent le périmètre du futur centre commercial Rive Gauche, par exemple (lire ci-contre). » Les blocs d’immeubles voisins du shopping ont fait pour beaucoup l’objet de spéculation immobilière et se sont vendus à des prix typiquement… bruxellois, il y a quelques années déjà, lors de l’annonce du projet. » Le reste du quartier n’a pas manqué d’en profiter aussi, les biens gagnant en valeur au gré de leur proximité du futur centre commercial.
De manière générale, le marché immobilier du centre-ville est plus dynamique qu’avant, remarque le notaire carolorégien. » Pas tant en termes de nombre de ventes, mais surtout en ce qui concerne les délais. Là où, par le passé, on devait attendre plusieurs mois pour trouver un acquéreur, dorénavant, les transactions se concluent plus rapidement « , précise Vincent Michielsen, qui y voit un réel signe que » les gens veulent à nouveau habiter dans le centre-ville de Charleroi « . Et en particulier les jeunes couples, lassés de prendre la voiture pour faire une course ou se divertir, mais aussi les seniors, en quête d’un logement plus petit, plus facile à entretenir, proche des transports en commun et des commodités de la vie urbaine.
Après l’exode urbain, l’exode rural
Ce qui ne veut pas dire que l’ensemble du centre-ville de Charleroi bénéficie du même attrait. Quoique celui-ci soit étriqué, certains quartiers sont mieux cotés que d’autres, et donc, plus recherchés. Ainsi, en ce qui concerne les maisons de rapport et les immeubles à appartements, de grandes artères tel le boulevard Audent, qui sépare la Ville-Haute de la Ville-Basse, mais aussi les boulevards Tirou ou de Fontaine et leurs environs attirent leur lot d’amateurs. » Il s’agit surtout de candidats acquéreurs moins nantis parce que les logements y sont assez petits « , ponctue Me Michielsen. Sans oublier les investisseurs, car les prix d’acquisition – » moins de 100 000 euros pour un appartement de 90 mètres carrés » – et la perspective d’un loyer mensuel de l’ordre de 650 euros a de quoi les appâter. » Cela dépend évidement de la situation et de la qualité du bien, mais il est souvent possible d’amortir son investissement en dix à quinze ans à Charleroi, contre une vingtaine d’années pour le même appartement à Bruxelles « , glisse le notaire. Les maisons jointives ne sont pas en reste, qui peuplent abondamment les quartiers centraux de Charleroi et plaisent surtout aux familles et aux jeunes ménages, qui en apprécient les petits prix.
Cela vaut pour la Ville-Basse mais pas encore pour la Ville-Haute, toujours en attente de son propre lifting, qui devrait démarrer sous peu. Au rang des quartiers qui y sont aujourd’hui en souffrance mais non dépourvus de potentiel pour autant, il y a lieu d’épingler entre autres la rue de la Broucheterre, qui croise le ring carolorégien. Laissée à l’abandon depuis quelques années maintenant, elle sera amenée à revivre une fois les travaux entamés. Car, pour l’instant, l’effet bénéfique du réaménagement de la Ville- Basse sur la brique s’arrête à ses frontières.
Villa contre appartement
Démarré voici trois ans et demi au coeur de la Ville-Basse, ancré sur l’ex-place Albert Ier, redevenue place Verte, son nom d’origine, le chantier de construction du centre commercial Rive Gauche (90 magasins, quelque 40 000 mètres carrés) est entré en phase de finition et sera inauguré le 9 mars prochain. Egalement au programme du projet dessiné par le bureau d’architectes bruxellois DDS&Partners et porté par Iret Development, un hôtel de 128 chambres, une auberge de jeunesse et une centaine de logements. Quarante appartements sont en effet prévus dans la partie du complexe érigée place Buisset, en face de la gare de Charleroi-Sud. Neuf autres prendront place dans le passage de la Bourse. Le tout sera finalisé quelques mois après l’ouverture du shopping, à la mi-2017. Parallèlement, les promoteurs de Rive Gauche ont entrepris des opérations d’acquisition pour créer deux ensembles de logements dans le quartier dit du Triangle. Ces deux projets représentent une quarantaine de logements prévus pour 2019, à la vente ou à la location.
Quid de l’immobilier plus haut de gamme ? » On n’en trouve pas – plus – à Charleroi-centre, avertit Vincent Michielsen. Les candidats acquéreurs les plus fortunés ont quitté les lieux il y a bien longtemps pour aller s’établir plus au sud, à Gerpinnes, Ham-sur-Heure, Nalinnes, Montigny-le-Tilleul, Mont-sur-Marchienne, etc. Des communes situées à cinq minutes en voiture du centre-ville, qui font la part belle aux maisons 4-façades avec jardin. » Les temps changent, pourtant, et un trajet en sens inverse est en train de s’opérer. » Aujourd’hui, une fois retraités, ces mêmes acquéreurs sont de plus en plus nombreux à souhaiter quitter leur grande villa pour un appartement dans le centre-ville. D’autres apprécient simplement la vie en ville. C’est là tout l’enjeu de l’avenir urbanistique de Charleroi « , conclut-il.
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