Christine Laurent
A chacun son bouc émissaire
LES PATRONS ? TOUS DES VOYOUS. LES SYNDICATS ?
Des jusqu’au-boutistes irresponsables ! On en a entendu des balles siffler en début de semaine ! Même les médias, « à la solde du pouvoir économique et politique en place » (à en croire certains représentants des travailleurs) en ont pris quelques-unes au passage. A chacun son bouc émissaire ! Une véritable rafale de clichés usés, de caricatures grossières et désuètes, hors du temps, dignes du XXe siècle quand le fossé idéologique entre la droite et la gauche avait atteint des profondeurs abyssales. Et qui n’a fait qu’aggraver l’agitation sociale tout en paralysant l’économie. Et pourtant. « Une grève qui ne fait pas exploser un gouvernement est une bombe sans effet », a affirmé ce week-end le président du SP.A, Bruno Tobback. Vu sous cet angle, nul doute que celle de lundi a bel et bien fait un flop. Les syndicats ont perdu leurs relais politiques. Même les Ecolos, pourtant dans l’opposition, se sont faits très discrets. Mais n’étaient-ils pas eux aussi, divisés sur la question ?
Aux dernières nouvelles, le gouvernement est donc toujours en place. Il n’a pas plié. Même si toute cette agitation fait vaciller le PS sur ses bases. Envers et contre tout, Di Rupo Ier poursuit sa quête pour trouver les 2 milliards indispensables pour boucler le budget 2012. « Pas d’austérité aveugle », clament les syndicats. Qui n’approuve pas ? Reste que la définition de cette austérité est loin d’être la même pour tous. Le gouvernement papillon ne reviendra plus sur les mesures déjà prévues et nul doute qu’il s’attaquera encore une fois aux recettes et aux dépenses. Car l’argent, il faudra bien aller le chercher quelque part. Du côté des niches fiscales par exemple. Pourquoi pas ? Un pactole de pas moins de 20 milliards, autant d’exonérations, d’abattements, de réductions qui plombent sérieusement le budget de l’Etat. Un domaine ultrasensible, véritable chasse gardée de tous les partis politiques. Une formule subtile et astucieuse pour séduire l’électeur en le caressant dans le sens de ses intérêts financiers. Hélas, hélas, la barque de ces cadeaux est désormais bien lourde, comme nous l’expliquons cette semaine dans nos colonnes, à tel point que le naufrage menace. Un véritable gaspillage des ressources budgétaires, accusent les experts. Et plus le filet comporte de mailles, plus les possibilités de s’y faufiler se multiplient.
Mais qui osera s’attaquer à ces sacro-saints acquis ? D’autant plus que bousculer cet équilibre, sans lui substituer un système transparent et plus juste, serait suicidaire. Délicat pour nos élus, très délicat. Alors il faut aller voir ailleurs. Du côté de l’index ? Peu probable, tant nos politiques (y compris de droite) craignent la déflagration que sa suspension, même partielle, susciterait au sein de l’opinion publique. Mais si l’on ne peut toucher à rien, c’est sûr qu’on n’est pas sorti de l’auberge. Des économies à court terme et une relance à long terme s’imposent. Et même si l’heure est aux élections sociales, ce ne sont pas les coups d’éclat permanents qui apporteront les solutions attendues par la population. Notre bien-être à tous et le souci de l’avenir de nos enfants demandent que les partenaires sociaux s’engagent dans une concertation constructive et sans tabous. Des pistes existent. Elles exigent certes du courage. Mais si les négociations s’enlisent à nouveau, nous serons repartis pour un nouveau tour de piste à haut risque. La suite, on la connaît, ce sera droit dans le mur.
CHRISTINE LAURENT
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