À Bruxelles, les Agences immobilières sociales manquent de logements
Les Agences immobilières sociales sont apparues en 1998 à Bruxelles, et leur succès va croissant. La Fédération des AIS bruxelloises (Fedais) lance aujourd’hui un appel : il manque 15 000 habitations pour loger les ménages inscrits sur les listes d’attente.
Jamais les Agences immobilières sociales (AIS) du pays n’ont affiché une aussi belle santé. Reconnues par les Régions dans les années 1990 (en 1993 en Wallonie, 1997 en Flandre et 1998 à Bruxelles), elles sont entrées dans la vingtaine en se targuant d’une croissance exceptionnelle de leur portefeuille de logements en location. Sur les plus de 21 500 biens qu’elles gèrent à travers le pays (quelque 6 000 en Wallonie, 10 000 en Flandre et 5 500 à Bruxelles), 6 500 ont été rentrés au cours de ces seules cinq dernières années, soit une hausse de 30 %. Rien qu’à Bruxelles, 750 biens ont rejoint le portefeuille des 23 AIS agréées en 2018 ; c’est plus du double des quotas habituels. Mais ce n’est pas assez. Les AIS bruxelloises lancent un appel aux propriétaires privés pour rallier plus de biens encore car la demande en logements abordables explose dans la capitale. Pas moins de 15 000 ménages sont inscrits sur les listes d’attente des agences, soit quasiment trois fois plus que la capacité de leur parc locatif – lequel est occupé à 100 %.
Ce sont surtout les familles nombreuses qui peinent à trouver à se loger
Parmi ces demandeurs, ce sont surtout les familles nombreuses qui peinent à trouver à se loger. » On nous confie quasi exclusivement des appartements en gestion, détaille Laurence Libon, coordinatrice de la Fedais, la Fédération des AIS bruxelloises. Ils composent 95 % de notre parc locatif. Parmi eux, la majorité (82 %) sont de petite taille : studios (22 %), appartements d’une (34 %) et deux chambres (26 %). Les grands logements, notamment ceux de quatre chambres et plus, sont minoritaires (7 %) et le délai d’attente se compte alors en années. » En ce qui concerne la répartition géographique, le portefeuille des AIS montre aussi des inégalités puisque ce sont surtout les communes de Molenbeek-Saint-Jean (14 % des biens mis en location), Schaerbeek (12 %), Anderlecht (11 %) et Bruxelles-Ville (10 %) qui y sont représentées. Pour des raisons historiques, avance-t-elle, puisque c’est là que se sont implantées les premières AIS de la capitale. Voire parce que ce sont des communes très denses, où le grand nombre de logements justifie cette plus forte pénétration. » Notre appel vise toutes les communes bruxelloises, pointe la coordinatrice. Dans un objectif de mixité sociale, aussi. »
20 à 30% en deçà du marché
Outre le fait de mettre sa petite pierre à l’édifice et de participer à l’accès au logement du plus grand nombre, confier son bien à une AIS présente de nombreux avantages. Le plus précieux étant une prise en charge totale du logement et de sa mise en location. C’est-à-dire la sélection du locataire, la signature du bail, la réalisation des états des lieux d’entrée et de sortie, le décompte annuel des charges, la supervision des petits travaux de réparation et d’entretien, etc. Mais aussi, le suivi du paiement du loyer et des charges et, surtout, le versement garanti de ceux-ci, même en cas de défaut de paiement du locataire ou de vide locatif. » Un service complet, sans tracas pour le propriétaire avec, en sus, la garantie d’un loyer qui tombe chaque mois et d’un bien entretenu en bon père de famille « , souligne Laurence Libon.
Revers de la médaille, le loyer perçu par l’intermédiaire de l’AIS, fixé d’un commun accord avec le propriétaire du bien, est de l’ordre de 20 à 30% moins élevé que ce que ce dernier pourrait obtenir sur le marché privé (voir notre calcul ci-contre). » Une moins-value néanmoins toute relative au regard des services et garanties offerts par les AIS « , insiste leur coordinatrice à Bruxelles. A moins de prendre le temps de s’en acquitter en personne, le propriétaire qui choisit de déléguer la gestion locative de son bien à un tiers (gestionnaire professionnel, agence immobilière…) doit en effet prévoir une commission de 6 à 10% prélevée sur le loyer. Et celle-ci n’inclut généralement pas le défaut de paiement ou le vide locatif.
D’autres atouts, et non des moindres, entrent également dans la balance et atténuent le manque à gagner : l’aide à la rénovation (le recours à l’AIS ouvre l’accès aux primes régionales à la rénovation et à l’énergie au meilleur taux indépendamment des revenus du propriétaire) ; l’exonération du précompte immobilier ; et la réduction de la TVA à 12 % pour toute acquisition d’un logement neuf ou pour tous travaux de rénovation menés dans un logement de moins de dix ans.
La gestion locative sous la loupe
Avec l’aide de la Fedais, Le Vif/L’Express a réalisé une mise en situation fictive (qui ne peut en aucun cas faire l’objet d’une généralisation, chaque loyer étant négocié entre le propriétaire et l’AIS au cas pas cas) des revenus sur lesquels tabler pour un logement inscrit dans la capitale. Et ce, d’une part en le louant sur le marché privé, de l’autre en ayant recours à une AIS. Dans cet exemple, le bien compte deux chambres et est en bon état général. Il nécessite toutefois une remise à niveau de l’installation électrique évaluée à 4 000 euros. Grâce aux primes régionales, 1 800 euros sont octroyés à son propriétaire s’il confie son bien à une AIS. Compte tenu de la gestion locative incluse et de l’exonération du précompte immobilier, le différentiel est d’environ 1 000 euros par an.
1. Sur le marché privé
– travaux : 4 000 euros
– précompte immobilier : 720 euros
– gestion locative : 900 euros (75 x 12)
– loyer : 9000 euros (750 x 12)
1ère année : 3 380 euros
années suivantes (hors indexation) : 7 380 euros
2. Via l’AIS
– travaux : 2 200 euros
– précompte immobilier : 0
– gestion locative : 0
– loyer : 6 300 euros (525 x 12)
1ère année : 4 100 euros
années suivantes (hors indexation) : 6 300 euros
Et en Wallonie ?
» Toutes proportions gardées, prévient d’emblée Alexandre Borsus, coordinateur de l’Uwais, l’Union wallonne des AIS, la situation en Wallonie est identique à celle de Bruxelles. Quelque 40 000 ménages sont en attente d’un logement accessible, soit social, soit géré par une AIS. » De même, les 32 AIS du sud du pays n’en couvrent pas tout le territoire puisque c’est surtout dans les provinces de Liège et de Hainaut qu’elles sont présentes (12 agences chacune). Par contre, en ce qui concerne les types de biens en pénurie, c’est l’inverse. » La pression est très forte sur les petits logements, de par le nombre croissant de personnes isolées précarisées et de familles monoparentales « , acquiesce- t-il. Côté loyer, le différentiel entre le prix du marché et celui pratiqué par une AIS grimpe à 25-35 %. » Cela tient au financement octroyé par les Régions « , justifie Alexandre Borsus. A Bruxelles, il était de presque seize millions d’euros en 2018 (+ deux millions par rapport à 2017), en Wallonie, il plafonne à un peu plus de sept millions d’euros (+ 830 000 euros). » Entre le loyer payé par le locataire et celui versé au propriétaire, il y a une différence qui est subsidiée à Bruxelles, poursuit-il. En Wallonie, nous n’avons pas les moyens de faire de même. »
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