À Bruxelles, le grand écart de l’enseignement
Certains quartiers se densifient, d’autres se gentrifient, certains voient exploser leur population jeune, d’autres celle des seniors… En matière d’enseignement et de soins de santé, le service n’est pas partout à la hauteur des besoins.
Certains quartiers n’ont pas d’école
A l’échelle de la région, les chiffres nous disent qu’il y a suffisamment de places dans les écoles primaires pour accueillir tous les enfants en âge de scolarité, soit une petite centaine de milliers d’enfants de 6 à 11 ans. A l’échelle des quartiers, il en va tout autrement. Cette question se pose moins pour les écoles secondaires, dont l’aire de recrutement est tellement large que la capacité d’accueil doit s’envisager au niveau des communes, voire au-delà des frontières régionales. Mais pour l’enseignement fondamental, où la notion de proximité est cruciale, il y a de solides poches de pénurie.
Au niveau régional, on compte en moyenne 1,1 place disponible par enfant (chiffres 2016-2017), ce qui est juste suffisant étant entendu que certaines places sont occupées par des élèves venus de la périphérie. C’est donc tendu partout. » En Région de Bruxelles-Capitale, le déficit récurrent en places amène les écoles à souvent fonctionner au maximum de leurs capacités, relèvent les démographes de l’Ibsa (Institut bruxellois de statistique et d’analyse). Si un quartier dispose de plus d’une place par enfant, les places surnuméraires sont en réalité occupées par des enfants d’autres quartiers. »
Cela n’étonnera personne, il y a (nettement) plus de marge dans les écoles de la moitié sud de la capitale : Saint- Michel, Fort-Jaco, Vivier d’Oie, Stockel, Porte de Tervueren… offrent une capacité quatre à cinq fois supérieure aux besoins locaux. Des quartiers situés à Uccle, Woluwe, Etterbeek… Mais la palme revient au Sablon, dans le Pentagone, avec huit fois plus de places que d’enfants dans les écoles de la Ville de Bruxelles situées dans le coin. A l’autre bout du spectre, on trouve des quartiers qui n’ont pas d’école du tout (Putdael, Gare de Schaerbeek, Reyers, Grand-Place…) et d’autres (Jourdan, Korenbeek, Brabant, Maritime, Basilique…) où la capacité d’accueil est comprise entre 0,2 et 0,7 – 0,2 signifiant cinq enfants dans le quartier pour une place d’école disponible.
La pression démographique est telle que l’offre scolaire n’est toujours pas répartie équitablement sur le territoire régional.
Ils sont majoritairement situés au nord et à l’ouest de la Région, à quelques exceptions près. On épinglera le quartier Bosnie, dans le bas de Saint-Gilles, où il n’existe aucune école pour près de 700 enfants en âge scolaire et où la densité de population est la plus forte de toute la Région, avec 38 300 habitants au km2. Ou celui de la Gare de l’Ouest à Molenbeek, non seulement l’un des plus défavorisés mais qui n’offre aussi qu’une centaine de places scolaires pour un millier d’enfants.
Auteures d’une étude sur le sujet, Morgane Van Laethem et Anne Franklin soulignent pourtant qu’entre 2010 et 2015, un réel effort a été? entrepris pour rencontrer la demande croissante, avec la création de près de 12 000 places dans l’enseignement fondamental et 1 200 dans le secondaire. » Malgré cela, la pression démographique est telle que l’offre scolaire n’est toujours pas répartie équitablement sur le territoire régional. » Ce sont à nouveaux les quartiers du croissant pauvre qui trinquent le plus et cela s’arrangera d’autant plus difficilement que ce sont également ceux qui connaissent le plus grand nombre de naissances…
Pas de pénurie de médecins, mais…
En matière de soins de santé, les médecins généralistes sont des acteurs cruciaux dès lors qu’ils oeuvrent en première ligne, même s’ils complètent un dispositif formé des hôpitaux et autres services d’intervention d’urgence. On estime en Belgique le seuil de pénurie à 90 médecins pour 100 000 habitants, soit 0,9 généraliste pour 1 000 personnes. En 2017, la Région en comptait 1 468 répartis en 956 » pratiques » (solo ou de groupe) sur tout son territoire. Soit un médecin pour 812 Bruxellois ou encore 1,23 pour 1 000 habitants – ce qui est théoriquement suffisant.
» La Région bruxelloise connaît une bonne répartition des pratiques de médecine générale, souligne l’Observatoire de la santé et du social de Bruxelles. Dans un rayon de 500 mètres, la plupart des Bruxellois ont le choix entre plusieurs médecins. En général, la densité des généralistes est plus grande là où la densité de population est la plus importante. » Au centre et autour du Pentagone, on trouve une concentration plus élevée de grandes pratiques regroupant plusieurs praticiens, alors qu’à la périphérie, les pratiques individuelles prédominent. En particulier dans les quartiers les plus riches du sud et du sud-est.
Si l’on rapporte tous ces chiffres au niveau des quartiers, on relève tout de même des risques de pénurie localisés. Certains (33 au total) se trouvent statistiquement sous le seuil de pénurie de 0,9 pour 1 000, sans qu’une tendance spatiale ne puisse être établie. C’est, par exemple, le cas du Vivier d’Oie à Uccle, des Etangs d’Ixelles, de Cureghem Rosée à Anderlecht, de Brabant à Saint-Josse ou des Villas à Ganshoren. Les quartiers les mieux fournis sont d’ailleurs tout aussi éclatés, entre Anneessens à Bruxelles-Ville (champion toutes catégories avec 3,25 médecins pour 1 000 habitants), Kapelleveld à Woluwe (3,09), Plasky à Schaerbeek (2,48) ou Watermael Centre (1,73), par exemple.
Mais en combinant différents scénarios (besoins de soins, structure par âges, etc.), une récente étude de l’Observatoire de la santé chiffre entre 41 et 67 le nombre de quartiers où existe une pénurie potentielle. Tout en précisant qu’il est scientifiquement difficile d’identifier les quartiers les plus exposés à ce risque, aujourd’hui mais aussi dans l’avenir. » Cependant, concluent les auteurs, si un renforcement des soins de première ligne est l’ambition, en combinaison avec le vieillissement des médecins et la vulnérabilité d’une part importante de la population bruxelloise, des efforts devront être consentis afin de motiver les généralistes à venir s’installer à Bruxelles. »
Réinventer une ville ouverte et intégrée dans les quartiers bordant la voie d’eau en misant sur la cohésion sociale, la mixité des fonctions et le renforcement économique… C’est l’ambitieux projet de la Région de Bruxelles-Capitale qui, d’ici à 2025, entend réhabiliter 700 ha de terrains sur 14 kilomètres de long. Pas moins de douze projets pilotes menés par des mastodontes de l’immobilier intégreront quelque 25 000 logements, écoles et crèches, hôtels et restaurants, commerces et espaces publics, passerelles reliant les deux rives, sans oublier l’essor du port de plaisance. Le nouveau quartier transversal à mobilité multimodale de la capitale ?
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