Joyce Azar
« À Anvers, les clés du pouvoir semblent se trouver dans les mains des partis extrêmes »
D’ici quelques mois, l’hôtel de ville d’Anvers disparaîtra. Le temps d’une profonde rénovation, le joyau architectural sera recouvert de bâches imposantes. Ses occupants, eux, devront quitter les lieux pour une durée de trois ans. A se demander donc si le bourgmestre, Bart De Wever, y remettra les pieds un jour. En octobre 2018, les électeurs de la métropole décideront de son sort.
En attendant, les partis flamands commencent déjà à déserter la rue de la Loi pour rejoindre la (grand-) place du village. Leur mission : renverser le géant de la N-VA. Tous le savent : une chute du plus grand parti de Belgique dans la ville la plus peuplée de Flandre aurait indéniablement des répercussions sur les scrutins régional et fédéral de 2019.
Depuis plusieurs semaines, les médias flamands évoquent des discussions stratégiques entre le SP.A et Groen. Pour contrer Bart De Wever, les partis socialiste et écologiste envisageraient de rassembler leurs forces, en envoyant un quatuor » de rêve » composé de deux femmes et deux hommes. La manoeuvre pourrait se révéler fructueuse : d’après les derniers sondages, la majorité N-VA – CD&V – OpenVLD serait menacée, alors que Groen doublerait quasiment son score. Une liste commune pourrait toutefois ne pas suffire. Dans cette perspective, un ralliement du PTB anversois constituerait une recette miracle, d’autant que le parti compte officiellement » profiter de l’effet Raoul Hedebouw « . Après avoir furtivement considéré la chose, le SP.A, comme les verts, ont toutefois préféré ne pas céder à la tentation. » Trop communistes « , nous dira- t-on. En vérité, une alliance avec la gauche radicale risquerait surtout d’engendrer une perte d’électeurs. Pour autant, le rejet d’une union préélectorale ne garantit pas l’absence d’une coalition, une fois les résultats connus.
Sur la rive droite, CD&V et Open VLD piétinent. A l’heure actuelle, la seule bonne nouvelle pour le ministre de l’Emploi Kris Peeters est d’avoir trouvé un domicile à Anvers. Pour le reste, rien ne laisse présager que l’homme fort des chrétiens-démocrates parviendra ne fût-ce qu’à faire osciller Bart De Wever. Les libéraux, eux, viennent péniblement de désigner leur tête de liste. Quasi inconnu du grand public, le secrétaire d’Etat Philippe De Backer semble peu capable de faire mieux qu’Annemie Turtelboom en 2012. Le Vlaams Belang, pour sa part, est déjà officiellement en campagne dans ce qui demeure son bastion. » Allah est grand, et De Wever est son prophète « , a martelé l’infréquentable Filip De Winter, réagissant sans doute aux promesses du maïeur d’Anvers de » ne jamais gouverner avec des extrémistes « . Jamais ? Si Bart De Wever venait à perdre sa majorité, il semble peu probable que la gauche accepterait de s’unir avec les nationalistes flamands, l’engagement pouvant lui coûter cher aux élections de 2019. Par ailleurs, le secrétaire d’Etat N-VA Theo Francken n’a-t-il pas fait miroiter une rupture du cordon sanitaire en cas de nécessité ? Accepter de gouverner avec l’extrême droite, dans certaines communes seulement, pourrait permettre au Vlaams Belang de revendiquer de monter au pouvoir dans un plus grand nombre de communes. Dont Anvers.
A Anvers, les clés du pouvoir semblent se trouver dans les mains des partis extrêmes. Si la gauche traditionnelle finit par s’allier au PTB, Bart De Wever pourrait y voir l’occasion de justifier un pacte avec l’extrême droite. Les électeurs, eux, ont encore un an et demi pour savoir si les acteurs politiques tiendront leurs belles paroles. De récents événements leur ont appris que rien n’est impossible.
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