3.500 euros de subside en échange d’une tête de liste: le troc de Carlo Di Antonio
L’an dernier, le ministre wallon de l’Environnement Carlo Di Antonio (CDH) a débloqué un petit subside à une chômeuse montoise, active dans le troc. Elle mènera une liste d’ouverture soutenue par le ministre… à Quaregnon, où elle s’est subitement domiciliée.
Une élection présidentielle, dit-on dans la mythologie gaullienne, est la rencontre d’un homme et d’un peuple. En Belgique, une élection communale, c’est surtout la rencontre des partis et de candidats. Ceux-là cherchent ceux-ci partout où ils le peuvent, scrutant dans la société civile ce mélange de notoriété et d’indépendance qui fait aujourd’hui tant défaut aux appareils partisans. A cet égard, le profil de la Montoise Lina Santolini est idéal. Si parfait même que plusieurs formations montoises l’ont sollicitée. Sur les rives de la Haine et de la Trouille, la rumeur évoque des contacts avec le CDH, avec Ecolo et avec le PS locaux. A Mons et dans l’arrondissement, Lina Santolini, encore sans emploi en septembre 2017, a accédé à une très méritée popularité lorsqu’elle a lancé, presque par hasard, un groupe Facebook consacré au troc, Troc Troc qui est là ?. La page anodine, mise en ligne en 2013 pour se délester de vêtements de trois jeunes enfants qui avaient grandi, est maintenant un groupe de près de dix mille membres où s’échangent chaque jour des dizaines » de biens et de services dans le respect des êtres humains et de la nature « , est-il écrit sur Facebook. Son domicile de la rue de Quaregnon, à Flénu, une ancienne commune du grand Mons, étant peu adapté à ce genre d’activités consommatrices d’espace, Lina Santolini a pu compter, grâce à une asbl montoise spécialisée dans l’accueil de l’enfance, depuis 2014, sur les locaux d’une ancienne école, à Jemappes, une autre ancienne commune du grand Mons où se croisèrent donc parfois plusieurs dizaines de troqueurs à la petite semaine. Ils étaient très nombreux également, en juin 2017, à l’école Saint-Ferdinand de Flénu, toujours à Mons, donc, où se tint une grande » Troc Party « .
Une activité innovante, durable et populaire, un fort ancrage local, et de la générosité à revendre : la personnalité de la Montoise ne pouvait qu’attirer l’attention de politiques montois, tout particulièrement dans un contexte municipal des plus tendus, marqué par la concurrence des listes et des candidats d’ouverture/ citoyens/casseurs de codes/bougeurs de lignes et on en passe.
Prime à la signature ?
Mais, comme dans les dernières heures d’un mercato qu’anime la surenchère entre managers, la surprise est venue de l’étranger. De Quaregnon, plus précisément. En passant par Dour. Et par une prime à la signature ?
A Quaregnon, commune socialiste de chez socialiste (65 % en 2012), les perspectives ne sont pas joyeuses pour les humanistes. Le seul conseiller communal CDH, Simon Ligas, a quitté le parti en 2015, et s’était fait élire, en 2012, sous un autre sigle. Et comme, en lien avec son président de parti, Carlo Di Antonio, le patron du CDH dans l’arrondissement de Mons-Borinage cherche à favoriser l’émergence de listes citoyennes en vue des prochaines élections communales, il a poussé au lancement de Quaregnon demain dans la cité de la charte socialiste. Et à faire déménager Lina Santolini ? La mère de cette dernière, il est vrai, y habite, au 184 de la rue de la Fonderie, où l’habitation disposait d’un garage assez spacieux pour y accueillir les séances de troc qui ont rendu Lina Santolini célèbre. Un subside ministériel wallon de 3 500 euros a été débloqué pour, justifie la ligne budgétaire, un » lancement de projet « , et attribué à Lina Santolini. En septembre 2017, elle constituait l’asbl Troc Troc qui est là ?, installée rue de la Fonderie, dont elle serait la présidente, et son compagnon secrétaire, les deux étant alors toujours domiciliés à Flénu. Sa trésorière, Marie-Anne Mathieu, figurera sur la liste Quaregnon demain, portée par Lina Santolini, largement soutenue par Carlo Di Antonio et annoncée en octobre 2017. Et, depuis janvier, c’est dans le garage rénové du domicile maternel de Quaregnon, et non plus dans l’une ou l’autre école de Mons, que se tiennent les » troc parties » de la protégée de Carlo Di Antonio, aujourd’hui officiellement habitant, elle aussi, le 184 de la rue de la Fonderie.
A Quaregnon, plusieurs (ex-)cadres du CDH s’allieront à Ecolo plutôt qu’à Quaregnon Demain
Bien entendu, Carlo Di Antonio conteste tout lien entre ce déménagement, ce subside et cette tête de liste. Il s’agit » d’insinuations malsaines « , a écrit la porte-parole du ministre, choquée, au Vif/L’Express. Elle ajoute qu’il n’a déboursé aucun euro de son patrimoine personnel pour aider Lina Santolini à financer son initiative de troc, ni à Mons ni à Quaregnon. Uniquement de l’argent public sur lequel il a la main, donc.
En attendant, le CDH quaregnonnais ne va pas vraiment mieux. La liste Quaregnon demain, que mènera donc Lina Santolini, a souffert de la défection de quelques humanistes historiques comme Salvatore Ligas et le président de la section locale, Patrick Brulard – d’abord pourtant chargé d’aider à l’atterrissage politique de Lina Santolini, puis, semble-t-il, en conflit avec celle-ci – qui se sont associés dans un cartel avec les écologistes.
Que son transfert en politique locale soit une réussite ou pas, Lina Santolini aura gagné cette année davantage que 3 500 euros et un déménagement. Elle a, pour un temps, trouvé de l’emploi, et a travaillé trois mois, à mi-temps, pour la SPA de La Louvière. Une institution qui a reçu 12 000 euros du ministre wallon du Bien-être animal en 2017. Sur son profil Facebook, la future tête de liste de Quaregnon demain se déclare également inspectrice à l’antenne SPA de Quaregnon. Celle-ci a reçu, en 2017, 8 000 euros du ministre wallon du Bien-être animal.
Lina Santolini nie « tout lien entre le subside obtenu et (son) engagement politique ». Il s’agit « d’insinuations malsaines », a-t-elle écrit, « choquée », au Vif/L’Express.
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