22 septembre 1998 : Semira Adamu, la mort d’une réfugiée
C’était une réfugiée comme tant d’autres. Jamais Semira Adamu n’aurait dû entrer dans l’histoire et devenir un symbole. Une icône. Seul un événement allait en décider autrement : sa mort.
Un polygame de 65 ans apparemment violent. Tel est le profil de l’homme auquel les parents de Semira ont destiné leur fille. Un homme dont la jeune femme de 20 ans ne veut pas. Décidée, elle quitte le Nigeria et gagne la Belgique. Mais ses demandes d’asile ne sont pas acceptées. En attendant d’être renvoyée en Afrique, Semira est contrainte de loger au 127bis, un centre fermé situé à Steenokkerzeel, à deux pas de l’aéroport de Zaventem. Une sorte de prison.
La jeune femme n’a aucune envie de retourner au Nigeria. Cinq tentatives d’expulsion échouent. Semira lutte contre les officiels chargés de la renvoyer autant que contre les conditions de sa détention. Déjà, elle devient la figure emblématique du combat que mènent diverses associations en faveur des sans-papiers et des droits de l’homme.
Le 22 septembre, un avion Sabena doit emmener Semira Adamu au Togo. Vu le profil de la « cliente », les grands moyens sont utilisés. Ses mains sont ligotées derrière le dos, ses pieds sont attachés. Surtout, un coussin est prévu. Lorsqu’elle entre dans l’appareil, la réfugiée est calme. Elle chantonne. La vidéo de l’expulsion se fait ensuite laconique. Pourquoi, soudainement, les trois gendarmes en charge de l’opération s’appuient-ils sur elle, lui enfonçant la tête sur les genoux et plaçant sa bouche dans le coussin ? La jeune femme est maintenue dans cette position durant de longues minutes. Le manque d’oxygène la plonge dans un coma dont elle ne reviendra pas.
L’événement ne demeure pas sans conséquences et provoque la démission du ministre socialiste flamand de l’Intérieur de l’époque, Louis Tobback. En 2003, les trois gendarmes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Au cours du procès, les dangers de la « technique du coussin » ainsi que le manque de formation des forces de l’ordre quant à son utilisation, sont mis en évidence. Les audiences font également apparaître les pressions de la hiérarchie : après les échecs du passé, il fallait que « cette expulsion soit la bonne ». Au final, les trois accompagnateurs écopent d’un an de prison avec sursis pour coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. L’officier en charge de l’opération prend, lui, 14 mois pour le même motif.
Autre conséquence : le lobbying en faveur des sans-papiers se radicalise. De plus en plus, la suppression des centres fermés, la fin des expulsions et l’attribution de papiers pour tous sont réclamées. Le politique est sous pression. Formé en 1999, le gouvernement arc-en-ciel de Guy Verhofstadt s’engage dans une vaste opération de régularisation. Mais sur le terrain, de graves dysfonctionnements perdurent. Entre 2000 et 2004, trois autres réfugiés meurent dans un centre de détention. Leurs cas seront moins médiatisés. Ils témoignent pourtant du climat de violence qui continue à entourer alors la gestion des réfugiés en Belgique.
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