2025, année cruciale pour l’armée belge
Départ massif de militaires à la retraite, gros achats de matériels dont les F-35, construction d’un futur grand QG à Evere et de deux nouvelles casernes en Hainaut et en Flandre orientale : l’amiral ostendais Michel Hofman, nouveau chef de la Défense, se voit comme un capitaine sur un bateau en pleine tempête.
Entré en fonction le 10 juillet, l’Ostendais Michel Hofman, chargé de piloter pendant quatre ans la « transformation » des Forces armées belges, a dévoilé son plan de bataille lors d’une première rencontre, au QG de l’armée, avec Le Vif et quelques confrères. Le nouveau patron de l’armée doit mettre en oeuvre la « Vision stratégique » qui dessine les contours de la Défense à l’horizon 2030. Premier défi : le recrutement, chaque année, de milliers de militaires – en particulier des techniciens – pour remplacer la génération des baby-boomers en fin de carrière. S’y ajoute la mise en service de nouveaux systèmes d’armes, dont 34 avions de combat F-35, 4 drones MQ-9B Sky Guardian, des blindés, des chasseurs de mines, des frégates.
Le Covid-19 complique tout
« Il est très rare qu’une entreprise remplace toutes ses lignes de production en même temps, remarque Michel Hofman. C’est un peu ce qui nous arrive avec nos capacités. Toutes subiront de profondes transformations dans les cinq à dix ans à venir. Cela se traduira par une réorganisation complète de nos structures et une recherche permanente d’équilibre entre nos différentes opérations. » La crise du coronavirus ajoute une couche de complexité à la manoeuvre, constate le patron de l’armée, qui se voit comme un capitaine sur un bateau en pleine tempête.
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Priorité à la cyber-capacité
Son premier souci sera de corriger, en coopération avec la nouvelle ministre de la Défense, la socialiste tournaisienne Ludivine Dedonder, les « incohérences et lacunes » de la Vision stratégique définie en 2016. L’armée belge devrait être dotée, vers 2025, d’une cinquième composante (en plus des composantes Terre, Air, Marine et médicale) dédiée aux activités dans le domaine cybernétique. La cyber-capacité, qui existe déjà au sein du Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS) de l’armée, serait donc considérablement renforcée. Encore faut-il réussir à recruter de nombreux cyber-spécialistes, or ils sont plus attirés par le secteur privé où ils sont mieux payés. L’armée veut aussi doter ses réseaux de communication de la 5G.
Être à la hauteur du partenariat stratégique
Pour la composante Terre, le partenariat stratégique CaMo (« Capacité motorisée ») avec la France prévoit la livraison, à partir de 2025, de 382 véhicules blindés légers multi-rôle de type Griffon et de 60 blindés de reconnaissance et de combat de type Jaguar. Faire de la Brigade motorisée belge un outil performant pour les trente prochaines années exige toutefois une réactivation de l’artillerie anti-aérienne, trois ans après sa disparition. Les capacités du génie belge devront également être réévaluées. « S’engager dans un partenariat stratégique, c’est aller au-delà du simple maintien de la paix, estime le patron de l’armée. Nous devons pouvoir participer à des missions de haute intensité, tout en assurant la sécurité du personnel en opération. »
Nous pourrions accueillir des techniciens issus du secteur aéronautique, qui est en crise à cause de la pandémie. Nous avons aussi des contacts avec l’Horeca
Remplacer les baby-boomers
D’ici à 2025, plus de 40 % de l’effectif de l’armée belge va partir à la retraite, dont une grande part des hauts gradés. L’armée belge doit recruter au moins 10 000 personnes ces prochaines années pour remplacer la génération des baby-boomers, nés avant 1965. Dès 2021, elle ouvrira 2 300 postes, soit 300 de plus que cette année, et engagera 150 civils. Mais, à voir les courbes d’évolution du personnel fournies par le chef de la Défense, le grand plongeon va se poursuivre jusqu’en 2025-2026. L’armée comptera alors à peine plus de de 19 000 miliaires. « Avec un effectif actuel de 21 000 militaires, de nombreux départements ont atteint le point de rupture, constate Michel Hofman. Des tâches et missions sont reportées ou supprimées. Nous parvenons à recruter, mais il faut équiper correctement ces jeunes et réussir à les garder au sein de nos composantes. Pour fonctionner sainement, il nous faudrait un effectif de 25 000 militaires. Nous allons tenter d’infléchir les courbes. Cela passe par le recrutement de personnels civils. Nous pourrions accueillir des techniciens issus du secteur aéronautique, qui est en crise à cause de la pandémie. Nous avons aussi des contacts avec l’Horeca. »
Un QG flambant neuf
Si 2025 est une année clé, c’est aussi parce qu’arriveront alors en Belgique les premiers chasseurs-bombardiers américains F-35, appelés à remplacer les F-16 atteints par la limite d’âge. Les bases aériennes de Florennes et de Kleine-Brogel devront être modernisées pour accueillir chacune 17 nouveaux avions. A Florennes, l’achèvement des travaux est prévu en 2024. Autre grand chantier : la construction d’un nouveau quartier-général de la Défense, à Evere. Le but est de remplacer la vingtaine de bâtiments existants par un ou deux grands immeubles, édifiés juste à côté des anciens locaux du siège de l’Otan. Le vente des terrains libérés – affectés à du logement, des bâtiments administratifs et une zone verte – permettra de financer ce futur QG. Il centralisera tous les départements, ce qui permettra de réduire les frais d’entretien et de sécurisation. « Nous finalisons le cahier des charges, indique Michel Hofman. L’appel d’offres sera lancé début 2021 et le début du chantier est prévu en 2022 ou 2023. »
Les nouvelles casernes
De même, deux nouvelles casernes seront construites, l’une en Hainaut – sans doute à Charleroi -, l’autre en Flandre orientale. « Ces quartiers militaires du futur s’inspireront du modèle d’écosystème développé à Ostende, explique l’amiral. Une cohabitation et des collaborations sont prévues entre les services de la Défense, des organismes de recherche, des universités et des entreprises. Le choix des localisations répond à un besoin de création d’emplois. Les deux provinces concernées étaient, en outre, devenues pour l’armée des déserts de recrutement ! Implanter des quartiers militaires renforce le lien entre l’armée et la nation. » On peut parler d’un surprenant revirement après des décennies de fermetures de casernes !
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