L'écrivain Michel Houellebecq. © Belga

2015 en 15 mots: Houellebecq (8/15)

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Publié le jour de l’attentat à Charlie Hebdo, Soumission, le dernier Houellebecq, imagine l’accession d’un leader musulman à la tête de la France. De quoi attiser un peu plus la polémique autour d’un auteur qui appuie là où ça fait mal.

On peut toujours compter sur Michel Houellebecq pour jeter de l’huile sur le feu des crispations identitaires. L’auteur des Particules élémentaires se défend pourtant d’être un provocateur. Tout juste concède-t-il un mépris pour notre époque – ses élites politiques, ses idéaux progressistes, ses réflexes bien-pensants et ses moeurs consuméristes – ainsi qu’un goût prononcé pour les hypothèses, héritage, dit-il, de sa longue fréquentation de la science-fiction.

A l’image de cette bombe satirique larguée en janvier et précédée de rumeurs sulfureuses qui met en scène l’accession en 2022 à l’Elysée d’un leader musulman, au terme du second mandat de Hollande. Une dystopie dérangeante – et même explosive dans le contexte des attentats de Charlie Hebdo – qui pourrait à première vue passer pour une nouvelle démonstration d’islamophobie sous la plume de celui qui a déclaré à l’époque que  » la religion la plus con, c’est quand même l’islam  » – des propos qui lui ont valu un procès en 2002, dont il sortira blanchi.

Ses détracteurs n’ont d’ailleurs pas manqué de dénoncer une dérive droitière, à commencer par le Premier ministre Manuel Valls, qui n’a pas caché son aversion pour sa peinture d’une France cédant au communautarisme. C’est faire toutefois peu de cas de tout le soubassement ironique du roman. Plus qu’à l’islam, dépeint sous un jour plutôt amène, c’est à la décadence de l’Occident que l’écrivain s’en prend surtout. Et ce à travers le cheminement intellectuel pavé d’opportunisme et de cynisme d’un universitaire rabougri – alter ego évident du romancier – tenté par les  » bienfaits  » de la religion musulmane faute de trouver dans sa propre besace culturelle judéo-chrétienne matière à enchanter sa triste existence.

Houellebecq soulève ici des questions essentielles, exacerbées par le climat de haute tension actuel. Avec Soumission, il peaufine son image de polémiste nostalgique. Non sans se réjouir de cette publicité, lui qui cultive une certaine forme de mégalomanie. La preuve en août dernier quand il attaque en justice Le Monde qui a eu l’outrecuidance de lui consacrer dans son dos une série d’été. Une tentative de censure qui dénote un côté soupe au lait, d’autant plus étonnant en l’espèce que le portrait en six épisodes à charge mais surtout à décharge signé Ariane Chemin, s’il relevait ses contradictions et pointait quelques casseroles, entretenait plus qu’il ne dissipait le mystère entourant ce dandy lettré et vaniteux.

De quoi cristalliser encore un peu plus les avis sur cette anguille littéraire. Chez Houellebecq, l’écrivain se confond avec le moraliste, la bête médiatique côtoie le misanthrope pince-sans-rire. Comme tous les prophètes du malheur, il se nourrit de nos faiblesses. Autant dire qu’il n’a pas écrit son dernier mot.

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