17 novembre 1964 : le jour où Léon Lambert se fit un prénom
L’OPA résonne comme un coup de tonnerre dans le ciel de la capitale. A l’époque, l’expression » offre publique d’achat » est encore pratiquement inconnue à Bruxelles. La pratique y est totalement inédite. C’est dire si l’attaque sur la Sofina marque les esprits. D’autant qu’elle est menée par un gamin à peine âgé de 36 ans. Un certain Léon Lambert.
Le jeune audacieux n’est pas n’importe qui. Il descend de Samuel Lambert, un juif originaire d’Alsace qui, au coeur du XIXe siècle, a débarqué à Anvers pour y ouvrir une agence de la banque Rothschild. Depuis, les Lambert se sont succédé, développant l’entreprise et traçant une lignée d’hommes qui comptent dans le petit establishment national. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la banque Lambert est un organisme sans doute fragile. Mais bien vite, elle s’impose comme une enseigne commerciale dynamique, relativement atypique dans l’univers bancaire traditionnel du pays.
Léon, lui, détonne quelque peu dans le paysage financier bruxellois. Alors que la Belgique a le Congo pour seul horizon, Lambert se distingue par son esprit international et ses idées larges. Grand admirateur des Etats-Unis, il s’est formé outre-Atlantique, mais aussi en Grande-Bretagne et à Genève. Et puis, c’est un ambitieux visionnaire, un génie financier. Et un partisan de la construction de grands ensembles.
C’est donc en novembre 1964 qu’il signe son premier fait d’armes. Sa cible ? La Sofina. Un holding particulièrement actif dans le secteur de l’énergie, en Belgique et davantage encore à l’étranger. Le groupe abrite aussi un bureau d’études employant plus d’une centaine de personnes. Lambert est le principal actionnaire connu de ce beau bijou, dans lequel le groupe Solvay-Janssen-Boël détient aussi une participation importante. Pour le reste, l’actionnariat est plutôt dispersé. Une proie plutôt tentante. Mais aussi facile donc…
L’objectif de Lambert est clair : accroître la voilure de son propre holding, diversifier son portefeuille et… devenir quelqu’un. Assurément, ce dernier objectif est atteint. Dans le petit monde de la finance bruxelloise, on ne parle plus que de lui. » Ce jeune baron, pour qui se prend-il ? A-t-on idée de mener pareille opération de sauvage ? »
Mais une erreur a été commise. Alors que la loi l’y contraint, Lambert a omis de prévenir la Commission bancaire. Un oubli administratif… qui coûte cher. Et permet à la cible de se redresser. Très vite, la Société Générale de Belgique rejoint les Boël et organise la riposte. Histoire de montrer que tous les coups ne sont pas permis. Et de protéger ses propres intérêts.
Le coup est rude pour Léon, qui doit digérer sa défaite. Sans doute profite-t-il de l’affaire pour effectuer une plus-value financière. Tel n’était pourtant pas son premier objectif. Battu en raison d’un détail technique, le visionnaire se sent humilié. Mais déjà, voilà qu’il fomente de nouveaux projets. Dans quelques années, il sera l’artisan de la fusion de son groupe avec le groupe de Launoit. Le Groupe Bruxelles Lambert verra alors le jour. En même temps que la banque du même nom.
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