16% de professeures ordinaires à l’Université: l’Excellence a-t-elle un genre ?
L’Excellence aurait-elle un genre ? A voir l’évolution de la présence des femmes au sein de la carrière académique, on en viendrait presque à se poser la question… En effet, si elles représentent 49% des assistant(e)s dans les Universités francophones, les femmes n’y atteignent plus que 32% des effectifs au niveau des chargé(e) de cours et on n’en compte plus que 16% parmi les professeur(e)s ordinaires.
Les femmes sont-elles les égales des hommes dans les procédures de nomination et de promotion ? Quels sont les ressentis féminin et masculin à cet égard ? Le Centre de psychologie du travail et de la consommation de l’ULB, au sein de la faculté des Sciences psychologiques et de l’Education de cette Université, a mené une enquête sur la notion d’Excellence, cofinancée par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Objectif : identifier, à l’aide d’un questionnaire en ligne, la perception des scientifiques face au discours d’Excellence. Mille trois cents personnes ont répondu.
A l’Université, l’Excellence est définie en fonction de trois missions, ont expliqué, lors d’une présentation aux députés francophones, Valérie De Cock, auteure de l’étude avec Caroline Closon : la recherche, l’enseignement et le service à la communauté.
« Le syndrome de l’imposteur »
« On observe que plus d’hommes que de femmes postulent, se mettent en avant, investissent fortement leur sphère professionnelle, soulignent les auteures, les femmes ressentent davantage le ‘syndrome de l’imposteur’ que les hommes et, par conséquent, osent moins, alors que les hommes ont plutôt le sentiment que rien ne peut les arrêter. »
Quelques chiffres tirés de l’enquête. Sur les 400 femmes qui ont obtenu une bourse de doctorat, 82% affirment souhaiter poursuivre leur carrière professionnelle à l’Université mais seulement 24% d’entre elles disent qu’elles déposeront un dossier de candidature, première étape, pourtant, de l’évolution de leur carrière. Alors que les hommes sont 90% à souhaiter poursuivre leur carrière à l’Université et 34% à oser déposer un dossier de candidature. « Il s’agit bien là d’un phénomène d’autocensure, concluent Mme De Cock et Closon, puisque c’est la femme elle-même qui décide de ne pas postuler. »
« Un tiers de femmes au moins dans les comités de sélection »
Des divergences apparaissent entre les hommes et les femmes lorsqu’il s’agit de prendre en compte les critères importants dans les procédures de nomination et de promotion.
« Les femmes, précise Valérie De Cock, valorisent légèrement plus l’enseignement et les hommes les critères quantitatifs de la recherche (nombre de publications et citations, etc). » Or, ce sont bien ces derniers critères, constatent les auteures, qui seraient, selon les hommes et les femmes interrogées, actuellement pris en compte par les autorités académiques, au détriment de la qualité de la recherche, de l’enseignement et du service à la communauté. »
Les participant(e)s à l’enquête ont également dû évaluer les niveaux de sexisme et de discrimination régnant dans leur Université. Victime ou témoin dans leur carrière professionnelle ? « 45% des femmes disent ‘oui’, pour 20% des hommes », enchaîne Caroline Closon.
Les chercheuses ont alors analysé les éléments de la sphère privée qui pourraient expliquer l’évaporation de la présence des femmes aux échelons supérieurs de la carrière. « Bien que les répondant(e)s scientifiques et académiques soient issu(e)s de milieux assez éduqués, les résultats de l’enquête sur la répartition des tâches domestiques s’avèrent très stéréotypés. » Les charges incombent largement aux femmes. « La moitié des femmes ont reconnu que cela avait une influence négative sur leur vie professionnelle, tandis que 33% des hommes reconnaissaient que cette répartition favorisait leur propre performance au travail. »
Quant aux remèdes prônés pour améliorer la présence des femmes aux degrés supérieurs de la carrière, une mesure fait l’unanimité parmi les hommes et les femmes interrogés : exiger que les comités de sélection comprennent au moins un tiers de femmes. La question des quotas, pour sa part, a été catégoriquement rejetée par les unes et les autres.
Michelle Lamensch
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