110.000 bébés en 2023 : pourquoi la Belgique n’a plus connu aussi peu de naissances depuis la Seconde Guerre mondiale
L’année dernière, la Belgique a enregistré 110.198 naissances, le chiffre le plus faible depuis 1942. Au-delà du nombre absolu de naissances, le taux de fécondité est aussi en baisse. « Aucune mesure politique ne pourra booster véritablement ces chiffres », prédit un démographe. Explications.
Les cigognes passent le bec vide, les choux et roses ne contiennent rien. Où sont donc passés les bébés ? En Belgique, l’an dernier, le nombre total de naissances enregistrées a à nouveau chuté, à 110.198, en recul de 4,7% par rapport à la période 2019-2022, dévoile Statbel, l’office belge de statistiques. Il faut remonter à 1942 pour trouver un nombre total aussi peu élevé.
Les naissances diminuent dans toutes les régions, dans des intensités diverses: -2,4% en Flandre, -5,7% en Wallonie et -11,4% en Région de Bruxelles-Capitale, toujours par rapport à la période de référence 2019-2022.
Le nombre de décès élevés l’an dernier, plus de 111.000, associé aux naissances en baisse quasi continue depuis 2010, se traduit par un solde naturel négatif en Belgique. La population a donc diminué de ce point de vue, en 2023. C’était déjà le cas en 2022 et en 2020, en pleine crise du coronavirus.
Si la population belge augmente pourtant toujours, elle le doit à un solde migratoire encore largement positif (+66.000), soit plus de personnes qui migrent vers la Belgique que de personnes s’expatriant.
Sans un solde migratoire positif, la Belgique pourrait se dépeupler
Thierry Eggerickx
directeur de recherche au FNRS et professeur de démographie à l’UCLouvain
Des données qui sonnent comme un refrain connu pour Thierry Eggerickx, directeur de recherche au FNRS et professeur de démographie à l’UCLouvain. «Ce phénomène est commun à de nombreux pays occidentaux, observe-t-il. La croissance naturelle y devient négative et c’est uniquement l’immigration qui soutient l’augmentation du nombre d’habitants. Sans cela, la Belgique, comme d’autres pays, pourrait se dépeupler tout simplement».
Plus d’inquiétude sur le taux de fécondité
Plus que le chiffre absolu du nombre de bébés nés l’an passé, le taux de fécondité est scruté avec attention. Ce rapport entre le nombre de naissances et de femmes en âge de procréer affiche, lui aussi, une diminution. L’indice conjoncturel de fécondité est retombé à 1,47 enfant par femme, pointe Statbel.
«Pour renouveler naturellement une population, qu’elle soit stable dans le temps en dehors de tout autre mouvement de population, il faut une moyenne de 2,1 enfants par femme. La Belgique se trouve en-dessous de ce seuil de renouvellement depuis le début des années 1970. Nous avions déjà connu des taux de fécondité proche de 1,5 enfant par femme à d’autres périodes, notamment dans les années 1980. Un petit rebond s’est produit avec un niveau de 1,8 enfant il y a une quinzaine d’années, mais la diminution est continue depuis», détaille Thierry Eggerickx.
Pour expliquer cette diminution, plusieurs raisons. «En premier lieu, il y a des facteurs conjoncturels. Les crises successives par exemple, repensons à celle financière de 2008, la période Covid, la crise environnementale etc. Toutes les instabilités et inquiétudes ne poussent pas les couples à avoir des enfants. Ce phénomène a été observé fréquemment au cours de l’histoire : toutes les périodes de crises conduisent à une diminution du nombre de naissances et une baisse de la fécondité», explique le démographe.
La second facteur raconte lui l’évolution de la société. «Structurellement parlant, en Belgique comme dans la plupart des pays occidentaux, la baisse de la fécondité se marque depuis la fin du XIXe siècle. Avant 1880, la moyenne s’établissait à 4,5 enfants par femme. L’enfant à l’époque faisait partie des stratégies d’accumulation du capital au niveau des familles, car il pouvait travailler. L’enfant était source de richesse, notamment dans les bassins industriels, comme ceux qui se sont développés en Wallonie. Puis l’évolution sociétale a fait bouger les choses : la fin du travail des enfants, l’accès des femmes au marché du travail qui s’est amplifié après la Seconde Guerre mondiale, sans parler du développement des moyens contraceptifs modernes. Ce sont toutes une série de facteurs qui concourent à ce que les couples finissent par limiter leur descendance».
Le politique n’a que peu d’influence face aux facteurs structurels et conjoncturels
Thierry Eggerickx
Si aujourd’hui, les chiffres diminuent, il est illusoire de croire qu’il existe 450 solutions miracles pour les faire remonter, estime le professeur. «En réalité, aucune mesure ou décision ne fera retrouver les niveaux d’autrefois. Le politique n’a que peu d’influence face aux facteurs structurels et conjoncturels. La natalité appartient au couple, qui est, in fine, le dernier à décider s’il veut des enfants, combien et quand.»
Le vrai point d’attention démographique se trouve plutôt au niveau du vieillissement de la population. Car la diminution du nombre de naissances entraînera dans plusieurs dizaines d’années une réduction de la population active, en âge de travailler. Ce qui posera toute une série de défis pour le maintien du système de sécurité sociale, du financement des soins de santé et des pensions.
Maintenir une population active assez importante sera donc probablement plus réaliste et réalisable, pour garder le système belge à flot.
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