Depuis 2021, la Dacia Sandero est chaque année la voiture la plus vendue en Wallonie. © PHOTOPQR/VOIX DU NORD/MATTHIEU BOTTE

Pourquoi la Dacia Sandero est la voiture n°1 en Wallonie (mais pas en Flandre ni à Bruxelles)

L’essentiel

• La Dacia Sandero est la voiture la plus vendue en Wallonie depuis 2021.
• Son succès s’explique par son prix abordable, sa simplicité et son efficacité, répondant aux attentes de la plupart des automobilistes.
• En Flandre et à Bruxelles, toutefois, la Sandero est moins populaire.
• La mentalité plus proche de la culture française en Wallonie, l’influence des médias français et le goût moins prononcé pour le luxe expliqueraient cette différence.
• L’électrification croissante du parc automobile pourrait cependant menacer la domination de la Sandero.

Depuis 2021, la Dacia Sandero est chaque année la voiture la plus vendue en Wallonie. Et il y a fort à parier qu’elle conservera son trône en 2024. La recette ne fonctionne pas aussi bien à Bruxelles et en Flandre. Explications.

Fin juillet, la FEBIAC, la fédération de l’automobile et du cycle, a publié les chiffres des immatriculations des voitures neuves en Belgique pour le premier semestre de 2024. Un constat frappant en Wallonie : la Dacia Sandero écrase la concurrence, avec plus du double d’unités écoulées (4.348) par rapport à sa dauphine, la Citroën C3. Des ventes impressionnantes qui lui permettent presque de briguer la première place à l’échelle nationale, où seule la BMW X1 fait mieux.

La recette ? «Une voiture qui répond à ce que demande le marché, répond Karl Schuybroek, directeur de la communication chez Renault Belux. Elle est efficace, abordable et sans fioriture, ce qui correspond à ce qu’attendent la plupart des automobilistes.»

Pourtant, lors de son lancement en Europe de l’ouest au début du siècle, Dacia ne jouissait pas de la meilleure des réputations. Les petits prix du constructeur roumain laissaient planer des doutes sur la fiabilité de ses modèles. Ce qui ne l’a pas empêché de rapidement trouver son public. «Initialement, Dacia s’adressait surtout aux personnes qui n’achetaient que des voitures d’occasion, rappelle Karl Schuybroek. On leur proposait d’acquérir pour le même prix un véhicule neuf avec une garantie de trois ans ou 100.000 kilomètres.»

En 20 ans, Dacia a évolué et a réussi à faire disparaître les a priori. «Elle livre désormais des véhicules matures, agréables à conduire et au design séduisant, constate Ronny Van Gerwen, directeur leasing chez Eurotax/Autovista Group, une société d’analyse du marché de l’automobile. Ses véhicules ne sont plus des « brols pas chers’ » Ce sont de bons produits pour tous

«La Sandero intéresse tout particulièrement les jeunes adultes et les familles qui ont besoin d’un véhicule spacieux adapté à une utilisation quotidienne, explique Steve Mestdagh, de Testachats. Plus globalement, elle touche les personnes adeptes de la praticité et soucieuses des coûts d’entretien. Elles savent que cette voiture est économique à l’usage et qu’elle leur coûtera peu sur le long terme.» Des clients potentiels très nombreux, les automobilistes belges plaçant le prix comme le deuxième critère le plus déterminant lors d’un achat.

Ronny Van Gerwen pointe un autre élément: la concurrence s’est affaiblie. « Il ne reste que très peu d’acteurs sous la barre des 20.000 euros, relève l’analyste. Les Ford Fiesta, Citroën C1 et autres Peugeot 107, c’est fini. Quant à la VW Polo et à la Renault Clio, elles sont aujourd’hui bien plus chères. Trop chères, d’ailleurs.»

La citadine du groupe Renault assoit sa domination bien au-delà des frontières wallonnes. Lors des six premiers mois de l’année, elle a été le modèle le plus vendu à travers les 28 pays européens étudiés par JATO Dynamics: 143.596 unités écoulées entre janvier et juin. Mais si elle est numéro un en Wallonie, la Dacia Sandero ne se situe qu’à la 8e place en Flandre (3.312 unités vendues au premier semestre) et à la 18e à Bruxelles (396 unités vendues).

«Les Wallons disposent globalement de moyens financiers plus faibles. Ils vont donc plus souvent se tourner vers des voitures moins chères», cadre Guillaume Vermeylen, chargé de cours en Economie à l’UMons.

Les modèles de voiture les plus vendus dans les trois régions belges au premier semestre 2024. © (FEBIAC)

Mais le pouvoir d’achat n’explique pas tout. Car à Bruxelles et en Flandre, la championne est le SUV entrée de gamme de BMW: la X1. Avec des prix démarrant à 42.440 euros, elle évolue dans une tout autre catégorie que la Sandero et son tarif de base à 11.990 euros. Certes, le pouvoir d’achat des Wallons est plus faible. Mais pas à un tel point.

C’est en détricotant les chiffres de la FEBIAC que le mystère s’éclaircit. «En réalité, la Sandero est aussi la voiture préférée des Flamands et des Bruxellois, explique Michel Martens, directeur du Centre de connaissances de la FEBIAC. Elle y est n°1 si l’on ne tient compte que des ventes auprès des particuliers. Par contre, elle n’est pas du tout plébiscitée par les professionnels et les sociétés de leasing, ce qui explique qu’elle se retrouve plus bas dans le classement général de ces deux régions.»

En effet, il y a bien plus de voitures de société en Flandre et la plupart des entreprises de leasing sont établies dans la capitale. Sujet clos? Pas tout à fait. «Le fief belge de la Dacia Sandero se situe quand même bien en Wallonie, car l’avance qu’elle compte sur la concurrence en Flandre et à Bruxelles est moins impressionnante», complète Michel Martens.

La mentalité consistant à vouloir ‘se montrer’ avec sa voiture est bien plus présente en Flandre et à Bruxelles

Ronny Van Gerwen, Directeur Leasing chez Eurotax/Autovista Group

Il faut dire que les Wallons sont plus proches de la culture française. «Les racines Renault de Dacia sont sans aucun doute un facteur déterminant», soulève Steve Mestdagh (Testchats). Les Belges francophones consomment beaucoup de médias français, ce qui les expose davantage à la publicité pour la Sandero produite outre-Quiévrain.

En outre, les Wallons auraient moins le goût du luxe. «Rouler en Sandero n’est pas dévalorisant… sauf si on tient à ‘se montrer’ et que la voiture est avant tout considérée comme une ‘carte de visite sociale’. Or, c’est une mentalité beaucoup plus présente en Flandre et à Bruxelles», épingle Ronny Van Gerwen (Eurotax).

Guillaume Vermeylen (UMons) soulève un autre point crucial: l’électrification du parc automobile. «Actuellement, les VE percent bien plus vite en Flandre qu’en Wallonie, souligne l’économiste. Les particuliers peuvent y profiter d’une prime de 5.000 euros à l’achat d’une voiture électrique neuve. Parallèlement, les entreprises et sociétés de leasing sont elles aussi poussées à se tourner vers des véhicules ‘propres’.» La Sandero n’étant pas (encore) proposée en version électrique, elle fait moins de ravages de l’autre côté de la frontière linguistique.

L’économiste ajoute que l’attrait des Flamands pour les véhicules électriques n’est pas uniquement lié à ces incitants financiers. «Le réseau de recharge y est plus développé, note-t-il. Mais même si la Wallonie avance aussi, elle aura du mal à pallier un handicap plus structurel: son paysage immobilier. Elle dispose de moins de maisons quatre façades, qui facilitent l’installation de bornes à domicile.»

Par la force des choses, le parc automobile wallon finira quand même tôt ou tard par virer lui aussi à l’électrique. De quoi causer du tort à Dacia et à sa Sandero? Pas inévitablement, selon Guillaume Vermeylen.

«Si Dacia conserve son créneau et propose une petite VE abordable, ça peut très bien fonctionner, estime l’économiste. Avec un tel modèle, elle pourrait même avoir encore plus de succès à Bruxelles, où circuler avec un gros véhicule devient de moins en moins aisé.»

Dacia a déjà annoncé que sa prochaine Sandero sera disponible en version électrique. «Elle sera lancée d’ici quelques années, rapporte Karl Schuybroek. Mais il est encore trop tôt pour évoquer un prix.»

Le constructeur roumain se prépare à faire face à un défi encore plus important. Devenir n°1 est une chose, le rester en plein bouleversement du marché de l’automobile en est une autre.

D’autant plus que Guillaume Vermeylen (UMons) pointe une tendance à surveiller de près. «Depuis quelques années, Dacia met davantage l’accent sur le design et la technologie, ce qui lui permet d’élargir son public cible. Mais ça tend aussi à faire grimper les prix. Aujourd’hui, je ne suis plus si sûr que l’on puisse considérer Dacia comme une marque très bon marché. Elle a assurément un coup à jouer avec le passage à l’électrique, mais elle a sans doute intérêt à rester dans ce qu’elle sait faire de mieux», estime l’économiste.

Le challenge s’annonce d’autant plus ardu que la Sandero va voir la concurrence reprendre du poil de la bête. «On attend avec impatience les nouvelles Citroën C3 et Fiat Panda. Certaines marques traditionnelles vont enfin revenir dans cette niche… sans oublier l’arrivée des marques chinoises», conclut Ronny Van Gerwen (Eurotax).

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