Calculateur: voici comment votre conduite influence votre consommation de carburant
A véhicule et parcours identique, l’écoconduite permet d’économiser plusieurs centaines d’euros par an en carburant. Voici ce qui tire la consommation vers le haut et vers le bas.
Cet été, près de 30% des Belges comptent partir en vacances en voiture, selon le récent «Baromètre des vacances» d’Europ Assistance –45% des 65% de vacanciers plus exactement, derrière l’avion (48%) et devant le train (12%). Tous les automobilistes savent, au fond, qu’ils consommeront davantage en cas de bouchons, en surchargeant leur voiture ou en réaccélérant régulièrement. Mais quel sera l’effet global de leurs petites habitudes de conduite? Sur quels éléments ont-ils vraiment la main, et dans quelle mesure peuvent-ils espérer une économie substantielle de carburant et une réduction d’émissions de CO2 en adoptant certains automatismes?
La réponse est complexe, puisque de nombreux paramètres leur échappent: il y a le trafic bien sûr, mais aussi la température extérieure (un moteur thermique consomme davantage quand il fait froid), le relief de la route ou encore le comportement des autres conducteurs. Malgré ces impondérables, les longs parcours se prêtent à un autoexamen des habitudes au volant, ne serait-ce que sur les segments fluides. Pouvait-on alléger la charge embarquée avant le départ? Les pneus sont-ils suffisamment gonflés au regard de celle-ci? Faut-il nécessairement 19 degrés dans l’habitacle s’il fait 30 degrés à l’extérieur? Pour les voitures à boîte manuelle, le rapport de vitesse est-il bien effectué dans une fenêtre comprise entre 1.800 et 2.500 tours/minute? Faut-il nécessairement rouler à la vitesse maximale sur les autoroutes?
Qu’est-ce que l’écoconduite?
Ces questions renvoient aux préceptes de base de l’écoconduite. «On peut la définir comme un ensemble de comportements liés aussi bien à l’entretien du véhicule, la planification des trajets que la conduite en elle-même», commente Guillaume Saint Pierre, responsable adjoint de l’équipe de recherche «systèmes de transports intelligents» au Cerema, le Centre français d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. En pente, à l’approche d’un ralentissement, dans un virage… Pour un conducteur, il s’agit donc d’adapter sa conduite en fonction des circonstances, dans le but d’optimiser la consommation de carburant du véhicule. La plupart du temps, l’écoconduite s’avère en outre bénéfique en matière de sécurité et d’émissions de CO2. «Mais pour la pollution, le lien est moins évident, nuance l’expert. Concernant les émissions de particules fines, par exemple, on constate que l’entretien du véhicule, à commencer par les plaquettes de frein, les pneus, ou le pot d’échappement, joue un rôle plus important, même s’il importe dans tous les cas d’éviter les accélérations ou les freinages trop brusques, en particulier avec un moteur froid.»
«Les bénéfices qu’on peut raisonnablement espérer d’une écoconduite sont de l’ordre de 5%, voire un peu moins.»
Guillaume Saint Pierre
Responsable adjoint de l’équipe de recherche «systèmes de transports intelligents» au Cerema (France).
Depuis des décennies, des études en situation réelle (ou naturalistic driving, en anglais) documentent les multiples bienfaits de l’écoconduite ou de certaines sous-thématiques telle que la climatisation, l’usure des pneus ou le régulateur de vitesse. Cependant, les ordres de grandeur varient fortement selon la source. «Beaucoup d’études proviennent de constructeurs automobiles ou d’industriels, qui ont tendance à enjoliver les résultats», indique Guillaume Saint Pierre. Il n’est effectivement pas rare de croiser des articles évoquant des gains de 30% à 40% par rapport à une conduite dite «normale». Plus largement, il est difficile d’estimer des effets qui dépendent à la fois du type de véhicule, du conducteur et des circonstances du trajet, d’autant que les pourcentages ne s’additionnent pas toujours.
En s’appuyant sur des études de référence en la matière, comme le projet européen ecoDriver, achevé en 2016, Guillaume Saint Pierre avance une estimation plus réaliste: «Les bénéfices qu’on peut raisonnablement espérer d’une écoconduite sont de l’ordre de 5%, voire un peu moins. Evidemment, si l’on forme en ce sens une personne qui conduit habituellement de manière très sportive, le gain atteindra facilement 15%, mais c’est parce qu’elle vient de loin.» En considérant qu’un conducteur moyen n’est ni parfait ni un fou du volant, une écoconduite proche de la perfection et associée à une réduction de la vitesse sur les grands axes peut théoriquement aboutir à une réduction de 10% de la consommation en fonction de ce scénario de référence. Inversement, une conduite très agressive ou hors norme (notamment quand on part en vacances avec un véhicule particulièrement chargé) entraînera une hausse de 20%.
Lors d’un trajet de 1.000 kilomètres, le coût en carburant variera de plusieurs dizaines d’euros selon les habitudes de conduite ou l’équipement du véhicule. Sur une année entière, à véhicule et kilométrage identiques, la différence entre une conduite économe et énergivore se chiffrera même en centaines d’euros.
Les priorités à la conduite
Plusieurs études ordonnent les facteurs les plus décisifs de l’écoconduite. «Le plus important est la fréquence et l’intensité des accélérations et décélérations», relève l’expert du Cerema. Selon l’Agence française de la transition écologique (Ademe), une conduite évitant au maximum les à-coups, singulièrement en ville, permet d’économiser jusqu’à 20% de carburant par rapport à une conduite plus agressive. Sur les grands axes, le gain sera plus limité, puisque la vitesse y est, en principe, plus constante. Les accélérations et freinages trop brusques sont non seulement mauvais pour le portefeuille mais aussi pour la santé collective, puisqu’une telle conduite sollicite davantage les pneus et les plaquettes de frein, soit deux sources majeures d’émissions de particules fines.
Sur les autoroutes, la réduction de la vitesse fait l’objet de débats intenses dans plusieurs pays européens, mais s’avère bénéfique sur le plan de la consommation de carburant et de la sécurité routière. «Il n’y a pas toujours une corrélation avec le nombre d’accidents, mais plutôt avec leur gravité», précise Guillaume Saint Pierre. D’après l’asbl Ecoconso, diminuer sa vitesse de 10 km/h sur une autoroute permettrait d’économiser, en moyenne, un litre par 100 kilomètres. L’Ademe avance une fourchette plus prudente, de -0,7 à -0,9 litre sur cette même base. De son côté, l’émission «On n’est pas des pigeons» a effectué un test sur 115 kilomètres d’autoroute, à 120 km/h puis à 100 km/h. Verdict: le véhicule a consommé 20% de moins à 100 km/h. Comme le précise la littérature scientifique, la plage optimale de consommation d’un véhicule thermique est comprise, selon le modèle, entre 50 km/h et 90 km/h. Au-delà, celle-ci repart à la hausse.
Concernant la charge du véhicule, plusieurs acteurs de référence font état d’une surconsommation de 5% par 100 kilos supplémentaires dans l’habitacle. Là encore, tout dépend du modèle –plus il est grand, plus ce pourcentage sera faible– et de la vitesse. De même, les coffres de toit entraîneraient une surconsommation d’environ 18%, selon la moyenne de tests menés par Touring sur dix modèles. Le recours à la climatisation n’est pas non plus négligeable: en fonction du différentiel de température avec l’extérieur, elle peut générer une consommation additionnelle de 1% à 7%, estime l’Ademe. Quant aux véhicules électriques, ils consommeront aussi davantage en hiver, vu l’énergie nécessaire au chauffage de l’habitacle et aux propriétés de la batterie, qui fonctionne de manière optimale à 20 degrés. Enfin, il est conseillé de couper le contact (ou d’activer la fonction start-stop) quand la voiture est à l’arrêt pendant au moins dix secondes.
Les priorités à l’entretien
L’examen fréquent du véhicule est tout aussi important que la conduite. Ainsi, concernant les pneus, «un sous-gonflage de 0,3 bar entraîne 1,2% de consommation en plus, et deux fois plus s’il est de 0,5 bar, renseigne l’Ademe. Pour partir en vacances (long trajet, voiture chargée), il faut les gonfler davantage, de 0,2 à 0,3 bar.» Par ailleurs, un filtre à air ou à huile encrassé générerait une surconsommation d’environ 3%. L’entretien du véhicule jouerait un rôle encore plus important pour les modèles électriques, comparativement plus lourds.
La différence entre la consommation de carburant réelle et annoncée est au cœur d’un récent bilan européen en la matière (voir le tableau ci-dessous). Depuis 2017, la norme WLTP (pour Worldwide harmonised Light vehicle Test Procedure) a remplacé celle qu’on appelait NEDC. Mais malgré un bond qualitatif, la plus récente procédure, effectuée en laboratoire, sous-estimerait encore la consommation d’environ 20% pour les voitures à moteur thermique. Pour les véhicules plug-in hybrides, la différence entre la théorie et la pratique atteindrait même 250%, car la plupart des usagers ne rechargent pas suffisamment la batterie électrique. Résultat: l’Europe veut doubler les émissions annoncées de CO2 de ces motorisations dès 2025, et les tripler en 2027, ce qui aura inévitablement une incidence fiscale.
La majorité des experts en mobilité rappellent que la logique d’atténuation, sous-jacente à l’écoconduite et à l’électrification, ne suffira pas à contrecarrer les tendances climatiques et environnementales. D’où ces nécessaires priorités: se déplacer moins, moins loin ou autrement qu’en avion ou en voiture, lorsque c’est envisageable.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici