799 nouvelles Ferrari en 2025, déjà toutes vendues: comment expliquer le succès fou des marques de luxe

Les succès des marques automobiles de prestige reflètent un marché en pleine croissance, poussé par une nouvelle génération d’ultrariches. Mais il leur reste à négocier le délicat virage vers le tout électrique.

Même si, comme le clame fièrement son site web, la F80 «est une voiture venant du futur», Ferrari peut se réjouir de ses ventes dès aujourd’hui. A l’automne, la marque au cheval cabré annonçait ainsi la commercialisation de ce nouveau bolide surpuissant – 1.200 chevaux et un passage aux 100 km/h en 2,15 secondes – sous la forme d’une série limitée.

Les acquéreurs se sont bousculés depuis pour rafler les 799 exemplaires disponibles, attirés par un châssis qui emprunte de nombreux concepts aérodynamiques à la Formule 1, et visiblement peu refroidis par un prix avoisinant les 3 millions d’euros pièce…

Un engouement qui contribuera encore un peu plus au succès retentissant du constructeur italien, coté aux bourses de Milan et New York mais encore détenu à 25% par Exor, le holding de la famille Agnelli. Boosté par une croissance de revenus et de profitabilité à deux chiffres, Ferrari avait annoncé l’été passé réviser à la hausse ses prévisions de résultats pour 2024.

Qu’en est-il de ses concurrentes? En novembre dernier, Lamborghini – qui appartient au groupe VW – annonçait, elle aussi, un nombre de livraisons et des revenus sans précédents – en hausse de 20% – sur les neuf premiers mois de 2024. La marque britannique Bentley a quant à elle enquillé d’excellents résultats depuis 2021, même si ceux-ci ont un peu perdu de leurs couleurs ces derniers mois.  

Pour autant, appartenir au club fermé des manufacturiers de luxe n’est pas à lui seul gage de succès. Ainsi le britannique Aston Martin semble éprouver, depuis sa quasi-faillite en 2020, d’importantes difficultés à sortir de l’ornière.

Une nouvelle génération d’ultrariches

A l’inverse de ses concurrentes, cette dernière semble n’avoir pas réussi à capter les opportunités d’un marché potentiel pourtant en pleine croissance. Le cœur de cible des fabricants, c’est la communauté mondiale des ultrariches, ces détenteurs de fortune supérieure à 30 millions de dollars. Or d’après le Boston Consulting Group, leur nombre aura quasi triplé entre 2018 et 2028.

Le consultant s’est penché plus précisément sur leurs attentes ainsi que, plus généralement, celles des amateurs de 4 roues disposant d’un patrimoine de plus d’un million de dollars. Premier constat, une grande majorité d’entre eux sont avant tout guidés dans leurs achats par les innovations technologiques, la sécurité, le confort et, bien entendu, des expériences de conduite à couper le souffle.

Par ailleurs, on y apprend que 36% d’entre eux sont déjà propriétaire d’une voiture électrique, et qu’un autre 38% entendent bien passer à ce type de motorisation lors de l’acquisition de leur prochain bolide. «La nouvelle génération d’acheteurs de véhicules électriques est bel et bien là», commente ainsi le consultant. Millenials ou Gen Z, urbanisés et sensibles aux questions de durabilité, 60% d’entre eux sont ouverts à l’achat électrique sans attendre de nouveaux progrès de la technologie, détaille le rapport.

Electrification en dents de scie

Un constat face auquel les différentes marques adoptent toutefois des stratégies bien différentes. Chez Ferrari, on a fermement enclenché la vitesse supérieure. Les modèles électriques et hybrides devraient y représenter 80% des ventes d’ici à 2030, dont une bonne moitié pour le «full électrique». 

Un premier modèle est attendu cette année et la marque entend bien préserver son caractère exclusif face aux nouveaux modèles EV de luxe annoncés pour les prochaines années, chinois y compris. Une gageure, quand on sait à quel point le ronronnement si particulier de ses moteurs thermiques ont contribué à sa légende. Mais les équipes de Maranello se veulent confiantes, promettant un plaisir de conduite renouvelé et «des voitures rendues uniques» par la technologie électrique.

Stephan Winkelmann, le CEO de Lamborghini, adopte une lecture différente. A ses yeux, le marché des voitures de sports n’est pas suffisamment mature. Et même si tous les véhicules qui sortent aujourd’hui de ses lignes de production sont hybrides, son premier modèle «full électrique» ne devrait pas voir le jour avant 2029, a-t-il annoncé le mois passé.

Bentley, quant à elle, dit compter sur la mise sur le marché de ses nouveaux modèles hybrides pour se relancer cette année. La marque, qui appartient elle aussi au groupe VW, promet son premier «full électrique» pour 2026. Mais elle a repoussé de 2030 à 2035 son objectif de disposer d’une gamme entièrement électrifiée. Des modèles hybrides continueront donc à voir le jour d’ici là.

Hyper personnalisation

Si l’appétit du marché pour le full électrique semble encore faire débat, il n’en est pas de même pour ce qui est de l’hyper personnalisation.  Ainsi, les afficionados fortunés ont trouvé dans la customisation à l’extrême un agréable moyen de se démarquer encore un peu plus des conducteurs lambda.

Au siège de Maranello, ainsi qu’à New York et Shanghai, Ferrari met ainsi un «designer personnel» à la disposition de ses clients en quête de personnalisation ultime. Des caches-écrous de gentes à la couleur du châssis, des cuirs aux ailerons ou aux surpiqûres des sièges, ces options pour privilégiés semblent infinies. Véritable relais de croissance, ces programmes ont compté pour près de 20% des 6 milliards de revenus générés par la marque en 2023.

«Ferrari est un cas particulier car la marque jouit d’une reconnaissance unique, associée à la performance, l’exclusivité, l’appartenance à une communauté de connaisseurs, explique Caroline Reyl, spécialiste de l’industrie du luxe au sein du gestionnaire d’actifs Pictet. Le pouvoir de fixation des prix repose sur le fait que les acheteurs s’attendent à revendre leur modèle à des montants encore plus élevés. Ils voient cela comme un investissement. Une liste de clients restreinte participe au sentiment d’exclusivité.  Ferrari produit très peu de volumes, environ 13.000 par an.»

Affirmation de soi

Associée au carrossier Mulliner, Bentley s’est engagé dans cette même voie de l’hyper personnalisation. Récemment, elle a aussi dévoilé un modèle dont la carrosserie arbore des motifs dont les couleurs peuvent changer à l’envi. Développée en partenariat avec un tatoueur mondialement renommé, elle n’a pas été présentée lors d’un salon automobile, mais bien à l’occasion de la Miami Art Week.

Les manufacturiers ont compris depuis longtemps qu’à travers leur marques, ils vendent bien plus que des bijoux de technologie. Un produit d’investissement, doublé d’une part de rêve et d’affirmation de soi…

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