L’Allemagne sous tension: l’attentat de Magdebourg ravive les fractures politiques avant les législatives
La tristesse laisse peu à peu la place aux premiers débats politiques en pleine campagne électorale: devant l’église Johannis, près du marché de Noël de Magdebourg, meurtri par l’attentat, un habitant interpelle le chancelier allemand venu déposer une rose blanche.
« Scholz, faites de la politique pour le peuple. Asseyez-vous à table avec l’AfD« , le parti d’extrême-droite allemand, crie Kevin Bäcker, un entrepreneur de 36 ans. Devant le parvis du temple protestant, recouvert de bouquets de fleurs et de cierges rouges, quelques dizaines de citoyens se recueillent silencieusement. M. Bäcker laisse exploser sa colère à l’arrivée du dirigeant social-démocrate Olaf Scholz et du chef de l’opposition conservatrice Friedrich Merz, venus soutenir les habitants après cette attaque qui a fait au moins 5 morts et plus de 200 blessés.
A quatre jours de Noël, Magdebourg, ville de l’est de l’Allemagne d’environ 250.000 habitants, est en deuil: près du lieu du drame, les passants marchent, le visage fermé, sur des trottoirs où des gants d’infirmiers bleu ciel jonchent encore le sol.
Mais à deux mois de législatives anticipées allemandes, certains soulèvent la question de la responsabilité politique de ce carnage et de l’accueil des étrangers dont l’auteur présumé est saoudien. Comme dans toute l’Europe, l’extrême-droite a le vent en poupe en Allemagne, et dans la partie orientale du pays, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) a enregistré des scores records lors de scrutins régionaux en septembre.
« Ce sont à nouveau des Allemands que l’on écrase »
Dans les sondages, elle est donnée deuxième pour les élections générales de février, derrière les conservateurs. « J’ai passé une très mauvaise nuit », raconte Fred Köhler, un concierge de Magdebourg de 63 ans, « car ce sont à nouveau des Allemands que l’on écrase ».
L’attaque de Magdebourg s’est produite huit ans après celle de Berlin où un camion bélier avait tué 13 personnes, jusqu’ici la plus meurtrière en Allemagne, commise par un islamiste tunisien. Même si les raisons de l‘attaque de Magdebourg restent troubles et que l’auteur présumé est qualifié d' »islamophobe » par le gouvernement, la fièvre monte
La fièvre monte
« Tout cela se passe avec l’autorisation de ‘notre régime’ à Berlin, qui tolère ça« , ajoute M. Köhler, très remonté contre tous les partis traditionnels, les conservateurs de l’ex-chancelière Angela Merkel, qui a pratiqué une politique généreuse d’immigration, les sociaux-démocrates de Scholz, les Verts et les libéraux. « Tous ces gens ‘importants’ vont fêter en toute tranquillité Noël », s’énerve-t-il.
Comme son ami, Andreas Hecht, retraité de 74 ans, venu déposer des fleurs avec lui, il laisse entendre que l’AfD pourrait apporter la solution aux problèmes de sécurité du pays. D’autres sont beaucoup plus mesurés. « On est bouleversé, sans voix et on se dit qu’on aurait pu être là, à ce moment-là », confie les larmes aux yeux Harm Boems, jeune étudiant blond de 19 ans. Pour lui, il est important « de se concentrer pour quelques heures, pour quelques jours (…) sur les victimes, les gens qui ont souffert ». « Peut-être que les politiques au niveau fédéral sont d’une façon ou d’une autre responsables », conçoit-il.
« Ne pas laisser le champ aux populistes »
Mais il souligne que des mesures de sécurité avaient été prises pour protéger ce marché très couru pendant les fêtes, où les familles venaient déguster du pain d’épices, des saucisses, boire du vin chaud au milieu de petits chalets illuminés vendant des produits artisanaux. « Il est très important de ne pas laisser les politiques instrumentaliser cet attentat », met en garde le Germano-Américain Knut Panknin, qui a déposé une gerbe avec son compagnon Afro-Américain.
« Il faut que les politiques se soucient de la sécurité et de l’ordre mais en même temps, ils ne doivent pas abandonner le champ aux populistes« , ajoute ce quinquagénaire, demeurant à Washington et venu passer les fêtes de fin d’année dans sa famille en Allemagne. Et il rappelle: « la majorité des crimes en Allemagne sont commis par des citoyens allemands ».