Friedrich Merz, le chef de la CDU, a la main désormais pour former le nouveau gouvernement. © Getty Images

Elections législatives en Allemagne: victoire de la droite et forte progression de l’extrême droite

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Un votant sur cinq a choisi l’Alternative pour l’Allemagne néonazie. La CDU/CSU de Friedrich Merz devra former une coalition avec les sociaux-démocrates et les Verts ou avec les sociaux-démocrates et les libéraux.

La droite l’emporte; l’extrême droite réalise la meilleure progression; les sociaux-démocrates paient le prix d’un gouvernement sortant au bilan insuffisant; les libéraux plus encore; et l’extrême gauche fait bonne figure: tels sont les enseignements des élections législatives anticipées de ce 23 février en Allemagne. Les sondages avaient vu juste: l’Alternative pour l’Allemagne fait une percée spectaculaire avec un résultat autour des 20% des voix selon les premières estimations, soit le double du score réalisé lors du scrutin précédent, le 26 septembre 2021 (10,34%). Mais cette avancée n’est tout de même pas de nature à menacer la victoire, attendue et largement confirmée, des chrétiens-démocrates de la CDU/CSU. Ils l’emportent avec entre 28,5% et 29%, selon les instituts de sondage, soit un peu en-dessous de ce que prédisaient les enquêtes d’opinion (30%), mais avec environ 5% de plus que leur résultat en 2021 (24,07%).

Des partis du gouvernement sortant, ce sont les sociaux-démocrates du SPD d’Olaf Scholz et les libéraux du FDP qui subissent les revers les plus importants, respectivement dans une fourchette entre 14,5 % et 16,5 % (soit – 9 points par rapport à il y a quatre ans) pour les premiers, et autour des 5% (environ – 6 points) pour les seconds. Les Verts résistent mieux avec un score entre 12 et 13 % contre 14,75 % en 2021. Enfin, la gauche radicale réalise globalement une progression: la formation traditionnelle Die Linke obtient autour des 9 %, score auquel s’ajoute dans ce spectre politique le résultat du parti nouveau-venu, l’Alliance Sahra Wagenknecht (gauche radicale qui prône une politique dure en matière d’immigration), qui récolte pôur sa première participation à des législatives autour des 5% des suffrages.

Friedrich Merz, le leader de la CDU/CSU, est donc appelé à former le futur gouvernement, un retour aux affaires pour la droite conservatrice après le mandat du gouvernement SPD/Verts/FDP, soit depuis la fin du dernier gouvernement d’Angela Merkel en 2021. Merz ayant exclu une alliance avec l’Alternative pour l’Allemagne, deux options s’offfrent à la CDU pour gouverner, une alliance avec les sociaux-démocrates et les Verts, qui lui assurerait environ 374 des 630 sièges du Bundestag, ou avec les sociaux-démocrates et les libéraux, qui lui en garantirait 328. Quelle que soit l’option privilégiée, le nouvel exécutif sera sous la pression permanente d’une extrême droite qui devrait envoyer autour des 130 élus au parlement, un poids indédit dans l’histoire de l’Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le contexte dans lequel se sont déroulées ces élections était, il est vrai, particulièrement favorable à l’extrême droite. Un contrôle plus strict de l’immigration est la principale ligne directrice de son programme. Or, l’Allemagne a été le théâtre en deux mois de plusieurs attaques terroristes avec, à chaque fois, un migrant comme auteur présumé.

Le 20 décembre 2024, une voiture fonce dans la foule d’un marché de Noël à Magdebourg, faisant six morts. Le 22 janvier, c’est un jardin d’enfants qui est pris pour cible à Aschaffenburg, en Bavière, par un homme qui tue deux personnes avec un couteau. Le 13 février, un véhicule, de nouveau, fauche des badauds à Munich. Deux d’entre eux décèdent. Enfin, le vendredi 21 février, soit à l’avant-veille du scrutin, un réfugié syrien attaque un visiteur du Mémorial de l’Holocauste à Berlin. Le touriste espagnol a été grièvement blessé.

Difficile de créer un climat plus anxiogène dans un pays qui, en 2015, sous l’impulsion de la chancelière Angela Merkel, dirigeante de la CDU, avait adopté une politique volontariste d’accueil des étrangers dans la cadre de la crise migratoire essentiellement provoquée par la fuite des victimes de la guerre et de la répression de Syrie. Dix ans après, cette stratégie pose légitimement question en Allemagne, un débat bénéfique pour l’AfD.

Le contexte dans lequel se sont déroulées ces élections était particulièrement favorable à l’extrême droite.

Le deuxième élément de la campagne électorale censé servir l’extrême droite est, lui, davantage sujet à caution. Le soutien qu’ont apporté à Alice Weidel, la cheffe de l’AfD, le conseiller spécial de Donald Trump, Elon Musk, et le vice-président américain en personne, J.D. Vance, pouvait être une arme à double tranchant. Il pouvait consacrer une reconnaissance internationale de l’AfD, comme il pouvait être perçu comme une ingérence étrangère inopportune dans le débat politique allemand.

Le résultat du scrutin qui n’a pas montré une nouvelle progression du parti d’extrême droite par rapport aux sondages initiaux de la campagne incline à penser que c’est la seconde thèse qui a dominé dans l’esprit des électeurs.

Le voeu formulé par J.D. Vance que la droite traditionnelle allemande s’allie à l’extrême droite pour former le futur gouvernement n’aura pas été plus performatif. Malgré son bon score, l’Alternative pour l’Allemagne ne participera pas à l’exécutif prochainement mis en place. En Europe, le cordon sanitaire contre l’extrême droite, cela veut encore dire quelque chose…

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