Zoonose : quels sont les virus susceptibles de provoquer la prochaine pandémie?
Si l’origine du covid reste encore floue, les experts privilégient la théorie de la transmission naturelle du virus d’un animal réservoir – probablement la chauve-souris – à l’homme. Une nouvelle base de données classe plusieurs virus susceptibles de contaminer l’Homme. Et tous ne présentent pas le même risque…
La crise actuelle n’est pas encore terminée, mais les virologues tirent déjà la sonnette d’alarme : la pandémie de covid pourrait bien être la première d’une longue série. C’est juste une question de « quand ». Souvenez-vous : en 2018, l’OMS mettait en garde contre une « maladie X », une pathologie causée par un virus inconnu pouvant causer un « danger international ». Un peu plus d’un an et demi plus tard, le SARS-CoV-2 apparaît alors en Chine, et finira par toucher l’ensemble de la planète.
Nos modes de vie actuels, l’urbanisation constante et l’agriculture intensive sont autant de facteurs qui influencent l’émergence ou la propagation des zoonoses. L’expansion géographique des activités humaines fait en effet pression sur le monde animal. Par conséquent, des populations entières d’espèces sauvages disparaissent et l’habitat naturel de la faune se dégrade et rétrécit, au point de provoquer un contact renforcé de l’Homme avec les animaux.
Or, quand on sait que les mammifères et les oiseaux sont porteurs d’un peu plus d’un million de virus, cette cohabitation forcée est loin d’être un problème anodin. De nombreux agents pathogènes pourraient constituer une menace similaire à celle du covid.
Prédire la menace future
Il fallait donc trouver un moyen de limiter les risques. C’est en tous cas cette constatation inquiétante qui amena à la création d’une large base de données rassemblant les virus pathogènes susceptibles de se transformer en zoonoses. Une équipe de 400 scientifiques a lancé le projet Predict, un programme de l’Usaid (agence américaine pour le développement international), chargé de mener une enquête massive sur les virus animaux.
Leur objectif ? Aider la communauté scientifique internationale à déterminer le degré de dangerosité de chacun des virus animaux en classant leur probabilité d’être transmis d’une espèce à l’autre et d’évoluer vers une forme qui pourrait facilement contaminer les humains.
« Le SRAS-CoV-2 n’est qu’un exemple des milliers de virus qui ont le potentiel de se propager des animaux aux humains », confirme Zoë Grange, de l’Université de Californie, qui a dirigé la création de SpillOver. « Nous devons non seulement identifier, mais aussi hiérarchiser les menaces virales présentant le plus grand risque de contagion avant qu’une autre pandémie dévastatrice ne se produise ».
32 facteurs de risque
En utilisant plus d’un demi-million d’échantillons individuels prélevés sur 75 000 animaux, ils ont entrepris de cataloguer 887 virus animaux issus de 25 familles virales différentes. L’équipe a ensuite lancé un outil Web appelé SpillOver, une application qui évalue leur capacité à se propager chez l’humain en fonction de différents facteurs.
Nombre d’espèces hôtes, distribution géographique de ces espèces, types d’environnement dans lesquels elles vivent, capacité du virus à infecter les cellules humaines, fréquence d’interaction entre l’Homme et l’animal hôte, ou encore sévérité de la maladie causée par le virus… Au total, 32 facteurs de risque ont été identifiés pour générer un score de « débordement » du virus de l’animal à l’Homme. Un indice de dangerosité a ensuite été établi pour donner un classement des virus les plus susceptibles de se propager à l’Homme.
Si l’on dénombre à ce jour environ 250 zoonoses (virus déjà passés des animaux aux humains), environ 500.000 autres agents pathogènes présentent également un potentiel de « débordement », détaillent les chercheurs dans leur étude. Certains en revanche sont plus susceptibles de contaminer l’Homme.
Le covid, en 2e position
Les douze premiers du classement sont des agents pathogènes déjà connus, car ils ont déjà infecté au moins une fois l’Homme. En seconde position, on retrouve le fameux virus SRAS-CoV-2 responsable de la pandémie actuelle. Mais pourquoi n’est-il pas arrivé en tête du classement ?
D’après les chercheurs, certaines informations importantes le concernant restent encore inconnues. On manque notamment de données sur les hôtes possibles de ce virus — seuls quelques cas de tigres, lions et visons ont été documentés et on ne connaît toujours pas l’animal à l’origine de la contamination chez l’Homme. De plus, il n’a, à l’heure actuelle, provoqué qu’une unique épidémie, contrairement au virus Lassa qui arrive en tête de la liste.
D’autres types de coronavirus sont également présents dans la liste, notamment le coronavirus 229E, qui s’avère être le plus dangereux des virus pas encore zoonotiques (13e du classement). Connu pour infecter les chauves-souris en Afrique (NDLR : il vit au sein des populations de chauves-souris du Congo, du Cameroun, de la Guinée, du Rwanda, de la Sierra Leone, du Sénégal et de l’Ouganda), il appartient à la même famille virale que le SRAS-CoV-2. Dangereux, pourquoi ? S’il est si bien classé, c’est à cause de l’environnement dans lequel il « habite » : il vit dans des zones boisées qui sont de plus en plus envahies par les humains à cause de la déforestation et de l’urbanisation.
Un autre coronavirus de type SARS encore non passé à l’Homme (betacoronavirus Rp3) se trouve 15eau classement. Il est même possible que les risques soient sous-estimés, avancent les scientifiques. « Certains coronavirus nouvellement détectés ont peut-être déjà infecté l’Homme sans que l’on s’en aperçoive, faute de diagnostic ou de sous-déclaration, ainsi qu’en raison de la propension des coronavirus à ne causer que des symptômes légers ou des cas asymptomatiques « , expliquent-ils.
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Une plateforme de crowdsourcing
La particularité de cette application est qu’elle n’est pas « terminée », c’est une plateforme de crowdsourcing. En d’autres termes, la base de données SpillOver est configurée pour que les chercheurs puissent ajouter à tout moment leurs propres rapports, leurs propres données.
« Nous voulions créer un outil que tout le monde puisse utiliser. Ils peuvent ajouter leurs découvertes de virus et faire leur propre classement« , explique Jonna Mazet, épidémiologiste à l’École de médecine vétérinaire UC Davis (Californie). Ainsi, ce classement est susceptible d’évoluer avec le temps en fonction de ces nouvelles informations.
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