Modifier les hommes ou faire renaître des espèces éteintes: les Cellules souches entre espoirs et craintes
Dignes de la science-fiction, les recherches sur les cellules souches sont source d’espoirs et de craintes et doivent être encadrées sur le plan éthique, affirme Insoo Hyun, spécialiste de bioéthique à l’université américaine de Harvard.
Insoo Hyun, spécialiste de bioéthique à l’université américaine de Harvard, a participé à la rédaction des recommandations de la Société internationale de recherche sur les cellules souches (ISSCR), rendues publiques mercredi. Rencontre.
Pourquoi ces recommandations, et quel est leur poids?
« Dans la plupart des pays, il n’y a pas de législation sur ce type de recherches. Même si nous n’avons pas le pouvoir de sanctionner qui que ce soit pour avoir violé ces recommandations, elles ont de l’influence: les scientifiques les suivent.
Elles fonctionnent un peu comme des feux de signalisation.
Quand c’est vert, pas de problème, il suffit que les chercheurs nous fassent savoir qu’ils mènent telle ou telle recherche. Quand c’est orange, cela nécessite que nous nous y penchions. Et le rouge signifie qu’il ne faut pas mener cette recherche-là pour l’instant: c’est par exemple le cas du clonage reproductif humain, ou du transfert dans l’utérus d’embryons génétiquement modifiés. Certains scientifiques pensent que la bioéthique fait obstacle à la science. Je pense au contraire que cela lui ouvre le chemin: sans feux de circulation, il y a des embouteillages et des accidents. »
Comprenez-vous les craintes qui entourent ces recherches?
« Le public se demande parfois où la science va nous mener en tant que société, que ce soit avec Crispr (technique d’édition génétique qui suscite de grands espoirs, mais avait également servi à faire naître des « bébés OGM » en Chine en 2018, ndlr) ou d’autres technologies. C’est une préoccupation parfaitement compréhensible. Mais il n’y a pas de chef d’orchestre qui guide la science et dit +Nous allons tous dans telle ou telle direction+. Tout est fragmenté, les équipes travaillent chacune de son côté et parfois, leurs recherches se rejoignent de façon fortuite et font avancer la science. Dans un domaine où la science progresse aussi vite, le cadre éthique doit évoluer constamment. Pour autant, il faut conserver des principes éthiques larges que tout le monde comprend.
Le préalable, c’est que ces recherches aient un bénéfice sociétal, c’est-à-dire qu’elles permettent de faire progresser les connaissances scientifiques. Autrement, elles n’ont pas de raison d’être. Prenons l’exemple de scientifiques qui voudraient faire un hybride singe-humain: une telle expérience n’aurait pour but de répondre à aucune question scientifique. Elle n’a donc pas lieu d’être.
De toute façon, ce type de recherches est très compliqué, c’est donc difficile d’imaginer quelqu’un se livrer à ce genre d’expériences dans son garage. Cela limite mes craintes. »
Y a-t-il des choses dont vous vous dites: « Etonnant que personne n’ait jamais essayé »?
« J’hésite à le dire car je ne veux pas que cela donne l’idée à certains de le faire! Mais il y a toutefois une chose dont je peux parler sans crainte, c’est le sauvetage des espèces. C’est une perspective très enthousiasmante. De nombreux échantillons de tissus d’animaux en danger sont conservés au froid par des équipes de scientifiques. Imaginons qu’à partir de ça, on puisse créer des modèles d’embryons capables de se développer: ce serait un peu comme l’Arche de Noé, on pourrait faire revenir ces espèces et compenser le péché d’avoir provoqué leur extinction. »
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