© REUTERS

Comment une paire de satellites va « peser » l’eau sur Terre

Le Vif

Si l’on sait aujourd’hui chiffrer précisément combien de glace a fondu au Groenland et en Antarctique, c’est grâce à deux satellites lancés en 2002 par la Nasa et le Centre allemand de recherche sur les sciences de la Terre (GFZ) et qui vont être remplacés mardi par une paire plus moderne.

Une fusée Falcon 9 de la société privée SpaceX doit décoller chargée des deux nouveaux satellites mardi à 19H47 GMT de la base américaine Vandenberg, en Californie. La mission s’intitule GRACE-FO et prend la suite de la mission GRACE (2002-2017).

Comment mesurer l’eau depuis l’espace?

Un élément élémentaire de physique est que la moindre variation de masse, sur Terre, modifie la gravité exercée sur les satellites. C’est ce que les scientifiques vont utiliser à leur escient.

Deux satellites, chacun de la taille d’une voiture, vont voler autour de la Terre, à 220 km de distance l’un de l’autre, à 490 km d’altitude, pendant les cinq prochaines années.

Quand le satellite de tête passera au-dessus d’une montagne, il s’éloignera pendant quelques instants du satellite suiveur en raison de la masse supplémentaire à cet endroit et d’une gravité légèrement plus forte. C’est cette infime variation de distance que la mission va continuellement enregistrer, car chaque variation signalera un changement de masse sur la planète juste en-dessous.

Or, sur une période mensuelle, qui sera l’unité de référence, seule l’eau a la capacité de changer aussi vite. Qu’elle soit liquide, solide ou gazeuse, l’eau a une masse. Quand elle fond, la masse des océans augmente. Quand il pleut beaucoup sur telle région, le volume des aquifères y augmente: les satellites le sentiront, car la masse sera à cet endroit plus importante que le mois ou l’année précédente.

Les satellites GRACE-FO établiront ainsi une carte de l’eau sur Terre, tous les 30 jours, montrant à quels endroits il y en a plus, et à quels autres il y en a moins, qu’elle se trouve au-dessus ou en-dessous de la surface terrestre.

Leur précision sera telle qu’ils détecteront un changement équivalent à un centimètre de hauteur d’eau sur une zone de 340 km de diamètre.

A quoi cela sert-il?

La mission précédente, GRACE, a permis de mesurer que le Groenland perdait plus de glace que ce que les observations au sol laissaient penser. De 2002 à 2016, 280 gigatonnes de glace ont fondu chaque année, ce qui a conduit à faire monter le niveau des océans de 0,8 millimètre.

Les satellites ont aussi vu précisément ce que l’Antarctique, très difficile à étudier, a perdu.

Ils produisent des cartes colorées de rouge et de bleu, le rouge montrant une perte d’eau, et le bleu montrant des gains.

La carte de Californie s’est ainsi fortement colorée de rouge pendant la sécheresse qui a affecté l’Etat américain jusqu’à récemment: scientifiques et pouvoirs publics ont pu chiffrer le niveau de baisse des nappes phréatiques.

A l’inverse, d’autres régions du globe, comme le delta de l’Okavango au Botswana, ont vu leurs réserves d’eau augmenter entre 2002 et 2016 à la faveur de fortes précipitations.

Le renouvellement de la mission permettra de confirmer ou d’infirmer ces tendances: montée des océans, fonte des glaces, épuisement de certains aquifères.

« L’eau est indispensable à la vie sur Terre, pour la santé, l’agriculture, tout notre mode de vie », a expliqué lundi Michael Watkins, responsable scientifique du projet à la Nasa. « On n’arrivera pas à la gérer tant qu’on ne pourra pas bien la mesurer ».

La Nasa a investi 430 millions de dollars dans la mission, et les Allemands 77 millions d’euros (environ 90 millions de dollars).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire