Votre médecin aussi peut faire faillite
Un médecin qui fait faillite, cela arrive mais ce n’est pas chose courante en Belgique. Selon les premières statistiques de Statbel glanées par De Morgen à ce sujet, il y a eu, en 2018, 42 cabinets qui ont déposé le bilan, dont 13 médecins généralistes, 15 spécialistes et 14 dentistes.
Les chiffres de Statbel viennent un peu écorcher l’image proprette du médecin de famille ou du spécialiste qui roule en voiture de luxe et qui habite une belle villa avec piscine. Pour l’année 2018, l’Office belge des Statistiques a en effet dénombré au total 42 cabinets médicaux qui ont déposé le bilan, dont 13 médecins généralistes, 15 spécialistes et 14 dentistes. Ce n’est que depuis mai dernier que les médecins de notre pays peuvent être déclarés en faillite. La nouvelle loi sur l’insolvabilité relatives aux professionnels indépendants est alors entrée en vigueur sous l’impulsion du ministre de la Justice Koen Geens (CD&V).
Par rapport au nombre total de faillites en Belgique, soit 10.000, les cas de médecins qui déposent le bilan restent cependant des exceptions, avance Filip Dewallens, professeur de droit médical (KU Leuven/UAntwerpen) et avocat interviewé par le journal De Morgen qui dévoile ces statistiques. « Il y a très peu d’appauvrissement dans le secteur médical, car le coût d’investissement moyen est faible. Une faillite est principalement causée par des affaires privées, comme un divorce« , explique-t-il. Une maladie peut également être la cause d’ennuis financiers, de même que ne pas être bien assuré ou négliger ses tâches administratives pendant trop longtemps.
Un jeune spécialiste relate anonymement sur Mediquality, la plate-forme numérique destinée aux professionnels de la santé au Benelux, ses problèmes financiers. Ils ont commencé dans la trentaine par un divorce. Sa femme voulait garder la maison. « Mais elle a été sous-estimée, et bien que ma part de l’hypothèque soit restée exagérément élevée, j’ai à peine obtenu un tiers de la valeur marchande initialement estimée », explique-t-il.
Il s’avère qu’il n’est pas le seul dans son métier à être confronté à de tels problèmes financiers. La revue De Specialist a également publié récemment un article sur la montagne de dettes parfois imprévisibles de certains docteurs. « Le Barreau assure le suivi d’au moins 115 dossiers de médecins ayant de graves problèmes financiers« , peut-on y lire. Sur un total d’environ 40.000 médecins actifs dans notre pays, il s’agit toutefois d’une minorité.
Tabou
Au cours de sa carrière, Marc Moens de l’Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSyM) a rencontré des collègues qui n’en menaient pas large : « Je pense en particulier aux gynécologues, chirurgiens et radiologues qui, à l’âge de 30 ans, après des années de spécialisation, se retrouvent sur le marché du travail et n’y trouvent aucun emploi ». Selon lui, ces spécialistes se trouvent dans une situation difficile car cela prend du temps d’établir sa patientèle.
Les médecins endettés peuvent s’adresser à différentes organisations. A Bruxelles et en Brabant wallon, ils peuvent se tourner vers la Commission professionnelle et sociale (CP&S). Cette commission est « mise à disposition de tous les docteurs en médecine afin de les soutenir dans leurs difficultés personnelles et leur permettre ainsi de faire face à l’exercice quotidien de leur profession« , peut-on lire sur son site.
En Flandre, le centre de compétence « Arts in nood » peut aussi leur venir en aide. « Nous nous concentrons principalement sur les médecins ayant des problèmes psychologiques « , explique le coordinateur Koen Matton dans De Morgen. « Mais de temps en temps, il arrive que l’on discute aussi de problèmes financiers« .
Dans certains cas, les médecins sont aidés dans l’analyse des coûts des différents postes qui leur incombent, une médiation de dette peut être entamée ou ils sont redirigés vers les services sociaux (CPAS) pour obtenir un salaire minimum. « C’est exceptionnel, mais ça arrive« , constate Koen Matton. Si des problèmes financiers surviennent, ils restent souvent tabous, comme en témoigne le spécialiste anonyme interviewé par Mediquality. « Pour le monde extérieur, j’étais encore un médecin prospère. Je m’assurais que j’étais toujours tiré à quatre épingles et que ma voiture restait rutilante. »
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